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Dead by Daylight illustre les défis des jeux vidéo modernes

iPad pavé tactile

Le studio montréalais Behaviour Interactif a publié cette semaine Cursed Legacy, le quatorzième chapitre en trois ans pour son jeu d’horreur Dead by Daylight. Retour sur un succès mondial et sur les changements créatifs, technologiques et marketings essentiels pour produire un jeu vidéo en constante évolution, une réalité de plus en plus courante dans l’industrie.

Dead by Daylight est un jeu d’horreur en ligne où quatre joueurs en équipe doivent survivre à un tueur puissant, incarné par un cinquième joueur. Le titre lancé en 2016 compte 12 millions de joueurs payants dans le monde. Près d’un million d’entre eux lancent au moins une partie par jour. « En moyenne, 100 000 personnes y jouent à tout moment de la journée », note Fadi Beyrouti, chef des technologies chez Behaviour Interactif.

C’est – et de loin – le plus gros succès commercial pour une marque créée par Behaviour Interactif, un studio indépendant lancé il y a 27 ans et qui compte maintenant environ 600 employés dans la Petite-Italie à Montréal.

Lancer petit et grandir avec le temps

Le succès de Dead by Daylight s’est bâti avec le temps. Le titre représente ce que l’industrie nomme désormais un « jeu comme un service », un jeu qui n’est pas conçu pour être joué d’un seul coup puis laissé de côté par la suite, mais plutôt pour évoluer et ajouter constamment de nouvelles fonctionnalités pour retenir les joueurs pendant des mois, voire des années.

« On publie en moyenne une mise à jour toutes les six semaines », précise Fadi Beyrouti.

Si une certaine évolution est normale pour un jeu du genre, celle de Dead by Daylight est encore plus marquée que la moyenne, estime le chef des technologies. Le titre de Behaviour interactif part en effet de loin, puisqu’il a été lancé en 2016 avec un minimum de fonctionnalités. « Disons qu’on avait fait des exercices agressifs de priorisation », lance le directeur du jeu Mathieu Côté. À son lancement, le jeu ne permettait par exemple pas de jouer avec ses amis, seulement avec des inconnus. Cette fonctionnalité a été ajoutée par la suite.

Dead by Daylight a aussi été lancé sur PC en premier, puis sur les consoles Switch, PS4 et Xbox One avec le temps. Des versions Android et iOS sont aussi attendues prochainement.

Signe de cette croissance, l’équipe derrière Dead by Daylight est passée d’une trentaine de personnes au lancement du jeu à plus de 200 employés aujourd’hui.

Ajouter du contenu et changer la recette

Plusieurs fois par années Behaviour Interactif ajoute du contenu à son univers. À chaque nouveau chapitre, les joueurs peuvent incarner un nouveau monstre, un nouveau survivant et se battre dans un nouvel endroit.

Certains de ces ajouts sont entièrement imaginés par l’équipe de développement, comme Cursed Legacy, le chapitre de Dead by Daylight inspiré d’une légende japonaise lancé cette semaine. D’autres sont quant à eux des partenariats avec des franchises d’horreur existantes, comme Stranger Things, Nightmare on Elm Street et Halloween. Ces licences sont particulièrement intéressantes pour attirer de nouveaux joueurs à l’univers. « Il y a après tout encore beaucoup de monde qui n’a pas joué à Dead by Daylight », concède Mathieu Côté.

L’ajout de contenu n’est pas le seul moyen utilisé pour faire varier l’expérience des joueurs. Behaviour Interactif change aussi périodiquement les pouvoirs de certains personnages existants, par exemple.

« C’est essentiel que le jeu ne stagne pas. Ces changements forcent les joueurs à réapprendre à jouer et à trouver de nouvelles stratégies pour gagner. Ça permet au jeu de rester excitant pour les joueurs actuels », croit Mathieu Côté.

Se doter d’une infrastructure informatique planétaire

Les parties en ligne sur PC de Dead by Daylight fonctionnent depuis octobre avec des serveurs dédiés, une stratégie technologique qui devrait aussi être déployée pour les consoles prochainement.

Auparavant, les parties étaient plutôt gérées sur l’ordinateur ou la console du joueur qui incarne le tueur. « Ça causait des problèmes. Si la connexion Internet était mauvaise, tous les joueurs étaient pénalisés, sauf le tueur », explique Mathieu Côté. Lorsque cinq joueurs débutent une partie, celle-ci est désormais plutôt gérée à distance dans un centre de données à partir d’une version modifiée du logiciel, dénudée de tous graphiques.

