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Cryptoactifs: comment limiter le risque d’être exposé à une fraude

Photo: Istock/Vertigo3d

En 2017, des milliers d’investisseurs, situés dans un peu plus de 175 pays, se sont retrouvés les poches vides: ils avaient investi près de 4 milliards de dollars (US) dans une cryptomonnaie nommée «OneCoin». La tête dirigeante derrière le projet, Ruja Ignatova, s’est volatilisée avec ce qu’on croit être l’entièreté de la somme disparue.


ANALYSE – Ce fait divers a frappé l’imaginaire dans le monde des cryptomonnaies. D’ailleurs, la BBC lui a même consacré un balado. Et bien qu’il s’agisse d’une fraude d’envergure, il n’en demeure pas moins que ce type de stratagèmes frauduleux est fréquent dans l’univers des cryptoactifs. Ces derniers regroupent notamment les cryptomonnaies (comme le Bitcoin) et les jetons non fongibles (NFT). La possession de ces jetons octroie à l’investisseur des droits qui peuvent prendre différentes formes (accès à un bien – une œuvre d’art, par exemple – ou un service, ou similaire à la détention d’une action).

Depuis de nombreuses années, d’abord dans ma pratique professionnelle à titre d’auditrice et de juricomptable, puis de chercheure, je m’intéresse à l’étude de la fraude. Je suis principalement préoccupée par les déterminants de la fraude, ainsi que ses indicateurs et ses impacts. Plus récemment, mon intérêt s’est porté sur la fraude en lien avec les cryptoactifs, car ces nouvelles technologies sont liées à de nouveaux risques et limitations auxquels font face non seulement les utilisateurs/investisseurs, mais également les organismes de réglementation.

Une quantité alarmante de fraudes

Un rapport d’une firme spécialisée dans les cryptoactifs, paru en 2018, estime que près de 80 % de toutes les premières émissions de cryptoactifs (PEC) lancées en 2017, comme l’émission de nouvelles cryptomonnaies, étaient frauduleuses. Il n’est évidemment pas possible de mesurer précisément le nombre de fraudes qui surviennent chaque année, notamment parce que la plupart ne sont pas rapportées aux autorités compétentes. Or, ce chiffre alarmant devrait tout de même interpeller l’investisseur potentiel au sujet de la gestion de ses propres risques.

Il faut savoir que les cryptoactifs font l’objet de peu ou pas de réglementation partout dans le monde. Les organismes de réglementation comme l’Autorité des marchés financiers, ici au Québec, et la Security and Exchange Commission, aux États-Unis, travaillent sur le sujet depuis un certain temps déjà, mais la réglementation tarde sur certains points. Cette situation s’explique entre autres à cause de la décentralisation et de l’absence de frontières de ces investissements, qui rendent l’élaboration et l’application de lois et règlements particulièrement difficiles.

Indicateurs de fraude «traditionnels»

L’investissement dans les cryptoactifs est du ressort de la finance technologique, couramment appelée FinTech. Les outils d’investissement dans la FinTech divergent de façon importante de ceux de la finance traditionnelle, et les investisseurs dans les FinTech sont souvent stimulés par la recherche de gains rapides, voire spéculatifs.

femme devant le bureau de OneCoin
Une femme passe devant le bureau de la cryptomonnaie OneCoin, fondée par Ruja Ignatova, qui a fraudé des investisseurs pour plusieurs milliards de dollars. (Shutterstock)

Il n’en demeure pas moins que des indicateurs de fraude, qui existent depuis fort longtemps dans la finance traditionnelle, comme les investissements sur les marchés boursiers, sont également présents dans la FinTech. On n’a qu’à penser à la garantie de taux de rendement incroyables, bien au-delà de ce qui a cours sur les marchés réglementés. Ou encore à l’urgence d’investir brandie par certains promoteurs de produits financiers, afin d’inciter les investisseurs à y mettre leur argent sans prendre le temps de réfléchir.

Cette urgence se fait sentir notamment lorsqu’un promoteur joue sur la peur de rater une occasion d’investissement incroyable, incitant l’investisseur à y mettre son argent rapidement s’il ne veut pas se faire couper l’herbe sous le pied par d’autres investisseurs plus rapides. On pourrait faire un parallèle avec les promotions pour des produits en magasin qui se vendent à prix coupés, mais indiquent que les quantités sont limitées. Or, dans le cas de l’investissement, cela se révèle bien souvent un stratagème frauduleux plutôt qu’une occasion alléchante.

