Le dernier vidéoclub de Montréal toujours en vie ?
À l’occasion des 25 ans du disque numérique polyvalent, plus connu sous le nom de DVD, Métro s’est entretenu avec Luc Major, propriétaire du Cinoche, le dernier club vidéo de Montréal.
Avant de se retrouver sur l’avenue Mont-Royal, c’est à Longueuil que Luc Major avait acheté, il y a une vingtaine d’années, son premier club vidéo de quartier.
« Quand j’ai eu mon premier vidéoclub il y a 23 ans, il y avait déjà des baisses de vente à cause des blockbusters comme Vidéotron, dit-il. Puis mon chiffre d’affaires a baissé et je me suis dit que j’allais en ouvrir un sur l’avenue Mont-Royal ».
Voyant que les affaires étaient plus fructueuses sur le Plateau, il ferma celui de Longueuil. Il ouvra ensuite un second vidéoclub sur la rue Duluth qui depuis est fermé. Seul celui de l’avenue Mont-Royal a survécu aux différentes tempêtes.
Au fil des années, Luc Major a vu sa clientèle changer. Désormais, c’est une clientèle âgée qui arpente les rayons du Cinoche. Elle se mélange aux jeunes étudiants en cinéma et aux cinéphiles en quête d’une perle rare.
13 années de défis pour le Cinoche
L’arrivée d’Internet et des plateformes de vidéo en ligne et sur demande ont considérablement impacté le Cinoche. Cependant, sa dernière bataille concerne la piétonnisation de l’avenue Mont-Royal.
« La Ville me donne beaucoup de misère », dit-il. Selon lui, la piétonnisation de l’avenue Mont-Royal est un problème pour les ventes du Cinoche. Il y a deux ans, il a dû fermer pendant 5 mois consécutifs le Cinoche. Selon lui, cela lui « aurait coûté trop cher d’opérer » en plus du manque de nouveaux films à cause de la pandémie.
« Quand ils fermaient la rue pendant 8 jours, je tombais dans le rouge, maintenant il ferme tout l’été, ce n’est vraiment pas bon », dit-il en expliquant que cette piétonnisation diminue le nombre de clients à cause des difficultés d’accès en voiture et l’absence de stationnement.
« Le streaming n’a pas réussi à me tuer, ni Internet et ni Netflix. La pandémie n’a pas réussi à me tuer non plus, mais c’est la Ville qui va finir par m’achever », dit Luc Major.
Face à toutes ces difficultés, il lui a fallu s’adapter pour survivre et pour ne pas mettre la clef sous la porte. Il lui a donc fallu baisser les prix des DVDs et diminuer les horaires d’ouverture.
Malheureusement, la production de DVDs est de plus en plus en baisse. Désormais ce ne sont pas tous les films qui se retrouvent en DVD.
« C’est peut-être comme ça que je vais arriver à fermer mes portes, dit-il. Avant j’achetais 1000 $ de DVDs par semaine, maintenant j’achète entre 100 à 200 $ par semaine ».
Selon Luc Major, son chiffre d’affaires à diminuer à 70% depuis 13 ans. Il se réjouit cependant de la mobilisation des citoyens. Ils lui donne des DVDs pour qu’il puisse les revendre ou les louer afin de survivre.
« Ce n’est pas moi qui vais décider de fermer, ça va être le marché qui va faire que je ferme », dit Luc Major.
Une clientèle d’habitués
Selon le patron, Luc Major, ce sont principalement les familles et les couples qui ont instauré une routine les vendredis et samedis.
Ils viennent magasiner sur Mont-Royal et faire leur épicerie pour la fin de semaine. Le rituel conduit ensuite les clients à la SAQ pour choisir la bonne bouteille qui viendra accompagner le film, soigneusement sélectionné dans la boutique de Luc Major.
Pour d’autres clients, il s’agit davantage de « soutenir et encourager le magasin » comme l’explique Julia, 24 ans.
L’étudiante à l’UQAM rapporte le film « La dolce vita » du réalisateur italien Federico Fellini.
La cinéphile aime « se promener dans la boutique et se faire surprendre par un film qu’elle ne connaît pas ». Selon elle, « rentrer un DVD dans le lecteur, c’est une manière physique de rentrer dans le film ».
D’autres clients viennent plus ponctuellement « parce que je n’avais pas trouvé le film que je cherchais sur Internet » explique Dominique, professeur de littérature qui cherchait le film « Lost Highway » de David Lynch pour ses élèves.
Avec les informations d’Alicia Casteras.