Soutenez

La Norvège, un an après Anders Breivik

Photo: Getty

Il y a un an, un homme sans histoire ébranlait la Norvège. Le 22 juillet 2011, Anders Behring Breivik, un solitaire partisan de l’extrême droite, tuait 77 personnes pour protester contre le multiculturalisme norvégien. Il souhaitait secouer la Norvège et y faire naître un sentiment anti-immigration. Un an plus tard, ses actes semblent avoir eu l’effet contraire.

Eskil Pedersen, un charmant jeune homme de 28 ans, devait mourir. Le président de la Ligue des jeunes travailleurs de Norvège était une des cibles de choix lorsqu’Anders Behring Breivik a ouvert le feu sur l’île d’Utoya. Mais Pedersen est toujours en vie. Pas comme les 77 autres Norvégiens qui ont rendu l’âme après que Breivik eut posé une bombe près du bureau du gouvernement en Norvège, puis se fut dirigé en bateau vers l’île d’Utoya. «Ceux qui ont survécu à la tragédie vont s’en rappeler le reste de leur vie, confie-t-il. Je ne laisserai pas ce 22 juillet définir mon existence, mais j’en parle et j’y pense tous les jours. Si ça devient quelque chose de naturel, c’est plus facile de faire avec.»

Plusieurs Norvégiens partagent l’avis de Pedersen. «Au tout début, Al-Qaïda était soupçonnée d’être derrière les attaques, et si ç’avait été le cas, ç’aurait beaucoup divisé la communauté, note Lars Svendsen, professeur de philosophie à l’Université de Bergen. Le plus remarquable, concernant les attaques, est de voir à quel point elles n’ont pas réussi à transformer le pays. Et les gens s’unissent pour montrer qu’ils rejettent les idées de Breivik, pour travailler à faire de la Norvège un pays plus inclusif – exactement à l’opposé de sa volonté.»

Plus tôt cette année, environ 40 000 personnes se sont réunies à Oslo pour entonner une chanson ridiculisant Anders Breivik. Selon un récent sondage, 51 % des Norvégiens croient que l’immigration fonctionne bien, et 42 % d’entre eux ont eu des contacts avec des immigrants, un bond de 28 % par rapport à 2005.

Jan Christian Kielland, un jeune pasteur luthérien, travaille avec la jeunesse d’Oslo. «Les meurtres ont été terribles, mais ils auront à tout le moins accentué le sens de la communauté ici», analyse-t-il. Mais d’autres jeunes sous l’aile de Kielland sont tombés, comme Breivik, en marge de la société. «Plusieurs jeunes hommes du groupe sont très amers par rapport à leur sort, explique le pasteur. Ils se sentent isolés et expriment un certain soutien à Breivik en disant : “Il n’a pas tout à fait tort.”»

C’est maintenant le sentiment auquel doit s’attaquer la Norvège. Parce que, même si la majorité de ses habitants condamnent ces actes, Breivik a donné une visibilité à un milieu marginal et extrémiste. Il aura aussi alimenté un débat sain et civilisé sur l’identité du pays. Et, selon Pedersen, les attaques du 22 juillet ont été significatives pour la Norvège et des pays similaires. «Ces événements seront à jamais associés à notre pays, mais j’espère que les gens se rappelleront aussi de notre réponse digne. Nous n’avons pas versé dans la violence et la colère. Une société ouverte ne peut pas prévenir de telles attaques. La lutte contre l’extrémisme doit davantage être prise au sérieux dans tous les pays.»

Peu de racisme
«Je n’ai presque jamais subi de racisme», raconte Amad Kajo, un Kurde syrien qui vit en Norvège depuis 36 ans. «La seule fois, c’était quand des gars saouls m’ont insulté.» M. Kajo, un travailleur social, accompagne les nouveaux immigrants. Certains souhaitent s’intégrer le plus possible, d’autres veulent préserver leur identité culturelle. «Les Norvégiens rendent parfois la vie dure aux immigrants. En Suède, ils reçoivent des cours de langue et obtiennent vite des emplois. Ici, le processus est plus long», note M. Kajo.

Mondialisation
Métro s’est entretenu avec le Professeur Thomas Hylland Eriksen du Department d’anthropologie sociale de l’Univesité d’Oslo

«Les conflits au sein de la Norvège ont été exposés» Quels seront les effets à long terme des actes de Breivik?
C’est difficile à dire, parce qu’on est encore en train de se remettre de la tuerie. Mais il y a quelques vérités dans le cliché qui veut que la Norvège ait perdu son innocence. Les événements ont exposé les conflits au sein même de la Norvège – entre citadins mondialisés et les autres. Il y a beaucoup de ressentiment qui bouillonne sous la surface.

Est-ce que des lois plus sévères contre l’extrémisme seraient une bonne solution?
Non. Les politiciens devraient porter davantage attention aux personnes qui se sentent perdantes face à la mondialisation. En Norvège, les immigrants sont généralement bien intégrés. Maintenant, nous devons nous occuper des laissés-pour-compte de la mondialisation.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.