Pour s’assurer qu’un joueur au Japon ne soit pas désavantagé par rapport à un joueur situé à Montréal près du studio, Behaviour Interactif a opté pour gérer les parties avec une architecture infonuagique. Les parties sont organisées sur des serveurs Amazon Web Services (AWS), le bras infonuagique d’Amazon, qui sont répartis un peu partout dans le monde. Chaque serveur permet de faire rouler quatre parties à la fois. Behaviour Interactif peut ajuster automatiquement la quantité de serveurs disponibles en temps réel, pour répondre à la demande variable du jeu.

« On aurait pu avoir nos propres serveurs, mais il aurait fallu les acheter, les installer et les maintenir partout dans le monde. Ça aurait été compliqué, surtout qu’on a commencé avec une toute petite équipe », rappelle Fadi Beyrouti. La stratégie est courante dans l’industrie. Call of Duty : Modern Warfare d’Activision, For Honor d’Ubisoft et Fortnite d’Epic Games, pour ne nommer que ceux-là, fonctionnent d’ailleurs de la même façon.

En plus des parties, les informations reliées aux profils des joueurs, leur progrès dans le jeu, leur inventaire, les achats en ligne et les statistiques qui seront utilisées pour la monétisation sont aussi toutes enregistrées dans le nuage.

Monétiser intelligemment

Le modèle d’affaires traditionnel de l’industrie du jeu vidéo ne tient plus la route avec les jeux comme un service. L’argent amassé lors de la sortie d’un jeu permet de financer sa conception, mais pas son développement pendant des années par la suite par une équipe de 200 personnes.

Les jeux comme un service doivent donc recourir à différentes stratégies pour assurer leur financement. « La monétisation est un pilier important du jeu », confirme Jérôme Nguyen Van Long, gestionnaire de produits sénior responsable de l’économie de Dead by Daylight. Selon ce dernier, si les microtransactions étaient autrefois mal vues dans l’industrie, celles-ci sont désormais mieux perçues. « Les joueurs comprennent que ça permet de développer le jeu », observe-t-il.

Certains joueurs sont toutefois plus froids à l’idée. Et même à l’interne, la monétisation peut être un sujet épineux. « Si on offre une nouvelle forme de monétisation, elle doit être considérée dans la planification du jeu. Ça veut donc dire qu’on doit faire des choix : est-ce que je corrige ces bogues en premier, ou est-ce que j’ajoute ce mécanisme de monétisation », illustre Jérôme Nguyen Van Long.

À l’heure actuelle, quatre moyens ont été déployés pour assurer le financement de Dead by Daylight. Le jeu est tout d’abord vendu une vingtaine de dollars à l’achat, et chaque nouveau chapitre est vendu une dizaine de dollars de plus.

Il n’est pas nécessaire d’acheter les chapitres en argent sonnant pour jouer avec leurs personnages, note toutefois Jérôme Nguyen Van Long. Ceux-ci peuvent aussi être débloqués avec une monnaie virtuelle obtenue en complétant des parties. « Il faut jouer de 25 à 30 heures pour les obtenir », explique le gestionnaire.

Behaviour Interactif produit aussi des changements cosmétiques que les joueurs peuvent acheter avec de l’argent réel, et parfois avec la monnaie virtuelle du jeu. Détail intéressant, la science des données permet d’optimiser cet aspect avec une précision parfois étonnante. « Avec les données accumulées par rapport aux transactions passées, on peut par exemple savoir quel style vestimentaire va être populaire pour un personnage précis » observe Jérôme Nguyen Van Long.

Un autre mécanisme a aussi été instauré récemment, les Archives, un abonnement facultatif qui permet d’obtenir encore plus de contenu cosmétique. Le concept est sensiblement le même qu’avec la Battle Pass de Fortnite.

Selon Jérôme Nguyen Van Long, la majorité des joueurs ne dépensent jamais d’argent dans ces achats facultatifs, mais une partie le fait quand même avec une certaine assiduité.

Pour chaque stratégie de monétisation, l’équipe doit faire attention à ne pas transformer le jeu. Un costume noir qui offrirait un camouflage donnerait un avantage à certains joueurs, par exemple. Et s’il faut acheter le nouveau contenu pour pouvoir incarner les personnages, tous les joueurs peuvent quand même les affronter. « Nous avons aussi pris la décision que toutes les cartes seraient aussi accessibles à tout le monde, car nous ne voulions pas fractionner la communauté », note Mathieu Côté.

Car oui, la monétisation est essentielle pour permettre au jeu de survivre, mais la qualité du jeu et de la communauté qui l’entoure demeurent des aspects le plus importants pour convaincre les joueurs de poursuivre l’aventure pendant encore plusieurs années.

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