La cordonnerie St-Marc annonce sa fermeture définitive
Installée sur la rue Beaubien depuis près de 50 ans, la cordonnerie St-Marc fermera ses portes le 4 juillet prochain. Cela mettra un terme à la carrière du cordonnier Jacques Parent et au conflit qui oppose ce dernier à un promoteur immobilier depuis 2014.
Cordonnier comme son père et son grand-père avant lui, M. Parent exerce son métier dans son atelier de la rue Beaubien depuis les années 1970.
«Ça n’aurait pas dû se finir comme ça. Je n’avais pas l’intention de prendre ma retraite. Je me voyais vieillir ici et venir de temps en temps aider mon fils qui aurait pu reprendre l’affaire», regrette le cordonnier.
Mais, au début du confinement, M. Parent dit avoir reçu un courrier de son assureur qui refuse désormais de l’assurer pour cause de «non conformité». Sans assurance, il ne souhaite pas continuer son affaire et décide de vendre l’immeuble où il vit et travaille.
Démolition et litige
Selon M. Parent, cette situation qui le pousse aujourd’hui à cesser son activité découle de la démolition en 2014 de l’immeuble voisin. Il reproche au promoteur immobilier Richard Lalonde d’avoir laissé à nu le mur mitoyen, ce qui aurait causé de graves dommages à sa propriété.
«Le mur s’est retrouvé sans isolation en plein hiver. Il faisait très froid chez nous, c’était invivable. À cause de ça on a eu des infestations de souris et de la moisissure partout dans le sous-sol. Ça a tout abîmé», explique M. Parent.
Depuis plusieurs années, il essaie d’obtenir réparation auprès de M. Lalonde avec l’aide d’un avocat. Il a aussi porté le litige à l’attention de la Ville de Montréal et de l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, mais sans résultat.
Le maire de Rosemont-La Petite-Patrie, François W. Croteau, s’est dit sensible à la fermeture de ce commerce implanté depuis longtemps dans le quartier. Mais il souligne qu’il n’était pas en son pouvoir d’intervenir, l’affaire relevant du droit civil.
«L’arrondissement a fait tout ce qu’il a pu pour améliorer la situation dans le cadre de ses pouvoirs afin d’éviter, dans la mesure du possible, qu’une situation similaire ne se reproduise», précise-t-il.
Une autre version des faits
Interrogé à ce sujet, M. Lalonde présente une version des faits bien différente et ne se sent en rien responsable de la décision du cordonnier de fermer son commerce. Il rappelle que la démolition s’est faite après l’inspection d’un expert qui avait jugé l’immeuble dangereux.
«La vérité, c’est qu’en 2013, M. Parent voulait prendre sa retraite. Il m’avait alors proposé de racheter son immeuble, mais je n’en voulais pas», affirme M. Lalonde.
Contacté récemment par le courtier de M. Parent, il s’apprête aujourd’hui à acheter l’immeuble du cordonnier pour mettre fin au litige. D’après lui, si le mur mitoyen a pu engendrer des problèmes d’isolation, il n’a cependant pas endommagé l’immeuble. Il en tient pour preuve la déclaration du vendeur fournie par M. Parent qui ne fait état d’aucun dommage.
«Je n’ai jamais voulu nuire au commerce de M. Parent. Et ça nous fera bien plaisir de louer le local commercial à son fils pour un prix raisonnable s’il veut continuer», ajoute le promoteur qui obtiendra d’ailleurs bientôt un permis de construire sur le terrain adjacent.
Des clients solidaires
À côté de la boutique, sur les grilles qui entourent le terrain voisin toujours vide, des clients ont accroché de vieilles chaussures pour manifester leur soutien au cordonnier. Dans la boutique et sur les réseaux sociaux, les clients tristes et en colère témoignent leur soutien à M. Parent et à son fils qui devait reprendre bientôt la cordonnerie familiale.
Plusieurs citoyens se sont aussi mobilisés en écrivant au député de Gouin, Gabriel Nadeau-Dubois, dans l’espoir d’aider M. Parent.