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Pratiquer la médecine au Canada pour les étrangers: un parcours du combattant

Un patient est traité par un docteur.
Photo: istock
Simran Purewal, Evelyn Encalada Grez, Paola Ardiles - La Conversation

Les médecins formés à l’étranger sont mis de côté au Canada alors que six millions de Canadiens n’ont pas de médecin de famille.

Ces professionnels de la santé, qui ont terminé leurs études à l’extérieur du Canada ou des États-Unis, constituent un groupe diversifié de praticiens formés dans diverses spécialités. Plusieurs ont été attirés au Canada pour la promesse d’une vie meilleure.

La plupart ont même profité de l’« entrée express » dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés en vertu de leur formation de haut niveau.

Pourtant, ils se heurtent à de multiples obstacles tout au long du processus d’obtention du permis.

En octobre 2021, une équipe de recherche communautaire de l’Université Simon Fraser a examiné les politiques canadiennes d’exclusion à leur endroit.

Le projet est né de la réponse britanno-colombienne à la crise sanitaire, notamment de la campagne Trained To Save Lives sur les réseaux sociaux, qui portait sur le rôle des professionnels de la santé formés à l’étranger.

Nos entrevues auprès de 11 médecins britanno-colombiens formés à l’étranger mettent en évidence, selon nous, les obstacles auxquels ils font face partout au Canada.

Huit étapes

Le processus canadien est complexe, car chaque province a son propre système de délivrance de permis. En Colombie-Britannique, les exigences sont les suivantes :

  1. Les médecins formés à l’étranger doivent être diplômés d’une école agréée figurant dans le Répertoire mondial des écoles de médecine.
  2. Ils doivent fournir un certificat de compétence linguistique si la langue de leur diplôme n’est pas l’anglais et s’ils n’ont pas pratiqué en anglais.
  3. Ils doivent réussir l’examen d’aptitude du Conseil médical du Canada, partie 1, et l’examen clinique objectif structuré de la Collaboration nationale en matière d’évaluation (CNE).
  4. Ils doivent s’inscrire à un programme d’évaluation clinique.
  5. Ils doivent compléter une résidence ou réussir au programme d’évaluation de la capacité à exercer de la CNE.
  6. S’ils font une résidence, ils doivent s’engager par contrat à fournir des années de service.
  7. Ils doivent obtenir le permis provincial (ici, du Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique).
  8. Enfin, les omnipraticiens doivent passer par les examens de certifications du Collège des médecins et chirurgiens provincial et les spécialistes, de même au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.

Le parcours du combattant

Nos entretiens nous ont permis d’identifier plusieurs obstacles. L’un des principaux est l’examen clinique objectif structuré de la CNE (non requis pour les diplômés des facultés canadiennes et américaines). Cet examen, très coûteux, n’est offert que rarement chaque année.

un médecin ausculte les yeux d’un patient
S’ils veulent pratiquer au Canada, les médecins formés à l’étranger doivent satisfaire à des exigences différentes de leurs collègues canadiens et américains. (Pixabay)

L’attente est parfois très longue. De plus, les conseillers en immigration sont souvent mal informés quant aux perspectives de carrière. Plusieurs se sont fait dire que leur éducation « ne valait rien » au Canada.

Les médecins formés à l’étranger ont souligné le manque de clarté des informations relatives à la délivrance des licences. Même s’ils s’attendaient à un processus ardu, rien ne les préparait aux difficultés rencontrées.

En dépit des prétentions du ministère fédéral de l’Immigration quant aux travailleurs qualifiés, un grand nombre doit se contenter d’emplois précaires et mal payés sans rapport à leur formation ou à leur expérience.

Peu de places en résidence

L’autre obstacle important, contre lequel les médecins formés à l’étranger font pression, est le nombre limité de postes de résidence ouverts pour eux.

La résidence est une formation postuniversitaire requise pour l’obtention du permis d’exercer. Le Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS) divise les candidats entre deux catégories : les diplômés en médecine canadiens et les autres.

Or, seulement 10 % des résidences sont ouvertes aux médecins formés à l’étranger. La plupart concernent des spécialités en manque de candidat, comme la médecine familiale.

Un autre obstacle systémique tient aux contrats que doivent signer ceux qui obtiennent un poste de résident : ils doivent s’engager à pratiquer pendant deux à cinq ans dans une communauté mal desservie (sauf en Alberta et au Québec).

Cette obligation n’existe pas pour les diplômés des écoles de médecine canadiennes.

Tous ces obstacles ont un impact négatif sur la santé mentale et le bien-être des médecins formés à l’étranger.

Changements à venir

Certaines provinces ont lancé des initiatives pour corriger ces problèmes. Un projet pilote du Collège des Médecins et Chirurgiens de l’Alberta visera à lever certaines exigences pour ceux qui arrivent de territoires désignés, comme les États-Unis.

En Colombie-Britannique, le programme d’évaluation de la capacité passera de 32 à 96 places. La province leur offrira ce faisant une alternative à la résidence et un meilleur accès au permis d’exercice.

Ces progrès importants ne règlent pas tous les obstacles systémiques. Si bien que notre système de santé, malmené, ne peut absolument pas profiter de l’expertise de ces médecins qualifiés.

Le gouvernement fédéral a récemment lancé un appel à propositions afin d’y remédier. Un effort significatif sera nécessaire pour intégrer les médecins formés à l’étranger au système de santé.

Nous proposons de

  1. Fournir des informations transparentes et claires sur les exigences requises avant l’immigration.
  2. Offrir un meilleur soutien en santé mentale à l’arrivée et pendant le processus d’obtention du permis d’exercer.
  3. Augmenter le nombre de postes de résidence et élargir la liste des spécialités médicales pour les médecins formés à l’étranger.

Simran Purewal, Research Associate, Health Sciences, Simon Fraser University; Evelyn Encalada Grez, Assistant Professor, Labour Studies, Simon Fraser University et Paola Ardiles, Senior Lecturer, Health Sciences, Simon Fraser University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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