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L’UPAC, coupable

Frédéric Bérard

J’expliquais hier ma frustration à entendre politiciens et analystes patentés inventer toutes sortes de trucs grotesques, sinon grossiers, à même leurs commentaires sur l’arrêt Jordan. À les écouter, ce dernier serait ni plus ni moins que la dernière plaie d’Égypte, et responsable de la débâcle du dossier de Nathalie Normandeau et de ses co-accusés. Et si la raison de la déroute se trouvait ailleurs?

Intenté devant la Cour du Québec, le procès n’avait toujours pas eu lieu…52 mois après le dépôt des accusations, soit entre 22 et 34 mois de trop, le tribunal considérant inutile de déterminer si, le cas échéant, le plafond était ici fixé à 18 ou 30 mois.

La raison du traînage de pattes? Des fuites émanant de l’UPAC au profit de journalistes, ceci ayant mené à diverses procédures et auditions parallèles.

Comme l’explique le juge de l’affaire : « N’eut été des fuites et de l’enquête bidon de projet A. [portant sur les fuites en question], le procès serait fort probablement terminé depuis l’été 2018 ». Boum.

Le DPCP, soit la Direction des poursuites pénales et criminelles, a eu beau tenté de convaincre le tribunal que les conneries policières ne peuvent lui être imputables, rien à faire. Elles le seront.

Manifestement piqué des folies en question, le juge balance une deuxième bombe, celle-ci encore plus importante que la première: dans un passage en partie caviardé, il laisse entendre que le tribunal, tout comme ce même DPCP, auraient été dupés…par l’UPAC. Re-boum.

Cela dit, et connaissant l’ancien boss Lafrenière, rien de surprenant là-dedans. Ne parle-t-on pas ici de celui qui avait fait arrêter les Normandeau et cie la journée même du budget provincial, histoire d’attirer les projecteurs sur ses « compétences », lui dont le mandat devait être renouvelé, ou pas, peu après? Si oui, quoi de mieux que d’y aller de ce coup d’éclat, preuves suffisantes ou non? Parce qu’entre vous et moi, qui aurait accepté que les libéraux de l’époque, alors majoritaires en chambre, refuse le renouvellement du mandat de celui qui vient d’arrêter leur ex-vedette? Personne.

Rappelons aussi que c’est sous la direction de Lafrenière que l’UPAC fait couler chez Québécor des photos de rénovations d’un chalet de luxe où réside Charest. L’idée? Apparemment assurer le public à l’effet que « l’enquête avance ». Le problème? Que Charest était locataire, et non…propriétaire, du chalet en question. Oliphoque. Parce que si nos enquêteurs Gadget sont incapables d’une simple vérification d’usage au registre foncier, disons que la suite de l’enquête regarde plutôt mal. D’ailleurs, après toutes ces années de coulage médiatique et de création d’attentes artificielles, vous avez vu des accusations contre Charest, vous?

Autre truc comique -façon de parler: qui est le Colombo des pauvres ayant fait arrêter le député Ouellet parce que ce dernier, allô le conflit d’intérêt, s’apprêtait à révéler des trucs compromettant sur…l’UPAC? Si vous avez répondu Robert, bonne réponse. Le même, en fait, qui se décrit sur Wikipédia comme « homme politique »? Là-dessus, cela dit, difficile d’être en désaccord avec lui. Parce que rarement dans l’histoire politique québécoise avons-nous vu un flic en chef autant friand de caméras, de visibilité et autres magouilles pas trop subtiles.

Hypothèse, donc : est-ce possible que l’arrestation de Normandeau ait été essentiellement guidée par des impératifs de type « show à Lafrenière », sachant très bien que les médias et le public, souhaitant le scalp d’une vedette libérale et non celui de simples Ti-Jos lui étant inconnus?

Le cas échéant, est-ce possible que l’hypothèse qui précède soit la raison pour laquelle 5 des 8 chefs d’accusations contre elle -soit les plus importants – ait été abandonnés par le DPCP, réalisant que la preuve amassée par l’UPAC était cousue de fil blanc? Que ceci a précisément mené le tribunal à conclure aux manoeuvres dolosives de celle-ci envers lui-même et le DPCP? Je dis ça, je dis rien.

Coupable, Normandeau? Aucune idée. Impossible d’ailleurs de le savoir, aucune preuve n’ayant été rendue publique. Coupable, l’UPAC? Disons que l’on s’approche dangereusement du hors de tout doute raisonnable….

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