Rénovictions: des locataires de Rosemont témoignent
Malgré les efforts de l’arrondissement pour enrayer le phénomène, les rénovictions sont encore nombreuses dans Rosemont-La Petite-Patrie. Des locataires témoignent de leur expérience dans l’espoir de sensibiliser sur le sujet.
Jusqu’à l’année dernière, Pierre Boisvert était concierge dans un immeuble appartenant à son frère, situé proche du boulevard Pie IX. Après la vente à une grande compagnie en février, il souhaite cesser son activité de concierge mais rester encore quelques mois dans les lieux en tant que simple locataire.
«Je m’étais entendu avec eux par téléphone et je devais rester encore jusqu’en juillet. Mais un soir, quatre personnes sont venues chez moi et m’ont demandé de signer un document. J’étais surpris et je n’avais pas mes lunettes alors j’ai signé le papier», raconte-t-il.
Ce n’est que plus tard que M. Boisvert constate qu’il a en fait signé une résiliation de bail. Il apprend également que plusieurs autres locataires de l’immeuble ont été victimes du même procédé et ont signé, eux aussi sans le savoir, une résiliation de bail.
«J’ai ensuite tenté de contester en me tournant vers la Régie du logement, mais comme j’avais fait l’erreur de signer la résiliation, je n’ai pas eu gain de cause. Pourtant, nous étions plusieurs à contester, mais ça n’a pas fonctionné», explique-t-il.
Medhi et Maude Tremblay-Vaughan vivent présentement une situation similaire à celle de M. Boisvert. L’immeuble où ils résident a été racheté récemment par une compagnie spécialisée dans l’achat immobilier qui exerce une pression pour tenter de les faire partir.
«Le premier contact qu’on a eu avec eux, c’était au mois de septembre. Ils se sont présentés comme des évaluateurs de l’assurance. On a demandé si l’immeuble allait être vendu et ils nous ont dit que non», témoigne Maude.
Stratégie d’intimidation et «spécuviction» à Rosemont
Au mois de novembre, ils reçoivent la visite de cinq personnes qui entrent dans leur appartement sans masque ni protection, sous prétexte de leur faire signer un papier.
«On s’est sentis intimidés. Ils prenaient plein de photos et avaient une attitude vraiment cavalière. Ils nous ont dit cette fois qu’ils étaient les propriétaires, mais on a découvert ensuite que la vente n’avait même pas encore été conclue à ce moment-là», se souvient le couple.
Maude et Medhi ont depuis reçu de nombreuses visites de la part de leurs propriétaires qui semblent surveiller l’immeuble très régulièrement.
«Ils nous répètent à chaque fois qu’on devrait partir, parce que les travaux vont empêcher notre bébé de dormir. Ils ont aussi dit à un couple âgé qui vit dans l’immeuble que des morceaux de plafond allaient peut-être leur tomber sur la tête à cause des travaux. Heureusement qu’on est solidaire entre voisins parce que c’est vraiment pas facile à vivre», explique Medhi.
D’après Jean-Claude Laporte, organisateur communautaire au Comité logement Rosemont, il s’agit là d’une méthode bien connue. Les propriétaires malhonnêtes recourent souvent à l’intimidation et au harcèlement pour pousser les locataires à quitter leurs logements.
«C’est une manière de faire qui est courante dans ce genre de situation. Quoi qu’il arrive, on conseille aux locataires dans ces cas-là, c’est de ne surtout rien signer. Ils ont des droits en tant que locataires et les propriétaires doivent les respecter», souligne-t-il.
Comme le montre le récent rapport du Comité logement de la Petite-Patrie, une fois les locataires partis, les propriétaires peuvent relouer le logement pour un loyer bien plus élevé, ou revendre l’immeuble à un meilleur prix. Les travaux prétextés n’ont d’ailleurs par¬fois jamais lieu.
D’après M. Laporte, le but est clairement de faire du profit. Le Comité logement Rosemont parle ainsi de «spécuviction», puisque les locataires sont évincés afin de faciliter la spéculation immobilière.
Confrontés au marché locatif
M. Boisvert n’a pas trouvé de logement correspondant à son budget depuis son éviction. Il vit à présent chez son frère et sa belle-soeur. Dans son ancien appartement, il payait 800 $ de loyer pour un 4 ½, un prix bien en dessous du loyer moyen dans le quartier évalué à 1200 $ par le comité logement.
Maude et Medhi comptent tout faire pour que leurs droits soient respectés, mais envisagent à moyen terme de quitter Montréal où les loyers sont devenus trop chers.