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Ritchie Henman, d’April Wine, se raconte dans un livre

Ritchie Henman
Ritchie Henman Photo: François Lemieux, Métro

Membre fondateur du groupe April Wine et désormais résident de Dorval, Ritchie Henman a publié en février un livre sur sa carrière et ses aventures. Judicieusement intitulé High Adventure Tales of Canadian Rock & Roll Survival, l’ouvrage révèle les succès enivrants et les bas-fonds qui ont jalonné sa vie, mais permet également de brosser un portrait de l’écosystème dans lequel les musiciens évoluaient au pays il y a 50 ans.

Offrir une performance musicale à la télévision à 16 ans, voir un groupe de motards placer un «contrat» sur sa tête à 20 ans, avoir son visage sur des cannettes de 7-UP à 22 ans, se faire offrir de faire partie de l’orchestre d’Alice Cooper, etc. Dans le prologue, le multi-instrumentaliste se demande comment lui, un campagnard de la petite ville de Chester Basin, en Nouvelle-Écosse, a pu vivre autant d’aventures.

Ayant formé en 1969 le groupe April Wine avec son frère, David, et leur cousin, Jim Henman, ainsi que Myles Goodwyn, le groupe quittera la Nouvelle-Écosse l’année suivante.

Henman décrit comment un malentendu avec une agence de booking montréalaise a amené le groupe à tout laisser derrière et à s’amener à Montréal avec vêtements, instruments et 125$ en poche. Le groupe avait entamé une correspondance avec l’agence Donald K. Donald (DKD), mais celle-ci avait réclamé l’envoi de davantage de démos avant d’aller plus loin. Le groupe avait tout de même jugé le moment opportun pour aller rencontrer en personne la direction de l’agence.

Si la fortune sourit aux audacieux, comme le suggère le fameux proverbe latin, ce fut certainement le cas pour April Wine, qui s’est imposé petit à petit au Québec, dans les Maritimes et dans le reste du Canada.

«La population francophone en particulier raffolait de notre musique déjantée, raconte Henman dans son livre. On avait beaucoup de signatures temporelles et de séquences dramatiques qui s’inspiraient plus de Frank Zappa, Erik Satie ou Edgard Varèse que de Chuck Berry ou les Beatles. L’appétit du Québec pour le rock progressif artistique ferait de Montréal le marché-clé pour les groupes européens de ce genre en Amérique du Nord et à l’été de 1970, cela voulait dire que l’agence pouvait nous trouver du travail indéfiniment.»

Le musicien se remémore les nombreuses tournées, avec tout ce qu’elles impliquent en termes d’anecdotes rock and roll. Se décrivant comme un freak du self-control, Henman explique dans son ouvrage de 267 pages être demeuré sobre en début de carrière… du moins jusqu’à l’âge de 24 ans. En plus de lui permettre d’être résolument plus fiable comme batteur, cela l’a également aidé à conserver des souvenirs plus vivaces pour la rédaction de son livre!

Des moments mémorables

En tournée en Ontario en 1973, les membres d’April Wine ont vécu un moment digne des Beatles alors qu’ils ont été pris d’assaut par des fans en délire.

«J’avais 23 ans. On voulait vivre ce genre de trucs. C’était un peu le signal qu’on avait réussi. C’étaient des adolescentes, Dieu les bénisse. Mais c’étaient des maniaques même si elles ne nous voulaient aucun mal! Elles voulaient quelque chose, un souvenir. J’ai dû me battre pour récupérer mes lunettes et les garder près de moi», se rappelle Henman.

April Wine a vécu un autre épisode digne des Fab 4 au cours de la même période, alors que le groupe devait enregistrer une performance musicale mimée en mode lyp-synch dans un studio de télévision. Les musiciens ont dû s’y prendre à quatre reprises pour paraître crédibles à la caméra parce que les cris de la foule les empêchaient d’entendre la musique en play-back.

«C’est le genre d’expérience qui te rappelle un peu pourquoi tu fais ce métier. Mais je dirais que pour ce qui est de la satisfaction personnelle, il n’y a rien comme d’avoir fait un bon spectacle. Quand tu quittes les planches et que tu peux te dire « C’était vraiment hot ce soir »», souligne Henman.

Quitter April Wine

Jugeant que la qualité des performances musicales du groupe avait décru de façon inacceptable, Ritchie Henman a quitté April Wine en 1973, au moment où le groupe était en train d’enregistrer son troisième album.

