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Pour attirer du capital-risque, vaut-il mieux être une femme ou un homme?

Photo: Twitter/BDC_Capital

J’ai parlé à une experte canadienne du capital de risque, Michelle Scarborough, de passage à Montréal dans le cadre du Startup Fest, afin qu’elle m’explique les différences entre les femmes et les hommes lorsqu’on parle de financement et surtout pour savoir si les clichés sont vrais. Entrevue.

Est-ce que les femmes et les hommes financent leur entreprise de façon différente?
C’est une question difficile à laquelle je ne peux pas répondre facilement. Les femmes et les hommes apportent chacun leurs spécificités. Ça revient à créer des relations avec d’autres individus. Un investissement peut engendrer une relation de 10 ans, alors il vaut mieux apprécier l’autre personne et trouver de la valeur dans la relation. Un investisseur n’apporte pas que de l’argent, il apporte également son temps, son expertise, son réseau, du mentorat, etc. De ce point de vue, il n’y a pas de différence entre les femmes et les hommes.

«La vérité, c’est que l’investissement est basée sur les relations entre individus et on sait que les femmes sont bonnes en relationnel.» –Michelle Scarborough

Est-ce que les hommes ont tendance à investir dans les startups créées par des hommes et les femmes dans celles créées par des femmes?
Il n’y a pas de preuve, mais selon mon expérience et plusieurs études, si vous avez une femme dans l’équipe d’investissement d’un fonds de capital-risque, il y a de grandes chances pour qu’ils investissent dans une startup dont la PDG est une femme. Les études sont très récentes et il y a peu d’historique, c’est à garder en tête.

Est-ce que les femmes présentent leurs idées [pitch, en anglais] différemment des hommes?
Oui! Je généralise évidemment, mais elles donnent l’impression d’être beaucoup moins sûres d’elles que les hommes lorsqu’elles parlent de la valeur de leurs propositions et du rôle qu’elles jouent. Les hommes ont, en revanche, l’air plus confiants. Elles ont peut-être complètement confiance en elles, à l’intérieur, mais ce qu’elles projettent ne le montre pas autant que chez les hommes.

«Je généralise, mais les femmes donnent l’impression d’être beaucoup moins sûres d’elles que les hommes lorsqu’elles sont en présentation.»

Les femmes font-elles des prévisions financières plus conservatrices que les hommes?
Il y a plusieurs études qui montrent que les femmes ont tendance à être plus conservatrices que les hommes. Mais elles ont également tendance à calculer plus précisément comment elles vont atteindre leur but.

Vous avez travaillé aux États-Unis et au Canada en capital-risque, quelles sont les différences?
Il y a plus d’argent aux États-Unis! La masse critique y est plus grande et le marché plus compétitif. Les évaluations d’entreprises peuvent sembler colossales car il y a beaucoup de compétition. Tout le monde veut attraper la meilleure compagnie et les Américains vont se battre pour ça! Les Canadiens sont des personnes vraiment gentilles, non pas que les Américains ne le sont pas, mais les Américains sont plus agressifs dans leur approche du marché.

Les raisons expliquant le peu de femmes en capital-risque sont-elles les mêmes que celles expliquant le peu de femmes qui démarre des entreprises?
Je pense que c’est différent. Côté similarités, il y a de plus en plus de femmes intéressées par les STIM [sciences, technologie, informatique et mathématiques] et qui cherchent à faire financer leur startup ou à entrer en financement. Ça s’en va donc dans la bonne direction. Il n’y a jamais eu autant d’opportunités pour les femmes ni autant d’opportunités pour la diversité. Nous savons que la diversité joue un rôle majeur dans la performance et contribue à une culture d’entreprise saine. Il y a un momentum dans l’histoire; les gens sautent sur l’occasion et se font moins de soucis par rapport aux risques encourus.

En quoi est-ce un bon temps pour les femmes?
Les gens n’ont jamais été aussi informés qu’en ce moment et ça ne fait que s’améliorer. On veut également tendre vers la parité. On vit une révolution numérique, c’est une période charnière où plein d’individus veulent repousser les limites de notre société. Pour ces gens, tout est possible! C’est super de voir les femmes saisir le taureau par les cornes pour s’engager, bâtir et diriger de grandes entreprises.

Êtes-vous souvent la seule femme autour de la table?
Oh oui! Il y a 15 ans, lorsque j’étais entrepreneure, c’était déjà le cas. Je suis allée en capital de risque parce qu’un de mes investisseurs, lorsque j’ai vendu ma dernière compagnie, m’a offert de le rejoindre. Il m’a mentoré. J’ai été chanceuse de rencontrer quelqu’un qui s’est intéressé à moi et qui a vu mon potentiel. Il m’a appris tous les trucs du métier. Il y a cinq ou sept ans, on ne voyait pas vraiment de femmes en capital de risque, maintenant il y en a plusieurs dans le marché canadien et l’engouement n’a l’air que de commencer.

Quelles sont les tendances d’investissement du moment?
Il y a un besoin constant d’investissement au démarrage. Je vois également une tonne d’entreprises en intelligence artificielle, apprentissage profond, internet industriel. Le jeu vidéo connaît un sursaut et les technologies vertes sont également à la mode.

Pourquoi en faites-vous autant pour les femmes?
J’ai eu la chance d’être entourée par des personnes qui m’ont mentorée tôt dans ma carrière. Si je n’avais pas eu ça, je ne sais pas quelle direction j’aurais prise et je ne sais pas si j’avais été en capital de risque. Je connais en long, en large et en travers cette industrie et je ressens le besoin d’aider et de soutenir les autres. Je veux que ces femmes connaissent du succès! Il y a tant de femmes brillantes à travers le Canada qui ont bâti des entreprises fantastiques dont on ne parle jamais et leurs histoires sont incroyables.

«Je veux que les jeunes filles s’inspirent de nous et nous utilisent pour aller là où elles veulent aller sans avoir peur, parce qu’on n’avait certainement pas peur à l’époque. On ne pouvait pas se le permettre.»

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Michelle Scarborough est la directrice générale, Investissements stratégiques et femmes en technologie à la BDC Capital. Elle est également responsable de la gestion de l’investissement de 50 millions de dollars de la BDC dans les entreprises technologiques en démarrage dirigées par des femmes. Mme Scarborough s’occupe d’autres initiatives de soutien aux femmes en technologie tel que le Women’s Angel Network au Canada et est membre consultatif de Women in Energy and Private Equity. Elle a fondé plusieurs startups au cours de sa carrière.

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