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«Le manque de médecins dans Rivière-des-Prairies essouffle mon équipe»

Patrice Phaneuf clinique
Photo: Clara Loiseau

En plein désert médical, une clinique fraîchement rénovée tente de séduire de nouveaux médecins pour pallier au manque d’effectifs. Alors qu’elle doit refuser des patients tous les matins, ses locaux pourraient accueillir dès maintenant cinq nouveaux médecins. En cause, selon son directeur, la rigidité du ministère de la Santé et des Services Sociaux.

Du lundi au jeudi, c’est la même rengaine pour la Clinique 8260 de Rivière-des-Prairies. Elle peut offrir quotidiennement une soixantaine de consultations sans rendez-vous. Dès 7 h, le service de la clinique distribue des places, quelque unes sont également disponibles à la porte.

clinique complet«Mais à 7h20, nous sommes déjà complets», déplore Patrice Phaneuf, directeur de cette clinique du boulevard Maurice-Duplessis.

Seul groupe de médecine de famille offrant un service de première ligne dans le quartier, la clinique a dû couper dans ses jours de visites sans rendez-vous, passant de cinq à quatre.

Une seule autre clinique offre des consultations sans rendez-vous aux patients non-inscrits, mais il faut attendre entre 24 et 72 h pour voir un médecin.

«La seule autre solution qu’ont les gens, c’est d’attendre le lendemain ou d’aller attendre huit ou dix heures aux urgences, qui sont loin», explique le directeur.

Elle compte neuf médecins à temps plein et a de la place pour en accueillir au moins cinq nouveaux rapidement, confie son directeur. La clinique prévoit également s’agrandir en 2020 pour accueillir encore plus de médecins.

«Le besoin est là, les bureaux avec des équipements neufs sont là, la seule affaire qui n’est pas là ce sont les médecins», explique M. Phaneuf.

Et ce n’est pas la seule clinique qui cherche en vain à bonifier son équipe.

Du côté de la clinique St-André, c’est le même problème, confie son administrateur, Jarry Joseph. Avec cinq médecins à temps plein et plus de 11 000 patients inscrits, «il faudrait au moins un nouveau médecin pour nous aider, mais on a de la place pour quatre».

Dans la crainte de perdre la radiologie

Pour Marc Tanguay, député de LaFontaine, «il faut absolument trouver une solution, parce que pour le moment l’accès à un médecin est un échec».

Outre le manque de soins pour les résidents du secteur, M. Tanguay craint que la pénurie de médecins mette en péril le service de radiologie obtenu en 2017.

«Le niveau de prescriptions n’est pas celui qui était attendu par Radiologix, qui offre des services publics, mais qui reste une entreprise qui doit faire ses frais».

C’est une analyse partagée par Patrice Phaneuf de la clinique 8260.

«Si les citoyens doivent aller consulter ailleurs que dans Rivière-des-Prairies, ils ne viendront pas chez Radiologix pour repartir voir leur médecin qui est loin».

À l’heure de mettre sous presse, l’administration de Radiologix n’avait pas répondu à la demande d’entrevue.

Des critères de pratique stricts

Si Rivière-des-Prairies attire moins de praticiens, c’est notamment parce qu’aucun établissement ne leur permet de remplir «les heures d’activités médicales particulières (AMP)» dans le quartier, soutient M. Phaneuf.

Durant leurs vingt premières années de pratique, les nouveaux médecins facturants doivent également effectuer six heures par semaine dans un CHSLD, un établissement pénitentiaire ou aux urgences, par exemple.

Toutefois, «le CHSLD de Rivière-des-Prairies n’est pas en manque d’effectifs, il n’y a pas d’hôpital dans le quartier, donc pas d’urgences, et ce n’est pas tout le monde qui veut aller travailler dans le milieu carcéral», note M. Phaneuf.

Ces médecins seraient donc dans l’obligation d’aller effectuer ces AMP dans un autre secteur, ce qui rebute de nombreuses personnes.

«Le gouvernement doit s’ajuster»

Le directeur de la clinique et le député s’entendent, il faut que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), qui décide de la répartition des postes de médecins à travers les régions administratives du Québec, donne à Rivière-des-Prairies un statut de sous-territoire. Car pour le moment, le MSSS distribue un certain nombre de permis pour l’ensemble de la Pointe-de-l’Île, qui comprend Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles, Anjou ou encore Tétreaultville. Cela pourrait obliger de nouveaux praticiens à s’établir et travailler dans le secteur de RDP.

L’autre solution serait de modifier les critères de l’AMP afin de les adapter aux réalités de secteurs comme RDP, soutient Patrice Phaneuf.

Selon le Dr Francois Loubert, directeur adjoint des services professionnels au CIUSSS de-l’Est-de-l’Île-de-Montréal, «au cours des trois dernières années, il y a eu l’attribution de 43 postes de médecins dans la Pointe-de-l’Île (PDI)». Toutefois, Dr Loubert indique qu’au moins 10 d’entre eux pratiquent dans Rivière-des-Prairies.

Selon des données obtenues, il n’y aurait que 36 médecins dans Rivière-des-Prairies, comprenant ceux qui ne prennent plus de patients, pour 58 000 citoyens. Il n’est cependant pas possible de savoir combien de médecins manquent dans Rivière-des-Prairies.

Il ajoute également que 15 nouveaux médecins se joindront au territoire de PDI en 2020, sans préciser les lieux où ils iront pratiquer.

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