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Avortement et État de droit

Frédéric Bérard

Ouais, bon, ça s’écroule. Solide, à part ça. Quarante-six ans après sa validation par la Cour suprême des États-Unis, le droit à l’avortement est à nouveau remis en question. Sérieusement, cette fois.

On parle d’une quinzaine d’États interdisant ou limitant de manière sévère le droit en question, plus précisément l’accès aux interruptions volontaires de grossesse (IVG). Cinq d’entre eux se démarquent particulièrement.

L’Alabama, d’abord, qui assimile sans nuances l’avortement à un… meurtre pur et simple. Allô, la subtilité. La sanction? Un beau 99 ans de prison pour le médecin fautif. De quoi donner le goût. La meilleure : la loi s’appliquera également en cas de viol ou d’inceste (comme si l’inceste pouvait être autre chose qu’un viol pur et simple). La galère.

Presque plus subtils, le Mississippi, la Géorgie et le Kentucky viennent tout juste d’interdire ce même avortement après… six semaines, soit apparemment aux premiers battements de cœur du fœtus. Euh… Et le pourcentage de femmes qui savent être enceintes après un mois et demi? Aussi bien l’interdire directement et complètement, ce qui aurait au moins le mérite d’être honnête. Drôlement plus libéral et progressiste, le Missouri place cette limite à huit semaines. Le Noël des campeurs, quoi.

C’est la suite logique de ce qui se prépare depuis quelque temps en Occident : le mépris graduel, mais vif, des droits et libertés.

La question payante, maintenant : pourquoi ces lois alors que la Cour suprême, dans le célèbre Roe c. Wade, a permis l’avortement sans exception tant que le fœtus n’est pas viable, soit avant environ 24 semaines de grossesse?

Simplement parce que Trump, évidemment pro-vie, a promis de nommer à cette même Cour suprême uniquement des juges réfractaires aux IVG. Ce qu’il a fait depuis, la majorité de ses magistrats (cinq contre quatre) étant dorénavant conservatrice. Sachant que le plus haut tribunal américain est archi-politisé, méga-idéologique, rien ne l’empêcherait de tenter une entourloupette afin de «corriger» Roe c. Wade.

Bref, ça regarde mal. Très mal.

***

Rien là-dedans, cela dit, ne devrait trop surprendre. Parce que cela constitue, indubitablement, la suite logique de ce qui se prépare depuis quelque temps en Occident : le mépris graduel, mais vif, des droits et libertés. Particulièrement lorsqu’il est question de minorités.

Juste à constater ce qui se passe présentement ou s’est passé récemment au Brésil, en Hongrie, à Malte, en Suisse et en Turquie pour avoir une bonne idée de l’affaire. Le Muslim Ban de Trump, aussi. Et l’Irlande qui s’amuse à tenir des référendums sur ce même avortement ou encore le mariage gai. Heureusement, le résultat a été positif. Mais si ça avait été l’inverse, on fait quoi? Laisser une majorité déterminer des droits de la minorité? Drôle de concept.

D’aucuns opposeront ici que les femmes ne peuvent être qualifiées de groupe minoritaire – ce qui est parfaitement juste. Mais vous avez vu qui, dans les assemblées législatives des États américains discutés ci-haut, adopter les mesures répressives? Quasi uniquement des… hommes.

Et le Canada, là-dedans? On se rappelle la tentative sous Harper de rediscuter des droits du fœtus. On sait aussi que son nouveau chef, Andrew Scheer, a à l’époque appuyé une résolution du genre, celle-ci étant d’ailleurs battue de justesse. Ou Maxime Bernier et son parti de diplômés de l’université de la vie qui, hier encore, pensaient appuyer une
future loi anti-avortement.

La meilleure? Que si le Parlement canadien souhaitait réinterdire celui-ci (l’avortement, pas Bernier), il pourrait le faire en un claquement de doigts. Et comment? En utilisant la… disposition dérogatoire. Je dis ça, je dis rien.

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