Réouverture des écoles: des enseignantes inquiètes
Alors que le gouvernement annonce la réouverture des écoles pour le 19 mai, des enseignantes se confiant à Métro Média se disent déconcertées par la décision, qu’elles trouvent précipitée. Elles ont demandé que leur témoignage soit anonyme.
La première, qui a une classe de première année dans une école primaire de Montréal, s’interroge du sens à donner à cette réouverture, alors que ses élèves n’ont pas la maturité suffisante pour comprendre la situation.
« La distanciation est difficile à expliquer à des enfants, certains voudront me faire un câlin et ne comprendront pas pourquoi je les repousse. Il y aura des crises », s’attriste-t-elle.
De même, elle se demande quelles mesures seront prises afin d’assurer la sécurité de tous. « Je n’ai pas de bureaux. Les élèves ont des tables pour deux. Il n’y a pas non plus de lavabo dans ma classe pour se laver les mains. »
Elle affirme se sentir « comme une gardienne », d’autant que par courriel, sa commission scolaire a demandé à son personnel de ne pas enseigner de nouvelles matières, dans un souci d’équité pour les élèves qui resteront à la maison.
Une seconde enseignante au primaire, qui œuvre dans une classe de 4e année de la CSDM, croit pour sa part que la mesure pourrait accentuer les pénuries de personnels. Elle s’inquiète à ce propos que certains préfèrent donner leur démission plutôt que de revenir au travail.
« Ça met les enseignants à risque. Déjà qu’on faisait beaucoup de travail supplémentaire et de remplacement d’urgences. Ils nous demandent de venir, mais ils savent qu’on manque de ressources. »
Elle croit également que les bénéfices attendus par le premier ministre ne seront pas au rendez-vous. « Souvent, les élèves à risque sont ceux qui aiment le moins l’école. Je ne suis pas sûr que de les obliger à venir va les encourager à travailler, craint-elle. Surtout s’ils voient que leurs amis restent à la maison. »
Une troisième enseignante, qui a une classe de maternelle à Montréal-Nord rappelle pour sa part que le contexte scolaire en région et dans la métropole n’est pas le même, et croit que la réouverture survient trop tôt.
« En région, il y a moins d’élèves dans les classes. Notre réalité ici est que nous sommes entassés dans les écoles. Je ne comprends pas comment on pourra faire au niveau logistique. En plus, presque tous les cas de COVID sont ici. »
Sans compter que la distanciation n’est pas réaliste à ses yeux dans le contexte d’une école primaire. « Les interventions sont faites à proximité. Ils ont besoin de ça, par exemple de câlin. Ils ont ce besoin affectif. »
Néanmoins, elle croit que la réouverture à petite échelle pourra servir de balise d’essai pour tester ce qui fonctionne en vue de la rentrée d’automne.
Le personnel de soutien réagit également
Stéphane Soumis, président du Syndicat du soutien en éducation de la Pointe-de-l’Île (SSEPI) s’inquiète en particulier de la sécurité de ses membres et estime que la mesure apporte davantage d’interrogations que de réponses.
Il se désole en particulier que le retour en classe soit optionnel pour les enfants, mais que les membres du personnel seraient de leur côté tenu de se présenter.
« Il risque d’y avoir des gens qui vont quand même refuser de travailler, et qui pourraient démissionner, craint-il. Dans un contexte de pénurie, ce n’est pas ce dont on avait besoin pour attirer des gens dans le milieu de l’éducation. »
« Si on met les employés infectés en quarantaine, ce ne sera pas long qu’on va manquer de gens pour réaliser les tâches. Je ne sais pas où on va prendre ce monde », ajoute le président syndical, qui s’inquiète que la situation devienne analogue à celle du milieu de la santé.
Il se demande à ce propos quelles mesures de protection pourraient être mises en place afin d’assurer la sécurité de tout le personnel œuvrant dans les écoles, estimant le retour en classe précipité.