Dans High Adventure, Henman raconte ensuite ses péripéties au sein de Dudes, groupe qui se montrera très populaire sur la scène locale, même avant de signer un contrat de disques. «En 1974, on jouait dans les clubs six fois par semaine, à raison de cinq prestations de 40 minutes par soir. Et juste des compositions. On était six. On gagnait un minimum de 2200$ par semaine. Ça ne se voit plus de nos jours. Il n’y a plus d’endroits où jouer. Si tu as 18 ans, tu dois payer pour jouer. Tu es chanceux si tu peux obtenir 40 minutes sur scène et tu ne peux même pas gagner 200$ par semaine», avance Henman.

Avant de signer un contrat de disques avec une avance de 500 000$ américains en 1975 et de partir en tournée avec les Bee Gees, on avait offert aux membres de Dudes de devenir les musiciens attitrés d’Alice Cooper. Cette offre incluait notamment pour Henman une Rolls-Royce Silver Dawn de 1954, une offre qui fut difficile de refuser pour l’amateur de voitures qu’il était.

Le groupe aura le temps d’enregistrer un seul album, en 1975, avant de disparaître.

Cruiser, un «groupe de rêve»

Ritchie Henman décrit la formation qu’il fondera au tournant des années 1980, Cruiser, comme son «groupe de rêve». Le groupe avait des influences de Pink Floyd et Genesis, mais s’inspire également des mouvements punk et new wave. «Ce groupe était tellement important pour moi. C’est le genre de groupe pour lequel j’avais toujours voulu jouer. On était deux claviéristes, un guitariste, un bassiste et moi à la batterie. Mon Dieu qu’on était bon», se remémore-t-il.

Malheureusement pour lui, la compagnie chargée d’imprimer et de distribuer les albums de Cruiser, London Records, a fait faillite après avoir pressé un nombre insuffisant de disques pour effectuer une promotion efficace du premier album. En 1981, Henman a réussi à convaincre la Banque de commerce – devenue aujourd’hui la CIBC – de lui fournir 250 000$ pour relancer le groupe. Mais un des principaux compositeurs a quitté Montréal sans explication et sans laisser de trace, ce qui a mis fin au projet.

«Si Cruiser avait eu le succès qu’il aurait dû avoir, ç’aurait été notre laissez-passer pour les prochaines étapes. On aurait pu prendre notre retraite heureux. Beaucoup de chansons n’ont pas été enregistrées. C’est ça qui me fait le plus mal parce que je suis un fan de musique. Toutes ces chansons qui ne furent pas enregistrées et que le monde aurait dû entendre…»

Période sombre

Croyant sa carrière dans l’industrie musicale terminée, Henman formera à 31 ans Magnet, un groupe de reprises de country, rock et pop, qui se donnera souvent en spectacle au Palomino. Dans son livre, Henman explique que la salle de spectacle de Pointe-Saint-Charles était un lieu de rassemblement pour des chômeurs d’origine irlandaise ainsi que des groupes de motards criminalisés. Les altercations y étaient monnaie courante.

Ayant récemment vu son rêve d’une carrière dans l’industrie musicale s’évaporer, Henman sombrera alors dans l’alcool pour noyer sa dépression. «On [les membres du groupe] s’est même consciemment entendu pour boire beaucoup. Ça nous permettait de potentiellement éviter d’avoir à témoigner contre des gangsters à la suite d’incidents dont on aurait pu être témoins. De cette façon, on pouvait dire à la police qu’on était tellement saouls qu’on n’avait rien vu ou on ne se souvenait de rien…», explique Henman.

Une fin heureuse

Le livre se termine sur des moments plus positifs. Henman est sorti de sa dépression, notamment grâce à la naissance de sa fille Samantha, en 1985. Cette nouvelle heureuse ainsi que son embauche dans un emploi de type 9 à 5 pour une entreprise de l’Ouest-de-l’Île lui permettront de constater «qu’il existe bel et bien une vie après le rock and roll».

April Wine a fait son entrée au Temple de la renommée de la musique canadienne en 2010, lors de la cérémonie des Prix Junos.

Le célèbre musicien de jazz Louis Armstrong disait que «les musiciens ne prennent pas leur retraite; ils arrêtent quand il ne reste plus de musique en eux». Ritchie Henman termine High Adventure en disant espérer, à l’âge de 73 ans, garder son audition et ses doigts afin de continuer de jouer, le temps qu’il lui reste.

«Il y a encore de la musique en moi», conclut-il.

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