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Les grandes compagnies s’attaquent au plastique

Photo: © EXTREME-PHOTOGRAPHER / Istock.com

LONDRES — Une fois par mois, le comptable Michael Byrne enfile ses bottes et descend sur les rives de la Tamise, en plein coeur de Londres.

Il délimite ensuite soigneusement un secteur d’un mètre carré et recense méthodiquement chaque morceau de plastique qu’il y trouve. Les données sont alors transmises à l’organisme environnemental Thames21.

Le 20 août, par exemple, d’autres bénévoles et lui ont trouvé en moyenne, dans chaque quadrilatère, 31 papiers d’emballage alimentaire, les bâtonnets de 20 cure-oreilles, 12 bouchons et une centaine de petits morceaux de plastique déchiquetés.

«Nous colligeons les données» qui prouvent que le plastique engorge les rivières et les océans, a-t-il dit. «Nous brossons un portrait de tout ce qui s’échoue le long de la rivière.»

Le public est de plus en plus conscient du problème de la pollution par le plastique, maintenant qu’on prévient que les océans pourraient contenir plus de plastique que de poissons d’ici 2050.

Les images sont choquantes: la chaîne britannique SkyNews a lancé une campagne contre la pollution des océans par le plastique dans laquelle on voit des baleines étouffées par des sacs de plastique; National Geographic a publié la photo d’un hippocampe qui agrippe un cure-oreille avec sa queue; et la série «Planète bleue II» du cinéaste Sir David Attenborough a fait voir des tortues de mer enveloppées de plastique.

Et quand l’attention du public se dirige dans une direction, il y a fort à parier que celle des compagnies fera de même.

Au cours des derniers mois, des géants comme Evian, L’Oréal, Mars, M&M, PepsiCo, Coca-Cola, Unilever et Walmart — qui, ensemble, utilisent plus de six millions de tonnes métriques d’emballage plastique chaque année — se sont engagées à n’utiliser que des emballages réutilisables, recyclables ou compostables d’ici 2025, selon le groupe de recherche Fondation Ellen MacArthur.

Adidas, de son côté, a lancé une gamme de vêtements faits de bouteilles d’eau recyclées. La compagnie vante les produits en diffusant en ligne une vidéo qui souligne les dangers pour la santé humaine des particules de plastique gobées par les poissons.

L’épicier de luxe Negozio Leggero offre maintenant quelque 1500 produits sans emballage. Au Royaume-Uni, l’épicier Iceland prévoit éliminer tout l’emballage plastique de ses marques privées d’ici 2023.

«Certaines compagnies qui comptaient possiblement parmi les pires dans ce domaine sont celles qui vont de l’avant, a dit Abigail Entwistle de Fauna & Flora International, un groupe environnemental fondé il y a 115 ans. Ce sont celles qui ont le plus à perdre.»

La production mondiale de plastique est passée de deux millions de tonnes métriques en 1950 à 350 millions de tonnes métriques en 2015, selon les recherches de Roland Geyer, un expert de l’Université de la Californie à Santa Barbara.

Environ 60 pour cent des 8,3 milliards de tonnes de plastique produites depuis le début de l’histoire sont devenus des déchets, dont les trois quarts qui ont abouti dans les dépotoirs ou dans l’environnement, selon M. Geyer. Seulement en 2010, entre quatre millions et 12 millions de tonnes métriques de plastique se sont retrouvées dans l’eau.

Le plastique tue et blesse les animaux, en plus de s’infiltrer dans la chaîne alimentaire.

Un rapport publié l’an dernier par la Fondation Ellen MacArthur prévient que le poids du plastique retrouvé dans les océans sera le même que celui des poissons d’ici 2050, si la tendance actuelle se maintient. Seulement 14 pour cent des emballages de plastique sont actuellement recyclés, selon cette fondation qui collabore avec des compagnies comme Google, Danone et Nike.

Elle prévient qu’on doit attaquer le problème sur plusieurs fronts.

«Il ne faut pas une seule innovation, un seul geste, une seule règle. On a besoin de tout ça en même temps, a dit un membre de la fondation, Rob Opsomer. Nos ambitions doivent être plus nombreuses et plus audacieuses.»

Les gouvernements et d’autres institutions commencent aussi à s’intéresser à la situation.

L’Union européenne souhaite recycler 65 pour cent de ses déchets urbains d’ici 2035. Le Royaume-Uni a interdit l’an dernier l’utilisation de microbilles de plastique et le gouvernement examine l’imposition d’une taxe sur les produits de plastique à utilisation unique, dans le but d’éliminer «tous les déchets de plastique évitables» d’ici 25 ans.

M. Geyer applaudit ces initiatives, mais il rappelle que les campagnes de recyclage et réutilisation n’ont pas fait grand-chose pour ralentir la marée de plastique qui déferle sur les océans depuis 30 ans.

«C’est comme ça que nous menons nos vies et que l’économie fonctionne, a-t-il dit. D’un côté, tout le monde dit que c’est terrible, mais de l’autre tout le monde se fâche si l’économie n’affiche pas une croissance de 3 pour cent. On ne peut pas tout avoir.»

Il en faudra plus que ça pour décourager des gens comme Michael Byrne. Le comptable a 60 paires de bottes à prêter à ceux qui veulent se joindre à lui. Il leur promet aussi une sortie au pub après une mission qui peut se révéler frigide et éreintante.

«On a un problème avec le plastique, a-t-il expliqué. Tout le monde le sait, mais je vais le répéter — on a un problème avec le plastique. Il faut faire quelque chose.»

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