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Les Canadiens ont plus de sexe pendant la pandémie… sauf s’ils vivent en couple

Les Canadiens en couple n'ont pas eu plus de sexe depuis le début de la pandémie. Photo: Istock

Les restrictions sanitaires liées à la COVID-19 ont eu des effets sur tous les domaines de la vie, et le sexe n’y a pas échappé. Mais les constats à ce sujet, après un an et demi de pandémie, ne sont pas forcément ceux auxquels on s’attendait…

Par Lori A. Brotto, University of British Columbia

En mars 2020, lorsque l’annonce de la pandémie de Covid-19 a placé le monde en confinement, les médias ont rapidement spéculé sur le baby-boom qui allait suivre neuf mois plus tard. Après tout, qu’allaient faire les gens avec tout ce temps libre en étant enfermés à la maison avec leur conjoint?

Les médias avaient tort. En réalité, la pandémie a grandement affecté la vie sexuelle des Canadiens.

Je suis titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur la santé sexuelle des femmes, professeure d’obstétrique et de gynécologie à l’Université de la Colombie-Britannique et je dirige l’Institut de recherche et d’innovation en santé des femmes de la province. Je suis fascinée par l’étude du désir sexuel depuis une vingtaine d’années.

Notre équipe de recherche en santé sexuelle de l’UBC a rapidement lancé une étude pancanadienne sur le désir et le comportement sexuels au début de la pandémie qui devait, en gros, répondre à la question suivante : quel effet le stress engendré par la pandémie, le statut relationnel et les conditions de vie ont-ils sur le désir et le comportement sexuels? Des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique étudient la sexualité pendant la pandémie de Covid-19.

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Sexualité en temps de pandémie

Nous avons recruté 1 019 résidents canadiens de tous les territoires et provinces du Canada. Ils avaient de 19 à 81 ans, avec une moyenne d’âge de 30 ans. Dans notre échantillon, 70% des personnes se sont identifiées comme blanches et 30% comme étant d’origines ethniques diverses. Un peu plus de la moitié des participants se sont déclarés hétérosexuels, et 7% ont dit avoir une identité de genre non binaire. Au total, 37% des personnes interrogées habitaient avec leur conjoint — une variable très importante pour comprendre l’incidence de la pandémie sur la vie sexuelle.

Un stress plus important dans les premiers jours du confinement a entraîné une augmentation de la coercition sexuelle pour les personnes qui vivaient avec un conjoint, mais n’a eu aucune influence sur ce plan pour les personnes dont ce n’était pas le cas. Ce résultat n’est pas surprenant et reflète les conclusions de pandémies précédentes selon lesquelles le stress peut déclencher ou exacerber la violence sexuelle dans une relation.

Les effets à long terme de cette augmentation de la violence demeureront un grave problème pour nos systèmes de santé, d’autant plus que les refuges étaient difficiles d’accès et que des personnes (principalement des femmes) se sont retrouvées isolées avec leurs conjoints.


À lire aussi : Les Canadiens ont moins de rapports sexuels depuis les débuts de la pandémie


Augmentation de l’activité en solo

Nous avons aussi constaté que le stress de la pandémie a accru le désir d’activité sexuelle en solo (masturbation) chez les personnes qui vivaient en couple. Contrairement aux prédictions des médias concernant la montée en flèche des rapports sexuels entre conjoints, nos données ont montré que le stress de la pandémie a entraîné une hausse de l’autoérotisme plutôt que de la sexualité avec un partenaire.

Nous avons également suivi ce qui s’est passé au cours de l’été 2020, lorsqu’il y a eu un relâchement dans les consignes de santé publique et que les gens ont commencé à reprendre des activités sociales. Au fil des mois, le désir sexuel pour un conjoint a diminué, et non augmenté.

Le niveau d’activité sexuelle avec un conjoint a augmenté, mais uniquement chez les personnes qui ne vivaient pas en couple. Chez les personnes qui vivaient en couple, l’activité sexuelle a diminué pendant les mois d’été et d’automne.

Pratiquement aucun de nos résultats ne correspond aux prévisions des médias, mais cela n’est peut-être pas surprenant, étant donné que l’absence (ou le fait de ne pas habiter avec son conjoint) attise la passion. Et pour ceux qui vivaient en couple, peut-être ont-ils passé trop de temps ensemble et que cela a étouffé leur désir.

Si l’on ajoute à cela l’école à la maison, les préoccupations financières, la rareté des rencontres sociales et l’interdiction de voyager, il n’est pas du tout surprenant que la pandémie ait eu un tel impact sur la vie sexuelle des Canadiens.

Importance de l’éducation sexuelle

Nos résultats reflètent ceux obtenus aux États-Unis et en Europe. Toutefois, une étude menée par des chercheurs de l’Institut Kinsey a révélé qu’une faible proportion des Américains s’adonnait à des activités sexuelles plus diversifiées et expérimentales qu’avant, ainsi qu’à la masturbation. Il se peut que les rapports sexuels en solo aient constitué un exutoire pour répondre au stress et à l’isolement engendrés par la pandémie, la masturbation ayant un effet apaisant.

Comment ces résultats peuvent-ils nous servir, en plus de nous aider à comprendre ce qui suscite et éteint le désir et le comportement sexuels ? De nombreux experts prédisent des effets psychosociaux à long terme de la pandémie de Covid-19, et cela pourrait également se répercuter dans le domaine de la sexualité. Cependant, à l’heure actuelle, les ressources pour soutenir les personnes qui ont de la difficulté avec leur sexualité sont limitées.

C’est peut-être l’occasion d’améliorer la formation dans les écoles de médecine et d’éducation à la santé pour faire en sorte que les praticiens sachent comment aider les personnes aux prises avec des problèmes de santé sexuelle. Étant donné les effets connus des dysfonctions sexuelles sur l’humeur, l’anxiété, le stress, la satisfaction dans les relations et d’autres aspects de la santé, nous pouvons utiliser ce que nous découvrons sur la sexualité pendant la pandémie pour briser certains mythes et commencer à avoir des conversations authentiques et franches sur le sujet.

Lori A. Brotto, professeure en Obstetrics & Gynaecology, à la University of British Columbia

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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