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Autoportrait sans moi: un documentaire atypique sans artifices

Le cinéaste Danic Champoux s’est donné le défi de réaliser une œuvre ouverte échappant au piège des artifices qui formatent parfois le cinéma documentaire. Le résultat : Autoportrait sans moi est un film dense, atypique et énigmatique qui vise à raconter la vérité sans pour autant l’illustrer.

Plus de 500 personnes ont répondu à une curieuse petite annonce les invitant à venir se livrer à la caméra.

« On leur a demandé de nous écrire brièvement les grands moments de leur vie. Certains étaient plus banals, d’autres beaucoup plus lourds. Les gens veulent te livrer quelque chose, te raconter leur deuil. Mais je ne cherchais pas des histoires en particulier, plutôt des rencontres. Une étincelle entre eux et moi », explique le réalisateur.

Au final, il en a retenu 50 pour son film. Assis devant un fond blanc, en studio, ils se succèdent à l’écran. L’un après l’autre, ils se dévoilent progressivement, racontant au cinéaste, et à la caméra, leurs histoires et quelques-uns de leurs secrets les plus intimes. Certains ne font qu’une brève apparition, d’autres reviennent au fil du film, approfondissant leur témoignage. Les trames narratives s’entremêlent dans un tourbillon de mots, laissant, au final, l’impression qu’il n’y en qu’une.

Réalisé dans le cadre de la deuxième édition du programme Cinéastes en résidence de l’ONF, Autoportrait sans moi est le fruit d’une quête de liberté artistique.

« Pour être choisi par l’ONF, je devais proposer une idée de film. Après beaucoup de recherche, je me suis rendu compte que ce qu’ils veulent, ce n’est pas un projet, mais un artiste. C’était l’occasion rêvée de créer sans contraintes. Je voulais renouer avec mes tripes de cinéaste, de retrouver l’authenticité des personnages au-delà de ce qu’ils ont à raconter. »

Parmi eux, un lutteur qui veut aider les jeunes décrocheurs, une jeune femme anorexique sortie de l’enfer de l’automutilation, un cyberdépendant qui rêve parfois de tuer sa conjointe, un jeune homme qui a vécu l’humiliation de l’intimidation; habités par les pulsions de vie et de mort, ils racontent avec une simplicité désarmante l’amour, la violence, la dépression, la Foi, l’angoisse et l’espoir.

Au niveau de la mise en scène, la main du cinéaste se fait plutôt discrète. La caméra, pudique, ne s’approche que très peu des personnages et ne s’en éloigne jamais, leur laissant le soin de dicter la charge émotive. Le montage, lui, est sobre, défiant une structure narrative prévisible et traditionnelle. Seuls des effets d’ombre et de lumière viennent ponctuellement agrémenter les témoignages, comme d’obscurs et lumineux fantômes du passé.

Piccolo

Parmi les personnages d’Autoportrait sans moi, les résidents du Plateau-Mont-Royal reconnaîtront Pierre Langevin, mieux connu sous le nom de Picolo, une figure quasi emblématique du quartier. Le jeune homme, trop souvent sans domicile fixe, s’est donné la mort à l’automne 2013, peu de temps après le tournage.

« Picolo a été le coup de cœur de tout le monde sur le plateau. Il venait d’ailleurs en studio avec sa bière! C’est évident qu’il était plus intelligent que la moyenne. Mais il avait des difficultés émotives et des problèmes de dépendance », raconte Danic Champoux.

C’est grâce à la mère du cinéaste que Picolo s’est retrouvé en studio. Il traînait souvent près de son domicile. Un jour, elle lui a dit que son fils cherchait des personnages pour un documentaire. En échange de cinq dollars, il lui a promis qu’il irait à la rencontre du documentariste.

« Durant le tournage, il n’a jamais parlé de suicide. Il n’avait pas l’air de quelqu’un qui voulait mourir. Mais il parlait de sa souffrance causée par ses problèmes de foie », souligne le cinéaste.

Autoportrait sans moi est à l’affiche dès le 14 mars au Cinéma Excentris (3536, boulevard Saint-Laurent) et en ligne sur ONF.ca et cinemaexcentris.com.

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