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Des «givrés» se baignent toutes les semaines à Verdun

Photo: Caroline Samii-Esfahani, Métro

Les dimanches matins d’hiver, à l’heure des brunchs et des grasses matinées, arrivant des quatre coins de la ville – et même d’Ukraine! –, des «givrés» courageux en quête d’adrénaline affluent à la plage de Verdun pour plonger dans l’eau glacée du fleuve Saint-Laurent. Si certains s’y présentent à reculons, tous vantent les bienfaits de l’activité et repartent fiers de leur performance.

Tam-tam, jumping jacks, thé et Speedo

En haut des marches qui mènent à la plage, le son des tam-tam attire l’attention vers le Saint-Laurent. Sur le fleuve gelé, une vingtaine de nageurs sont réunis autour d’un trou carré percé dans la couche de glace épaisse de plusieurs dizaines de centimètres qui recouvre le fleuve.

À quelques minutes de la douche froide, la chaleur humaine se fait sentir sous le ciel gris et les -8°C de ce dimanche matin. Vêtus de grosses bottes et de manteaux d’hiver, les participants à la trempette des glaces se saluent et s’installent à côté de quelques pelles et d’un grand marteau servant à briser la glace quand le trou est bouché. Des sacs, serviettes et tapis de yoga sont posés à côté de gougounes, non pas sur le sable chaud de la plage de Verdun, mais sur le fleuve gelé.

Alors que certains s’échauffent habillés, s’agitant avec des jumping jacks et des pompes sous les tam-tam du haut-parleur portable, d’autres, plus calmes, boivent un thé chaudement couverts alors que deux personnes se déshabillent tranquillement, mettent leurs chaussons aquatiques et, munis d’un bonnet, glissent leurs jambes et puis le haut de leur corps dans l’eau qui atteint les 3°C ce jour-là, nous dit-on.

Tout le monde qui vient ici partage un peu la même folie.

Alex Kerkhoff, organisateur du groupe Montréal Polar Plunge Meetup Group

Concentré sur sa respiration, une fois immergé, le baigneur garde sa tête et ses mains en dehors de l’eau. Certains restent 30 secondes, d’autres quelques minutes, selon leurs limites. C’est une activité sociale, mais une expérience individuelle.

Sid, 37 ans, adepte de la musculation et des arts martiaux, fait partie des «givrés» depuis deux semaines. Vidéo: Caroline Samii-Esfahani, Métro

Sid est venu en voiture d’Ahunstic, pour son deuxième rendez-vous dominical avec ses «collègues givrés». Il dit ressentir un bien-être qui dure plusieurs jours après le défi frissonnant.

Pourtant, sur la route ce matin-là, il espère que «la voiture tombe en panne, que c’est annulé».

Pourquoi je me fais ça à moi-même!?

Sid, sportif «givré» de 37 ans

Mais une fois rhabillé, Sid, qui pratique aussi les arts martiaux et la musculation, repart chez lui heureux en ce jour de repos.

Cassandra, 28 ans, fait elle aussi partie des vaillants. Depuis un an, elle prend des douches froides. Aujourd’hui, elle a fait le trajet depuis Hochelaga-Maisonneuve pour «se donner un nouveau défi», dit-elle en rigolant. Sa serviette de bain en main, elle observe les baigneurs immergés et ceux qui se sèchent sur la glace.

L’adepte du yoga a vaincu sa peur de la profondeur de l’eau et d’attraper une pneumonie. Elle s’est jetée à l’eau et en est ressortie en disant avec le sourire: «C’est à réessayer!»

Cassandra, 28 ans, plonge pour la première fois dans le fleuve Saint-Laurent gelé. Vidéo: Lucie Ferré, Métro

Genna Kalvaitis, 30 ans, pratique quant à elle la trempette glacée l’hiver depuis quatre ans. Installée à Verdun il y a un an, la «givrée» goûte une fois par semaine à l’eau gelée du fleuve, ce qui l’aide à mieux gérer son stress.

«Plonger dans l’eau glacée est d’abord très stressant. Ensuite, une fois que je respire, j’arrive à trouver l’équilibre et le calme de mon esprit», confie-t-elle.

