L’amour chez les autistes
Jusqu’a 3 novembre, la bibliothèque de la maison culturelle et communautaire de Montréal Nord exposera les photos de Lucila Guerrero. Avec son projet « Aimer dans l’imbroglio », l’artiste montre que les autistes aussi savent aimer.
Soutenue par le Conseil des Arts du Canada, Lucila Guerrero, souhaitait réaliser une exploration des relations et sentiments interpersonnels chez les autistes. Son but affiché était de briser les idées reçues. L’artiste, elle-même autiste, veut avec cette exposition de photographies en noir et blanc montrer l’amour que les personnes autistes ressentent et donnent. « Avec ce projet je voulais démystifier l’autisme, briser les croyances qui font penser aux gens que les autistes ne savent pas aimer et veulent s’isoler. » explique Lucila. Pour son projet, la photographe a lancé un appel sur les réseaux sociaux où elle est très présente. Elle a aussi fait passer son message auprès des familles d’autiste qu’elle connait. Ils ont été nombreux à lui répondre: « J’ai trouvé beaucoup d’amour mais aussi beaucoup de souffrance, celle d’être seul. »
Le flou des sentiments
Lucila a photographié les autistes dans un lieu qu’ils avaient choisi. Elle n’a pas voulu faire poser ses sujets, mais a préféré les laisser vivre normalement en essayant de faire oublier sa présence, pour capter le moment le plus authentique possible. Au fil de ses rencontres, elle a observé toutes formes d’amour; l’amour de soi, celui de sa famille, l’amitié mais aussi l’amour spirituel.
Si le travail de l’artiste en arts visuels est souvent empreint de flou, c’est simplement pour symboliser ce qu’elle-même ressent en tant qu’autiste. « Aimer dans l’imbroglio est le titre de l’exposition mais aussi la façon dont je ressens ce sentiment de l’amour. Je suis la fille qui aime dans le flou. Je ne suis jamais certaine d’avoir compris ce que l’autre personne est en train de ressentir. Si on ne me dit pas clairement ‘je suis content’ ou ‘je suis fâché’, je ne vais pas être sûre. »
Donner une voix aux autistes
Lucila Guerrero n’est pas seulement artiste. Sa vie enti��re est dédiée à la cause autiste. Elle est notamment la cofondatrice d’Aut’creatifs. Cet organisme à but non lucratif est né de sa rencontre avec Antoine Ouellet en 2012. A l’époque, l’auteur, lui aussi autiste, avait publié le livre Musique autiste, dans lequel Lucila s’est beaucoup reconnue. Ensemble ils ont fait le constat d’une frustration commune : « le message sur l’autisme véhiculé par les médias ne nous correspondait pas. Il est souvent déformé, loin de la réalité et même souvent déprimant, négatif. Autiste est même devenue une insulte. Nous nous sommes dit que les autistes devaient prendre la parole, parce que c’est à nous aussi d’apporter quelque chose sur le sujet. »
Maman d’un garçon autiste, Lucila Gerrero est aussi cofondatrice de la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers. Cette association a été créée à la suite des coupures budgétaires imposées par le gouvernement québécois dans le domaine de l’éducation.
L’être humain en général
Avec toutes ces activités, Lucila Guerrero est investie à 100% dans la cause autiste. Et c’est ce qui la fait vivre. « Je me suis dit que c’était ma responsabilité, comme personne autiste, de sortir et de parler de ma vie, de mon quotidien. Je sens que c’est ce qui m’attache à la vie. » Désormais artiste à temps plein, cette ancienne informaticienne a déjà plein de nouveaux projets en tête. Elle aimerait notamment faire un livre sur Aimer dans l’imbroglio pour raconter les histoires derrière les photos, mais surtout réaliser un nouveau projet sur les autistes et les non autistes, pour montrer « les gens comme des êtres humains, sans hiérarchie, sans division, plutôt que de le désigner par des diagnostiques. »