Une barrière additionnelle pour les élèves allophones
La pandémie a amplifié le retard académique des élèves allophones, qui doivent déjà composer avec la barrière de la langue à laquelle s’ajoutent parfois des difficultés d’apprentissage. Le confinement et le port du masque n’ont pas arrangé un phénomène déjà constaté hors de la crise sanitaire.
En temps normal, les élèves issus de l’immigration qui ne parlent pas le français à l’extérieur de l’école ont un retard à rattraper à la rentrée scolaire.
«Ça se voit dans le vocabulaire manquant des élèves. Il va y avoir aussi un manque de compréhension orale», relate l’enseignante auprès d’élèves allophones à l’École Simonne-Monet, Lola Fredj.
Certains reviennent même en classe avec un accent qu’ils n’avaient pas avant les vacances d’été, ajoute-t-elle.
Les cinq mois de confinement ont amplifié le problème. «J’ai l’exemple d’une de mes élèves qui était en classe d’accueil l’année passée. Évidemment, elle n’a pas fini sa classe d’accueil. J’imagine qu’elle a fait ce qu’elle a pu, mais ce n’est clairement pas pareil qu’en mars», explique Mme Fredj.
Barrière du masque
L’enseignante souligne que le port du masque et de la visière rendent la compréhension encore plus difficile.
«C’est clair que c’est une barrière supplémentaire, déclare-t-elle. Ils nous entendent moins. On se retrouve à devoir hurler des fois.»
En plus d’étouffer le son, le masque cache les expressions faciales. «Souvent, les élèves non francophones vont essayer de nous comprendre à travers les mimiques. Ils vont voir si on est fâché, content ou surpris. Mais là, ils ne les voient pas», précise Mme Fredj.
Pénurie de personnel
Pour rattraper leur retard, les élèves allophones ont besoin de ressources supplémentaires, pensent les intervenants consultés par Métro.
Or, avec la pénurie de personnel généralisée sur l’île de Montréal, les services sont déjà limités, indique l’orthopédagogue Karyne Beaudoin, qui a d’ailleurs été affectée à l’enseignement pour répondre au manque de professeurs.
«Ce sont des élèves qui, malheureusement, vont être échappés, pense-t-elle. On les a laissés à eux-mêmes beaucoup trop longtemps. Et vu qu’il n’y a pas assez de services dans les [centres de services scolaires], ça fait en sorte que le clivage devient de plus en plus grand.»
Pour la présidente de l’Alliance des professeurs de Montréal, Catherine Beauvais-St-Pierre, la principale solution à la pénurie de personnel est d’améliorer les conditions de travail des enseignants, surtout ceux de la métropole.
«On le crie souvent qu’on a des spécificités à Montréal justement au niveau des élèves allophones, mais aussi des élèves défavorisés et ceux ayant des besoins particuliers, dit-elle. On a beaucoup d’élèves qui correspondent à un de ces environnements-là, ou même parfois aux trois en même temps.»
Avec un manque d’orthopédagogues, de psychoéducateurs et d’orthophonistes, la tâche devient encore plus lourde pour les enseignants.
«Cela fait qu’il y en a encore plus qui décident de changer de job», relate Mme Beauvais-St-Pierre.
Pistes de solutions
Selon Lola Fredj, il n’est jamais trop tard pour rattraper le retard, mais cela dépend énormément de la volonté de la famille et de la résilience de l’élève.
«À la rentrée, on a vu des élèves démotivés qui ont de la difficulté à revenir à la langue française. C’est triste parce que ces élèves n’ont pas nécessairement collaboré durant la pandémie et lors de l’école à distance.» – Karyne Beaudoin, orthopédagogue
Par exemple, des parents qui suivent des cours de français auront un impact positif sur l’enfant. «S’il voit que son parent fait l’effort, ça va rapidement être plus pertinent pour lui de faire l’effort», dit-elle.
Cependant, Mme Fredj sait que la majorité des parents nouvellement arrivés au Canada doivent travailler presque sept jours sur sept et n’ont pas toujours le temps.
«Mais je demande toujours que la télévision et la radio soient en français. Tout l’univers de l’élève doit être en français», explique-t-elle.