La thérapie par l’art depuis plus de 25 ans à l’Institut
Derrière les murs du pavillon Bédard de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal se cachent la plus grande collection d’art brut au Canada et, par le fait même, l’endroit où sont donnés, quatre fois par semaine, les ateliers d’art thérapeutique à des participants «impatients» de guérir.
Depuis plus de 25 ans, l’organisme Les Impatients offre, gratuitement et partout à travers la province, des ateliers de création aux personnes ayant un problème de santé mentale, dont à Pointe-aux-Trembles. Leur tout premier atelier est né en 1989 et est installé depuis, sur la rue Hochelaga, à l’Institut universitaire en santé mentale du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.
La fondatrice du projet Lorraine Palardy se rappelle des débuts plutôt tumultueux du projet. «La mise en tutelle de l’hôpital en 1990 compliqua les plans. Après quelques mois d’errance, le projet redéménage au Bédard, raconte-t-elle. Il n’était pas question d’arrêter… »
Depuis 30 ans, les ateliers ont évolué et sont maintenant là pour rester. «La découverte du talent et du courage des Impatients est à retenir, affirme Mme Palardy. Ces ateliers ont permis de démystifier la maladie mentale et de parler des personnes et non seulement de leur maladie.»
Les ateliers
Chaque semaine, une quarantaine de patients de l’Institut participent aux ateliers créatifs donnés deux fois par jour les mercredis et jeudis. Chacun peut élaborer son propre projet artistique, explique la responsable de l’atelier à l’Institut France Sevillano.
Que ce soit du dessin, de la peinture, de la sculpture ou même de la création de bijoux, le participant peut y trouver son compte. «Nous mettons tout en place pour favoriser la création et le plaisir de ceux qui viennent nous rejoindre, soutient-elle. C’est un havre de paix.»
L’Impatiente Julie a connu les ateliers de créations à l’Institut, en 2015, alors qu’elle y séjournait. Elle y est revenue tout récemment et continue de s’exprimer par l’art brut tous les mercredis et jeudis. «C’est très agréable de venir ici. Ça prend de l’énergie, mais c’est tellement positif en nous qu’on revient à l’unité très rassasié, témoigne-t-elle. On oublie vraiment qu’on est des patients, mais [on est] vraiment plus impatients…de guérir.»
Les statistiques des gens qui souffrent de santé mentale augmentent, ce n’est pas très joyeux, mais en étant dans l’atelier ici, il y a vraiment de la lumière quelque part.
Julie, Impatiente
Selon France Sevillano, les séances de création sont un des rares moments où les participants peuvent se changer les idées. «Mon plus grand bonheur ici, c’est quand quelqu’un arrive à l’atelier en me disant « Oh ! Cette semaine, j’ai pensé à un projet », affirme-t-elle. Ça veut dire qu’il a pensé à autre chose que sa maladie.»
Julie soutient qu’elle est toujours bien guidée par les responsables de l’atelier. «Ça dépasse l’art thérapie, on est vraiment en train de créer quelque chose, émet-elle. Il y des belles choses qui se font ici et c’est tellement convivial que c’est à mon sens essentiel.» Elle ajoute qu’elle compte revenir même lorsqu’elle aura quitté l’unité pour continuer ses créations à l’externe.
La collection
Dans le local où se déroulent les ateliers sont affichées plusieurs créations des participants. À cet endroit, plus de 15 000 sont également préservées. Tout ce qui est dans les boîtes a été référencé, numéroté, indique le responsable de la collection Simon Zagari. «On a des indications sur les participants», explique-t-il.
À l’aide de gants, il sort délicatement des peinture de Philippe Lemaire, un ex-«Impatients» : «Ce participant avait l’habitude de toujours peindre le char de son père, mais toujours avec certaines variantes. On a plus de 300 peintures de lui, ici.»
Le participant décide de conserver son œuvre ou de le donner à la collection, explique Frédéric Palardy, le fils de Mme Palardy, qui dirige maintenant Les Impatients depuis cinq ans.
Le projet a fait des petits et les œuvres de plusieurs «Impatients» sont maintenant exposées à travers le Québec, le Canada et même en Europe. «On a une exposition, en ce moment, au Musée des beaux-arts, dit-il fièrement. On va être au Musée d’art contemporain prochainement.»
La galerie des Impatients est située au 100, rue Sherbrooke Est, bureau 4000
Toute personne ayant reçu un diagnostic en santé mentale peut participer à l’atelier de Pointe-aux-Trembles situé au 11 787B, rue Notre-Dame Est.