Recyclage du verre à Ahuntsic: «On veut que le projet prenne de l’ampleur dans le centre-ville»
En novembre 2020, l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville est devenu le premier secteur de l’agglomération de Montréal à instaurer un dépôt volontaire de recyclage du verre. Le projet a depuis fait son bout de chemin et connaît un certain succès auprès des habitants, si bien qu’il a été reconduit en 2022.
«C’est un super projet, souligne une citoyenne. J’y vais une fois par semaine à pied. J’accumule le verre et je fais un voyage. Ma famille qui vit dans La Petite-Patrie est écolo comme moi. Elle attend l’arrivée d’un système similaire chez elle.»
Partout ailleurs dans la ville, le verre est mélangé avec les autres matériaux recyclables. Mais il se transforme bien souvent en matériau à usage unique, sous forme de broyat qui se retrouve dans des sites d’enfouissement.
«Ça n’a pas de sens, estime Jacques L’Écuyer, porte-parole de Verrecycle, à l’origine du projet à Ahuntsic-Cartierville. Dans une collecte sélective, il arrive que le verre se casse et se mélange avec des matières plastiques, du bois, du papier ou du métal. Ce n’est pas toujours facile à séparer. Certaines machines de tri peuvent d’ailleurs être endommagées par le verre», souligne-t-il.
En outre, le verre recyclable doit contenir moins de cinq parties par millions (ppm) de fer. C’est là où est le problème: une fois trié, le verre peut être contaminé, et donc, non recyclable.
Un cycle vertueux
L’initiative proposée par Verrecycle permet donc d’éviter cet écueil. Les deux conteneurs implantés devant le magasin Métro Plus Fleury et devant le Marché central permettent de récupérer jusqu’à 500 tonnes par an, selon l’organisme.
Un quart du verre est recyclé en fibre de verre, le reste s’en va vers l’usine de verre Owens Illinois, à Pointe-Saint-Charles.
Jacques L’Écuyer, porte-parole de Verrecycle, à l’origine du projet à Ahuntsic-Cartierville
C’est autant de tonnes de verre qui sont détournées des sites de collecte collective et d’enfouissement. Le verre est acheminé chaque semaine à Saint-Jean-sur-Richelieu, vers l’entreprise 2M Ressources, spécialisée en gestion et traitement des matières résiduelles.
«Ils le séparent et ont deux sorties. Environ un quart est revendu à des compagnies pour faire de la fibre de verre. Le reste s’en va vers un conditionneur», indique Jacques L’Écuyer.
Ce conditionneur, le seul accrédité au Québec, est Owens Illinois, à Pointe-Saint-Charles.
Dans l’usine, le verre issu du recyclage est fondu avec du sable afin de créer de nouvelles bouteilles.
«La raison pour laquelle ils peuvent utiliser ce verre est qu’il n’est pas contaminé. Ces débris appelés “calcins” chauffent à plus basse température. Il permet donc d’économiser de l’énergie et des émissions de CO2», explique le porteur du projet.
Un cycle qui permet non seulement d’éviter de jeter, mais aussi de moins polluer en réduisant les coûts de production du verre. Il faut par ailleurs noter que pour fonctionner, Owens Illinois s’approvisionne aussi avec des bouteilles en verre venues de l’Ontario, comme celles consignées par la Liquor Control Board of Ontario (LCBO), équivalent ontarien de la Société des alcools du Québec (SAQ).
Quel coût financier pour le recyclage du verre?
Si le coût environnemental du recyclage du verre est évident et peu discutable, son coût financier, lui, est plus compliqué à évaluer.
L’acheminement du verre récolté dans les deux conteneurs de dépôt volontaire d’Ahuntsic-Cartierville vers 2M Ressources est à la charge de l’arrondissement, qui utilise son transporteur. Le coût équivaut à environ 60 $ la tonne. L’entreprise achète le verre à 10 $ la tonne. Le transport revient donc à environ 50 $ la tonne pour l’arrondissement.
Et depuis novembre 2020, le projet de recyclage du verre aurait coûté 85 000 $ à l’arrondissement, qui avait reçu un budget de 150 000 $ de la Ville-centre en 2019, lors de l’adoption du budget participatif.
À titre comparatif, le coût du transport et de l’envoi aux centres de tri de la collecte sélective coûte à la Ville de Montréal près de 200 $ par tonne, selon le bilan 2018 des matières résiduelles de l’agglomération, dernières données publiques disponibles à ce sujet.
Pour compenser ces frais, les redevances payées par les entreprises de traitement de matières résiduelles sont redistribuées aux municipalités. Elles équivalent à environ 200 $ par tonne, et couvrent donc généralement les coûts de la collecte collective.
Le calcul de cette redevance ne prend cependant pas en compte le tri à la source, comme c’est le cas du projet de recyclage du verre à Ahuntsic-Cartierville.
Système à revoir?
Selon Émilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, le système «n’est pas tout à fait bien fait au niveau provincial».
«Comment ça se fait que ce ne sont pas les producteurs qui gèrent les frais de redevance?», s’interroge-t-elle.
Car ces frais sont bien souvent répercutés sur le coût du traitement des déchets. Une affirmation qui est cependant à relativiser avec la collecte sélective.
En partant du principe que les redevances sont arrimées aux coûts et sont payées par tous les contribuables, on voit que nous avons tout intérêt à privilégier les solutions les moins coûteuses, ce qui est précisément le cas des dépôts volontaires ou de la consigne élargie.
Jacques L’Écuyer, porte-parole de Verrecycle, à l’origine du projet à Ahuntsic-Cartierville
L’application de la consigne élargie est prévue à l’automne 2022, mais devrait vraisemblablement être décalée à 2023.
L’évolution du modèle de la redevance n’est pas prévue, mais la quantité de verre à recycler pourrait évoluer.
«Environ 70% du verre dans nos bacs serait consigné», poursuit la mairesse. Il reste 30% de verre qui peut toujours être trié à la source et recyclé. L’enjeu est donc de savoir si l’élargissement de la consigne va avoir un impact négatif sur les habitudes des gens.
Il pose aussi la question de l’équilibre budgétaire. Une question que balaie Jacques L’Écuyer, au regard du bénéfice environnemental, et même économique, en comparaison à la collecte collective. Comme le rappelle le porteur du projet, il devrait continuer jusqu’à l’implantation de la mesure.
«Notre idée est de faire en sorte que ce projet-là prenne de l’ampleur dans le centre-ville», espère-t-il.