Des documents explicatifs… mais pas réglementés

L’aspect technologique des cryptoactifs fait en sorte que de nouveaux indicateurs ont émergé dans la foulée. Puisqu’ils diffèrent de ce que les investisseurs ont pour habitude d’entendre de la part des intervenants chargés de les informer des risques encourus, notamment les conseillers en investissement, il est très important que ceux-ci portent une attention particulière aux projets dans lesquels ils comptent investir. En effet, l’absence (ou quasi-absence) de réglementation fait en sorte que pour l’instant, l’investisseur est seul en charge de se protéger face aux nombreuses fraudes qui sévissent dans le milieu. Il existe toutefois des fonds négociés en bourse adossés à des cryptoactifs, qui sont offerts par certains fonds d’investissement. Mais il demeure que ces investissements font face au risque de volatilité.

Comme dans le cas d’un investissement traditionnel, les équipes derrière les PEC publient ce qu’on appelle un «white paper». Similaire au prospectus, dans le cas d’un appel public à l’épargne – soit le fait pour une entreprise d’aller chercher des fonds additionnels par l’offre d’actions, par exemple –, ce document transmet à l’investisseur potentiel une foule d’informations au sujet du projet proposé. On y parle, entre autres, du fonctionnement du projet, ou encore de la composition de l’équipe derrière celui-ci.

Photo rapprochée de pièces de monnaie dorées de bitcoin, ethereum et litecoin couchées sur du papier monnaie américaine et clavier blanc
La facilité à investir, couplée à une publicité qui ratisse large (notamment sur les médias sociaux tels que Facebook), font en sort que les gens sont souvent incités à investir dans les cryptoactifs. (Shutterstock)

Or, les similitudes avec les prospectus s’arrêtent là, car, contrairement à celui-ci, le white paper n’est pas réglementé. Un émetteur peut donc y indiquer ce qu’il désire, et inversement, omettre une information qui pourrait se révéler utile pour un investisseur potentiel. Il importe de mentionner que, pour la plupart des projets, n’importe qui peut émettre un tel white paper. Mais les autorités réglementaires recommandent fortement à l’entité en question de s’enregistrer, non seulement pour renforcer la confiance des investisseurs potentiels, mais surtout pour s’assurer que les règles en place sont suivies.

Nouveaux indicateurs de fraude

Il existe donc des indicateurs de fraude qui sont particuliers aux cryptoactifs. On a ainsi vu des white papers contenant des éléments qui se contredisent, des incongruités, ou encore des erreurs, notamment (et étonnamment) dans le nom de l’entreprise derrière le projet. En effet, certains white papers copiés d’autres projets sont revus en vitesse, ce qui laisse derrière ce type de coquilles. Il faut savoir que règle générale, un PEC est projet unique, et qu’une copie signale généralement un projet frauduleux.Une publicité de l’Autorité des marchés financiers, qui vise à sensibiliser les jeunes aux risques associés aux cryptoactifs.

De plus, un autre indicateur de fraude potentielle réside dans un white paper dont la lecture de certains passages est complexe. Cela devrait amener l’investisseur potentiel à s’interroger sur le sérieux du projet. En effet, le white paper a pour utilité première d’informer l’investisseur, et l’emploi d’un langage abscons dans un tel document devrait être proscrit pour tout projet qui se veut cohérent.

Par ailleurs, l’équipe derrière le projet est essentielle à sa réussite, notamment en raison de sa complexité technologique. Il est donc douteux qu’elle ne soit pas mise de l’avant dans la documentation du projet, que ce soit dans le white paper ou encore sur son site web. D’ailleurs, il est généralement plutôt aisé d’entrer en contact avec l’équipe derrière un PEC, afin de poser des questions ou d’obtenir des informations supplémentaires sur le projet, ce qui n’est pas le cas en finance traditionnelle. Si un investisseur potentiel n’arrive pas à entrer en contact avec l’équipe, il y a, encore une fois, lieu de se questionner sur le sérieux du projet.

La rencontre d’un des indicateurs de fraude discutés plus haut ne signifie pas de facto que le projet est frauduleux. Cependant, la reconnaissance de ces derniers fait en sorte que l’investisseur est mieux outillé pour assurer sa propre gestion des risques d’investissement liés aux fraudes, particulièrement prévalentes dans l’écosystème des cryptoactifs.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

La Conversation

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