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Fragments du passé sur pellicule

Conrad Jean et son fils Emmanuel dans le sous-sol de leur maison au milieu de leurs films et projecteurs. Photo: Amine Esseghir

En collectionnant les anciens films de famille, Conrad Jean a découvert une mine d’or historique. Images d’édifices patrimoniaux ou de ruelles vibrantes, ces bouts de pellicules racontent la vie telle qu’elle se passait presque tout au long du 20e siècle. Avec son fils Emmanuel, il va projeter ses trouvailles à la maison du Pressoir avec de vieux projecteurs de cinéma, comme dans l’ancien temps.

Comment est né cet intérêt pour les vieux films amateurs?

J’ai débuté avec nos propres films de famille. Ma mère avait filmé au début des années 1960. Au début, je voyais cela comme des albums photo jusqu’à ce que je me rende compte qu’il y avait un aspect archivistique et anthropologique.

Où trouvez-vous ces films?

Je vais dans des ventes de garages, dans des brocantes. Sur un film de famille qui dure 15 minutes ou même une demi-heure, on va avoir trente secondes qui intéresseront tout le monde.

Parce que des anniversaires, des fêtes de Noël ou des mariages, c’est la même chose tout le temps. Mais à un moment donné on tombe sur une séquence unique. Une ruelle de Montréal avec des gens qui jouent au hockey ou au ballon balaie.

[Intervention d’Emmanuel] La première fois qu’on voit ça, il y a un effet de nouveauté et c’est extraordinaire. Puis, plus on en voit, plus on se met à l’affût pour attendre le petit truc spécial.

Vous êtes à la recherche du petit détail qui va au-delà du souvenir familial.

Ce qui est particulier, c’est qu’à partir des années 1950, c’est la démocratisation de la pellicule. Donc on voit la vie de monsieur et madame tout le monde. On tombe sur la vie de tous les jours. C’est ce qui m’intéresse le plus.

J’ai une bobine d’un défilé de la Coupe Stanley de 1959. On y trouve une séquence d’une ruelle de Montréal, mais aussi mon père qui fait boucherie dans la petite ferme chez nous.

Vous auriez pu numériser ces pellicules et les mettre sur une plateforme de diffusion.

Ce que j’aime là-dedans c’est de garder vivante la pratique du cinéma avec des projecteurs. En projetant les films sur pellicule, il y a un côté romantique avec le son du projecteur, le filet de lumière dans l’obscurité. Regarder un film sur pellicule n’est pas la même expérience que regarder une vidéo numérique.

Crédit – Amine Esseghir

Vous allez justement amener vos films à l’endroit où des gens pourront les voir.

Avec la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville, on a la possibilité de partager cela à la maison du Pressoir et avoir un lieu de diffusion de cette expérience, mais pas juste de l’image.

Comment allez-vous organiser ces projections?

[Intervention d’Emmanuel] Il y aura trois stations, une pour les films 8 mm, une pour les 16 mm et une autre numérique. On aura 30 à 35 minutes de films. Les gens pourront se promener au milieu des projecteurs. Avec la COVID, on ne voulait pas avoir un rassemblement dans une salle.

Qu’est-ce qui est au programme?

On y va par thème. Le 24 juin, ce sera images du Québec avec des bobines complètes ou bien des séquences sur le Québec dans les années 1940, jusqu’aux années 1970.

On a le film d’un mariage de 1946, ce qui n’est pas banal. On y voit le voyage de noces des mariés. C’est une croisière sur le fleuve Saint-Laurent qui remonte au Saguenay et va jusqu’à Shipshow, je viens de ce coin-là. On va le présenter au complet.

J’ai des séquences de l’île de la Madeleine en plein hiver dans les années 1960 où on voit des gens déguisés. 

Il y aura aussi une projection le premier juillet.

On fera une rétrospective Expo 67. C’est extraordinaire. Mes parents ont filmé l’Expo et quand je ramassais des films dans les brocantes, il y avait régulièrement des films sur ça. On pourrait croire que toutes les bobines racontent la même chose parce que ce sont les mêmes pavillons. Eh bien pas du tout. Les manières dont les gens observent sont disparates même si c’est dans le même univers. On voit selon l’œil de celui qui filme. La subjectivité à ce moment-là est très importante.

Prévoyez-vous d’autres événements?

On aura plus tard une série sur les actualités des années 1930. J’ai trouvé chez un monsieur de Québec qui vendait un projecteur, des films Parade of the year [revue d’actualité en films 8 et 16 mm du producteur américain Castle Films] de 1936 à 1951, une bobine par année. Il y aura aussi des films de guerre. Cela montre les actualités, mais telle que la gens les voyaient à l’époque.

Plus tard, on présentera une série sur les sports et les activités physiques avec des films de famille dans des gymnases, ou avec des gens qui jouent au basketball.

On verra la petite fille qui apprend à nager ou le petit gars qui joue au hockey.

Il y a beaucoup de matchs de hockey sur des patinoires extérieures. On a aussi des films de combat de boxe, dans le style Castle Films.

[Intervention d’Emmanuel] On a aussi du ski de fond dans le nord. Castle Films et les films commerciaux étaient réalisés au Canada aussi. Ils ont pris des images de chez nous, mais selon leur point de vue.

Au-delà du passé raconté en image, que peut-on apprendre de plus de ces films?

En 2021, on regarde comment les gens se voyaient et vivaient en 1950. Il faut faire un effort intellectuel pour comprendre comment nous les voyons autrement aujourd’hui parce que nous connaissons la fin de l’histoire.

Projections de films à la maison du Pressoir le 24 juin et le 1er juillet. Entrée libre. 10865, rue du Pressoir. Parc-nature de l’Île-de-la-Visitation.

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