Une décennie autochtone!
Kwaï (Bonjour),
L’UNESCO (l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) avait frappé un grand coup en 2019 en nommant cette année-là l’Année internationale des langues autochtones. Eh bien, figurez-vous donc que ce fut un si grand succès pour l’UNESCO qu’elle a décidé de faire de 2022 à 2032 la Décennie des langues autochtones!
C’est certain que, pour moi, l’année 2019 fut marquante, considérant la précarité de la langue abénakise et les énormes efforts de revitalisation que ma Nation entreprend pour la garder vivante. Enfin, on nous donnait une plateforme pour discuter des enjeux entourant la langue!
J’ai pu donner quelques entrevues sur le sujet en 2019 et c’était extrêmement positif comme événement, pour moi comme pour les communautés autochtones.
Et, bon, on peut se dire que l’UNESCO étire peut-être un peu trop la sauce avec une décennie, que ça peut sembler minime comme déclaration, que c’est juste symbolique… Peut-être bien, mais au bout du compte, si cela nous donne l’occasion d’en parler encore et toujours plus, c’est rafraîchissant comme initiative! Il n’y a pas de petite victoire, comme on dit!
Je me souviendrai toujours du changement que j’ai fait en 2010 sur la page Wikipédia de la langue abénakise, qui disait que notre langue avait disparu, pour inscrire qu’elle était plutôt «en voie d’extinction». Un petit changement dans les faits, mais énorme à nos yeux, qui démontre notre résilience et notre force de caractère.
Si nous n’étions qu’une poignée de gens il y a 10 ans à essayer de l’apprendre, maintenant non seulement des cours se donnent dans les communautés d’Odanak et de Wôlinak, mais il y a aussi des classes à Montréal ainsi qu’à l’Université de Sherbrooke, en partenariat avec le Grand Conseil Waban-Aki, dans un effort de revitalisation.
Je rêve du jour où je vais pouvoir dire que ma langue est bien vivante!
D’ici là, permettez-moi de vous donner aujourd’hui un tout petit cours d’Abénaki pour que vous puissiez vous aussi servir de gardien·ne du savoir et de porteur·euse d’espoir de sauvegarde de la langue.
Déjà, voici notre alphabet: A-B-C-D-E-G-H-I-J-K-L-M-N-O-P-S-T-W-Z-8.
Vous remarquerez que quelques lettres et sons sont manquants:
Nous n’avons pas le son «F» dans notre langue.
Ni le son «CH» comme dans «chat». (Si vous venez faire un tour à Odanak, vous verrez que les arrêts-stops sont écrits en Abénaki également: «Channa». Mais le «CH» se prononce «TS».)
Le caractère le plus surprenant de notre alphabet est évidemment le 8, un son qui se situe entre le «AN» et le «ON». Une lettre pas mal importante parce que pour dire «Oui», on dit «8h8». (Et le «Non», se dit «Nda».) Pour vous donner une idée de la prononciation, pensez à la chanson Batboy de François Pérusse: «Yeah 8h8, yeah 8h8 8h8»!
Et, un petit dernier pour la route, le «J» se prononce comme un «DZ». Si on part du mot «montagne» par exemple, qui s’écrit «Wajo», on prononcera «Wadzo». Eh oui, vous l’aurez deviné, c’est de là que provient mon nom de famille!
Sur ce,
Wli nanawalmezi (portez-vous bien)
Adio (bye)