Canadien en crise d’autorité
Plusieurs jours avec pas de match de Canadien laissent beaucoup de temps libre à l’amateur de Canadien pour faire toutes sortes de choses.
Pour ma part, c’est toujours l’occasion de m’adonner plus longuement qu’à l’habitude à mon loisir préféré: relire mes ouvrages de philosophie lus à l’époque du cégep.
Cette fois-ci, je pense pouvoir montrer du doigt, même si ce n’est pas poli dit-on, le problème principal de Canadien. Il s’agit d’une crise d’autorité.
Autrement dit, c’est que l’autorité, un peu comme la rondelle sur la palette de Max Pacioretty lors d’une entrée en zone adverse, a eu tendance à se perdre en chemin plus souvent qu’à son tour au cours des dernières années. Pourquoi? Eh bien, parce que.
Voyez-vous, c’est qu’on n’est plus à l’époque des sociétés traditionnelles, ou disons, à l’époque de Maurice Richard, où l’autorité tirait sa source de l’attachement au passé et du respect de la tradition avec, comme pression potentielle ultime, la punition de passer sa vie éternelle dans l’enfer du mal, dirait Jean Perron.
On n’est plus à l’ère de la modernité non plus, où l’autorité tirait sa source de la raison ou des grands principes philosophiques.
En fait, en y pensant bien comme il faut, je pense que Canadien a sauté directement de la société traditionnelle à la société post-moderne en ce qui concerne l’autorité.
En effet, aujourd’hui, quand on entend de la bouche du coach que ses joueurs ne se sont pas présentés pendant 60 minutes, ou encore qu’ils n’ont pas respecté le plan de match, eh bien, c’est l’illustration parfaite qu’ils ont une conception post-moderne de l’autorité.
Autrement dit, ils trouvent la source de l’autorité en eux-mêmes : si ça leur tente pas de jouer, eh ben, de la marde, y jouent pas (bien).
Et ne pensez pas que la solution pour un retour en force de l’autorité chez Canadien passe par la violence, comme l’a fait récemment le coach du Calgary, Glen Gulutzan, en débaievitrant une baie vitrée avec son bâton à l’entraînement.
Car comme l’écrivait la philosophe Hannah Arendt en 1958 dans son texte Qu’est-ce que l’autorité, «là où la force est employée, l’autorité proprement dite a échoué».
Même chose lorsque vous entendez Claude Julien dire qu’il a discuté de temps de glace avec un joueur. Arendt disait que «là où on a recours à des arguments, l’autorité est laissée de côté».
Autrement dit, on ne discute pas de l’autorité. On la respecte. Sinon, on est dans la mollesse.
En fait, l’autorité, c’est le pouvoir qui élève son jeu d’un cran et qui permet à celui qui le détient d’agir sur un groupe sans que ce groupe réagisse sur lui, même s’il est capable de le faire, écrivait le philosophe Alexandre Kojève.
Conséquemment, je serai le premier à l’écrire : faut virer Julien.