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Audrey Durand: la chercheuse en intelligence artificielle à l’écoute des algorithmes

Audrey Durand est une chercheuse en apprentissage machine, une branche de l’intelligence artificielle, en post-doctorat au Reasoning and Learning Lab, à l’Université McGill. Son expertise? Développer des algorithmes toujours plus performants.

Sa thèse se base sur les algorithmes d’apprentissage par renforcement. Ces algorithmes tentent des actions et observent des rétroactions, qui sont des récompenses sous forme de chiffres. Les algorithmes cherchent à apprendre un comportement en maximisant ces récompenses. Le coeur de la thèse d’Audrey Durand est de comprendre ce fonctionnement dans différents contextes d’utilisation. Rencontre.

Comment tu t’es intéressée à ce domaine, alors qu’il y a si peu de femmes en apprentissage machine?
La clé est sûrement dans le fait que mes parents n’ont pas genré mon éducation. Mon entourage ne m’a jamais donné l’impression qu’il y avait une incohérence à me diriger dans ce secteur traditionnellement masculin.

Je vois cependant plein de raisons pour lesquelles une femme ne voudrait pas être dans ce domaine. Encore aujourd’hui, il y a plein d’hommes qui pensent que les femmes sont moins bonnes en informatique et en mathématique et qui ne voudront pas faire équipe avec elles, par exemple dans un cours.

Y a-t-il eu un événement qui t’a fait réaliser que tu voulais en faire ta carrière?
Je n’ai jamais vraiment eu de plan de carrière. Je me suis d’abord inscrite en baccalauréat en génie informatique, car j’aimais profondément ça, puis un professeur m’a proposé de faire une maîtrise. J’ai accepté un peu au hasard sans vraiment savoir à quoi m’attendre. Quand le professeur m’a ensuite proposé un doctorat, j’ai accepté. À la fin, je me demandais vraiment si j’allais me rendre en post-doctorat, mais finalement Joelle Pineau, ma co-directrice, [Note: Joelle Pineau est la directrice du laboratoire d’intelligence artificielle de Facebook à Montréal] m’a convaincue de le faire et j’ai accepté!

Tu crois beaucoup en l’application de l’apprentissage machine dans le domaine de la santé. As-tu des exemples?
L’apprentissage machine a un grand potentiel pour la santé: du test de médicaments en laboratoire à la prise de ceux-ci par des humains.
Durant ma thèse, j’ai étudié comment faire apprendre à un algorithme une politique évolutive de traitement d’un patient atteint du cancer. L’algorithme a fini par pouvoir indiquer qu’en intercalant chimiothérapie et phase de répit, il était alors mieux traité.

Un autre exemple, en lien avec l’ostéoporose: on cherchait à savoir si en étudiant la génétique d’une personne, on pouvait prédire comment elle allait se comporter face à certains tests destinés à détecter la maladie. Ces tests sont coûteux et invasifs. On voulait voir si en séquençant le génome, on pouvait remplacer le test. On a découvert qu’on pouvait!

J’ai aussi travaillé sur les algorithmes de bandit, qui permettent un paramètrage optimal des microscopes sans intervention humaine. Les neuroscientifiques ont par exemple besoin de prendre de bonnes images de cellules afin de bien voir leur structure.

Tu es très impliquée auprès de la communauté des femmes en apprentissage machine. Pourquoi est-ce important?
Il y a très peu de femmes en apprentissage machine, que ce soit dans le milieu académique, en recherche ou dans les entreprises. Ce domaine prend de plus en plus de place dans l’industrie. Dans le futur, il remplacera très probablement les humains dans la prise de décisions dans différentes sphères de nos vies comme la santé ou le droit. Tout d’abord, si les algorithmes sont tous élaborés par des hommes blancs, on va se retrouver avec les biais de leurs créateurs, ce qui finira par transparaître dans leurs applications.

Ensuite, il s’agit d’un secteur payant qui fournit d’excellentes conditions de travail. Il est donc souhaitable d’avoir plus d’égalité des genres afin pour que ces emplois ne soient pas seulement réserver aux hommes.

Enfin, on sait que c’est le conditionnement social qui nous fait choisir un métier, et non pas les compétences. On a besoin de cerveaux brillants dans l’industrie et les femmes le sont.

Audrey Durand organise l’atelier de Femmes en apprentissage machine pendant la conférence internationale en intelligence artificielle: NIPS qui se tiendra à Montréal en décembre prochain.

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