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Logement social: un autre promoteur vise la porte de sortie

L’Île-des-Sœurs.
L’Île-des-Sœurs. Photo: Archives Métro

Alors que L’Île-des-Sœurs ne compte actuellement aucun logement social, l’entreprise de construction immobilière Axxys aurait mandaté son président pour négocier, à titre de lobbyiste, avec l’Arrondissement une dérogation à l’obligation réglementaire d’incorporer 20% de logements sociaux dans son projet.

En vigueur depuis le 1er avril 2021, le Règlement pour une métropole mixte (RMM) vise à assurer qu’une partie (20%) des nouveaux logements construits soit consacrée au logement social. Or, il prévoit aussi qu’on peut déroger à l’obligation d’incorporer des logements sociaux à un projet par deux moyens: en cédant un terrain ou un bâtiment aux fins de la construction de logements sociaux et d’une contrepartie financière, ou alors en négociant une contribution financière avec la Ville.

C’est cette dernière option que souhaite adopter la compagnie Axxys pour son prochain projet immobilier à L’Île-des-Sœurs, comme le révèle le mandat du président inscrit au Registre des lobbyistes du Québec.

«Ça nous inquiète depuis longtemps, avec ces projets d’envergure, que le promoteur puisse faire une contribution financière sans qu’il y ait de retombées dans le quartier», a réagi Steve Baird, organisateur communautaire du Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV). «Ce n’est pas la première fois qu’un promoteur échapperait à l’obligation de logements sociaux», poursuit-il.

Il n’y a pas un seul logement social, pas une seule coopérative d’habitation, pas un seul logement pour aînés. Rien.

Steve Baird, organisateur communautaire du Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV)

«Est-ce que les élus vont faire le choix de la contribution financière ou du logement social?», se questionne-t-il.

Le projet d’Axxys étant toujours «en phase exploratoire», l’Arrondissement n’a pas souhaité émettre de commentaire à cet égard.

Une porte de sortie automatique pour les promoteurs

Engagé dans la promotion du logement social, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est aussi préoccupé par la facilité avec laquelle les promoteurs peuvent éviter l’obligation de construire des logements sociaux.

En effet, selon le FRAPRU, bien que le recours à du lobbyisme ne soit pas courant pour négocier le montant alloué aux fins de construction hors site, Axxys ne fait pas exception lorsqu’il s’agit de privilégier la contribution financière. «On sait que les ententes entre la Ville et les promoteurs ne sont pas toujours transparentes […] mais la structure même du règlement actuel permet sans grande négociation de déroger à [l’obligation réglementaire]», explique Catherine Lussier, organisatrice communautaire responsable des dossiers montréalais au FRAPRU. «Ça ne devrait pas être une échappatoire à construire [sur place] du logement social», dénonce-t-elle.

Implanter du logement social malgré l’embourgeoisement?

Questionnée pour savoir si, malgré l’offre inexistante, il y avait des besoins en logement social à L’Île-des-Sœurs, la directrice générale de la maison d’accueil des nouveaux arrivants, Yajanna Pupo, constate un intérêt clair du côté des immigrants et des personnes âgées.

«On a plusieurs demandes. Récemment, deux mères monoparentales s’inquiétaient de ne pas pouvoir trouver de logements sociaux à L’Île-des-Sœurs. Des Ukrainiens aussi. Il y a des familles qui ont déménagé, car les loyers sont trop chers», raconte la directrice.

«C’est une demande vraiment importante. Nous, les immigrants, on dépense beaucoup pour venir ici. On peut avoir un bon emploi, mais c’est long [de rembourser ses dettes ou de se remettre de ses dépenses liées à l’immigration]. Pourtant, c’est un milieu privilégié pour les nouveaux arrivants, on a le centre-ville à proximité», explique Mme Pupo, une ancienne avocate colombienne elle-même issue de l’immigration.

C’est essentiel que la ville réponde aux besoins des familles vulnérables et auxquels le privé n’est pas une réponse.

Catherine Lussier, organisatrice communautaire responsable des dossiers montréalais au FRAPRU

Même constat chez l’Association des propriétaires et résidents de L’Île-des-Sœurs (APRIDS). «Il y a des besoins en logements sociaux, surtout chez les personnes âgées isolées. Il y a des personnes qui consacrent une partie importante de leurs revenus à leur loyer. Ce sont des indicateurs que les logements sociaux sont pertinents à L’Île-des-Sœurs», remarque le président de l’APRIDS, Daniel Manseau.

«Toutefois, une grande partie des terrains appartiennent aux promoteurs, poursuit-il. Aussi, les subventions des gouvernements fédéral et provincial ne sont pas énormes. La difficulté est d’acquérir des terrains, ça prend des négociations pour faire les échanges de terrains», explique M. Manseau, faisant référence à la possibilité pour les promoteurs de négocier un échange de terrain pour se décharger de l’obligation des 20%.

Un règlement essentiel malgré ses failles

Au FRAPRU, le Règlement pour une métropole mixte est perçu comme un pas dans la bonne direction malgré ses failles.

«Ça restait essentiel à mette en place, que la Ville de Montréal ait plus de mécanismes pour contrôler le développement du logement social», affirme son organisatrice communautaire, Catherine Lussier, qui se désole toutefois de constater que pour les données colligées par le FRAPRU jusqu’à la fin du printemps dernier, tous les promoteurs, sans exception, ont opté pour la contribution financière.

«C’est le nœud et la faiblesse de ce règlement, car les promoteurs ont peu avantage, à part leur image, de le développer au projet ou de céder un terrain», explique Mme Lussier. «La contribution reste insuffisante pour développer le logement social», conclut-elle.

Au moment d’écrire ces lignes, Axxys construction n’avait pas donné suite à la demande d’entrevue de Métro.

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