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L’Albatros

Joanny-Furtin Michel - TC Media
La crise des années 30 jette Raphaël sur les routes. Tout un périple commence alors qui le mènera, puis le ramènera dans l’Acadie de ses racines. Antonine Maillet raconte, imagine, invente, propose, rêve et comble les silences d’un héros… qui berça quelques-uns des meilleurs moments de sa vie !

«Je n’étais qu’une petite fille de 3 ans. Il m’envoyait en l’air, j’avais une peur bleue de frapper le plafond et pourtant j’avais confiance en lui pour qu’il me rattrape», ainsi résume Antonine Maillet, sa dédicace. Il s’appelle Raphaël, et jamais pendant l’entrevue, elle ne trahira le nom réel de cet homme qu’elle a connu dans ces jeunes années puis qu’elle a retrouvé des décennies plus tard.

«Je l’ai connu, il avait 14 ans de plus que moi. C’était mon voisin, le bedeau. Il est mort dans les années 80. À 14 ans, il avait été laissé à lui-même, jeté sur la route des affamés en Nouvelle-Angleterre après la crise de 1929. Cherchant cent un métiers pour se nourrir, il remontait vers l’Acadie de ses origines au Nouveau-Brunswick et notamment à Bouctouche.»

«Il m’a impressionné énormément. Complètement autodidacte. Il s’était fait tout seul. Un véritable artiste, peintre, musicien acteur, metteur en scène, il organisait le travail et faisait jouer les collègues et les gens du pays. à la fois acteur et metteur en scène, je l’ai vu jouer Scapin : il était… Molière !»

«Je me souviendrai toujours de La Farce de Maître Pathelin, ou Le Homard qu’il avait montés. Organiste, il savait jouer de plusieurs instruments (accordéon, piano, etc.). Je le soupçonnais d’être un peu amoureux de ma soeur aînée qui jouait du piano. Il s’est marié, mais très tard. Je crois qu’il m’a mise au monde. Raphaël est le précurseur de mon goût d’écrire; c’était comme un père spirituel artistique.»

Un cheminement initiatique

Raphaël est resté quelques temps avant de reprendre le chemin de sa vie, une vie bien remplie. «J’ai connu mon personnage à trois époques, la première de 3 à 12 ans, la deuxième quand il disparait et que je dois combler ses silences. La troisième quand il revient et qu’il me raconte avec sa part de secrets.»

«Il y a beaucoup de faits réels et romancés, comme cet épisode au Grand Hôtel à New York, ou quand il jouait de la musique pour les bootleggers. On trouve dans le livre bien des choses qu’il m’a racontées, puis il a fallu combler les vides, imaginer ce qu’il n’a pas dit… Je n’écris pas partir de la tête, je suis une intuitive, les images naissent comme des poupées russes.»

Le cheminement de Raphaël, cet albatros dont les ailes de géant l’empêchent de s’envoler, comme le dit si bien Baudelaire, devient entre les mains d’Antonine Maillet un voyage initiatique du cirque au théâtre, de la peinture à la musique et à Bach, etc.

«Un livre, on sait qu’on le porte, lance Antonine Maillet. Dans un précédent texte,  »Fais confiance à la mer », où j’explique pourquoi j’écris, je raconte l’une de nos dernières rencontres. Il m’a dit : « chaque auteur écrit un grand livre. Pour toi, c’est La Sagouine». Plus que de vouloir me limiter, ce qu’il voulait dire, c’est que ce livre lui avait parlé. Et j’ai compris plus tard qu’en fait, il aurait voulu être mon personnage et raconter son histoire. C’est ce que je fais avec L’Albatros

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