Thérapies de conversion: «L’ignorance de la loi n’est pas une excuse»
À la suite de l’enquête de Métro sur les thérapies de conversion illégales à Montréal, des prêcheurs ont justifié leurs pratiques en expliquant ne pas avoir été mis au courant de la loi les interdisant, ou ont fait valoir leur droit d’exprimer leurs croyances religieuses. Or, «l’ignorance de la loi n’est pas une excuse», rappelle le ministre canadien de la Justice, David Lametti.
Quant à la liberté de religion, l’interdiction des thérapies de conversion ne porte pas sur «ce que les gens pensent, ce que les gens disent ou ce en quoi ils croient», souligne le ministre.
«Il y a une différence claire entre une thérapie de conversion et une conversation entre deux adultes qui expriment leurs croyances personnelles sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre», nuance-t-il.
M. Lametti fait valoir que les thérapies de conversion «forcent spécifiquement leur victime à devenir hétérosexuelle ou cisgenre». Ces pratiques «sont depuis longtemps discréditées par la profession médicale [et considérées] comme immorales et causant des traumatismes qui durent toute une vie. Leur interdiction ne régule pas ce que les gens pensent, ce qu’ils disent, ce qu’ils croient. [Les lois] empêchent toutefois des individus de faire subir aux autres une pratique cruelle, conçue pour changer qui ils sont».
«La liberté de religion n’a pas préséance sur des actions discriminatoires», estime aussi Karina Montminy, conseillère juridique à la direction de la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).
«Elles doivent cesser immédiatement»
En 2020, lors de l’adoption du projet de loi 70 par l’Assemblée nationale du Québec, qui bannissait les thérapies de conversion, le ministre de la Justice de la province, Simon Jolin-Barrette, avait déposé un Plan d’action pour prévenir et contrer les thérapies de conversion.
«Soit le ministère de la Justice n’a pas fait son travail, soit il l’a fait, puis les églises ont décidé de passer par-dessus et de faire comme si ça n’existait pas», juge la porte-parole de Québec solidaire Manon Massé.
«La loi est claire et doit être respectée par tous, dit quant à lui le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay. Nous ne pouvons pas permettre que la discrimination et le non-respect de la dignité humaine se cachent en toute impunité.» La porte-parole du parti pour la communauté 2SLGBTQIA+, Jennifer Maccarone, a également publié un gazouillis à ce sujet.
Questionnée par Métro, la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, indique que la campagne de sensibilisation sur la question des thérapies de conversion diffusée présentement par le gouvernement sur Internet et à la radio vise à rejoindre le plus grand public possible, incluant les églises et lieux de culte.
«Les révélations sur les thérapies de conversion me troublent, dit la ministre. Ces églises et organisations sont rusées et utilisent toutes sortes de subterfuges pour arriver à leurs fins. Les thérapies de conversion sont une pratique barbare, inutile et dangereuse.»
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a pour sa part réitéré que son administration était «déterminée à agir à tous les niveaux pour combattre toutes les formes de discrimination».
C’est inacceptable que ces activités se déroulent à Montréal et elles doivent cesser immédiatement.
Valérie Plante, mairesse de Montréal
À la lumière des informations révélées par l’enquête de Métro, la porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, réitère vouloir amender la loi pour «retirer aux églises les privilèges qu’ils ont de ne pas payer d’impôts et d’impôts fonciers».
Pas juste un problème de religion
Le chargé de programmes à la Fondation Émergence, Julien Rougerie, rappelle que ce ne sont pas seulement les institutions chrétiennes et religieuses qui peuvent tenter de soumettre quelqu’un à une thérapie de conversion.
Selon lui, on n’a pas suffisamment parlé de ces lois, relativement nouvelles au pays et dans la province.
D’ailleurs, dans l’imaginaire populaire, les gens «parlent beaucoup de lobotomie et d’exorcisme», mais le concept de thérapie de conversion «sort largement du domaine religieux», dit-il. Des thérapeutes, psychologues, intervenants communautaires ou psychosociaux peuvent également commettre ce crime.
Un psychologue qui tente de décourager quelqu’un de s’épanouir dans son orientation sexuelle, on pourrait comprendre que c’est une thérapie de conversion, selon la loi actuelle.
Julien Rougerie, chargé de programmes à la Fondation Émergence
M. Rougerie décrit la loi criminalisant les thérapies de conversion comme étant «très inclusive», puisqu’elle concerne autant les personnes mineures que majeures, et même les personnes qui consentent à subir ce type de «thérapie». Tenter de changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de quelqu’un est tout bonnement illégal, fait valoir le chargé de projet.
Avec Quentin Dufranne.