Sa sœur Lauren, en visite de l’Ontario, indique de son côté que cet exercice l’ancre dans le moment présent et la rend vivante. «J’ai remarqué que je tolère mieux le froid des activités en plein air l’hiver», ajoute-t-elle.

Andrei Zabrodsky, Ukrainien de 62 ans, est arrivé au Québec et s’est installé dans le quartier Parc-Extension il y neuf mois. Depuis le mois de décembre, il se baigne deux fois par semaine dans le fleuve. En bonne santé, il le fait «pour l’effet prophylactique, pour [se] protéger de la grippe et de la COVID-19», raconte-t-il, tout juste après s’être rhabillé à la suite de sa trempette glacée.

Le courageux nageur a quitté l’Ukraine avec sa famille peu après le début de la guerre entre son pays d’origine et la Russie, il y a un an. Nostalgique, il raconte, le regard joyeux, que ça faisait 20 ans que dans sa ville d’origine, Lviv, proche de la frontière polonaise, il «se baignait dans l’eau très froide l’hiver», une pratique très courante dans son pays.

La trempette glaciale et sociale

Plusieurs groupes, sur le web et les réseaux sociaux, proposent des rendez-vous de trempette à la plage de Verdun, à différents moments de la semaine. C’est une activité sociale pour ceux qui sont déjà adeptes ainsi que pour les curieux frileux venus voir le spectacle.

Marc, 26 ans, est organisateur laSallois du Montreal’s Polar Bear Club. Il goûte au «rush d’endorphines» de la baignade glacée depuis sept ans. L’activité lui permet de rompre la routine et de rencontrer du monde aussi «givré» que lui. Deux fois par semaine, il pratique, avant de sortir de sa voiture, la technique de respiration profonde et répétée de Wim Hof, l’homme de glace hollandais connu pour sa résistance au froid.

Marc connaît bien Alex Kerkhoff, 30 ans, qui organise l’événement Montréal Polar Plunge Meetup Group comme lui à 9h les dimanches. Parfois, ils vont boire un thé après la baignade. Adepte des douches froides, Alex Kerkhoff a commencé en décembre dernier à venir de Côte-des-Neiges pour plonger dans l’eau givrée du fleuve, mais pas plus de 30 secondes! Il «aime le challenge de pousser ses limites de l’inconfort», qu’il pratique aussi dans d’autres sphères de sa vie.

«Quand tu dépasses tes limites physiquement, tu sais le faire ensuite mentalement», précise le jeune homme qui n’a pas de routine particulière avant sa trempette glacée, mais qui, une fois sorti de l’eau, se réchauffe en étendant les bras à la hauteur de ses épaules.

La baignade glacée, une bonne idée?

Lorsqu’une personne s’immerge dans l’eau glacée sans avoir fait d’exercice au préalable, «la pression de l’eau et le froid vont contracter les vaisseaux sanguins en périphérie vers les organes vitaux pour les garder en vie», ce qui provoque un sentiment de bien-être, explique Myriam Paquette, physiologiste de l’exercice à l’Institut national du sport du Québec (INSQ), qui ajoute que le sommeil de certains peut également s’améliorer.

Mais il vaut mieux être accompagné et ne pas rester trop longtemps immergé, précise Mme Paquette. «Il faut bien s’écouter; si on a les lèvres bleues et des frissons incontrôlables, on ressort», souligne la spécialiste.

L’activité est également déconseillée aux diabétiques; la perte de sensibilité aux mains et aux pieds pourrait les empêcher de sentir les sensations désagréables pendant l’immersion glaciale, précise Myriam Paquette.

La majorité des athlètes que suit Myriam Paquette pratiquent le bain de glace. Selon la spécialiste, les effets positifs sont plus nombreux que les contre-indications. La baignade glacée n’est cependant pas conseillée pour tous les types de sports. Après un entraînement dans un espace chaud ou après des exercices cardio, le bain très froid de maximum 10 à 15°C pendant environ 10 minutes permet de baisser la température du corps de l’athlète. Cela lui permet également de récupérer plus rapidement ses fonctions physiques avant l’entraînement suivant. L’eau gelée est cependant déconseillée après un entraînement musculaire, car elle va freiner la réparation des muscles qui ont besoin de «souffrir et qu’il y ait de l’inflammation» et de se rétablir à leur rythme.

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