L’activité physique peut-elle renforcer notre résilience face au réchauffement climatique?
Les changements climatiques, la forte prévalence des maladies chroniques et les niveaux alarmants d’inactivité physique sont trois enjeux centraux du XXIe siècle.
L’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité des vagues de chaleur est l’un des constats indéniables des changements climatiques déjà bien amorcés. D’ici la fin du siècle, entre la moitié et les trois quarts de la population mondiale seront exposés à une chaleur mortelle pendant plus de 20 jours par an, selon les divers scénarios climatiques. Et le Québec, lui, ne sera pas épargné.
Les impacts futurs des épisodes de chaleur extrême dépendront de l’ampleur des changements climatiques, mais aussi de notre capacité d’adaptation en devenant moins sensibles et vulnérables à la chaleur, et donc plus résilients. Chercheurs en sciences de l’activité physique et en physiologie environnementale, nous évaluons comment l’adoption d’un mode de vie actif peut permettre d’être mieux équipé pour faire face à la hausse des températures mondiales.
De quels mécanismes l’Humain dispose-t-il pour combattre la chaleur ?
Lorsqu’il est exposé à la chaleur, l’organisme déploie plusieurs réponses pour tenter de la dissiper. La première est consciente et dépend de décisions comportementales que nous prenons pour minimiser l’exposition, comme chercher un endroit frais, allumer un ventilateur ou réduire notre activité physique.
Dans un second temps, si ces stratégies ne sont pas suffisantes, le cerveau active des réponses physiologiques qui sont, elles, hors de notre contrôle ; les vaisseaux sanguins de la peau se dilatent pour y augmenter l’apport de sang et les glandes sudoripares accroissent leur activité pour excréter plus de sueur.
Il n’est donc pas surprenant que tout facteur qui affecte ces réponses puisse altérer la capacité de l’organisme à réagir adéquatement lors d’une exposition à la chaleur.
Quels sont les groupes vulnérables ?
Bien que la chaleur nous affecte tous, les données probantes démontrent que certains groupes de personnes y sont plus sensibles, ce qui augmente leur vulnérabilité.
Plusieurs facteurs individuels tels que l’âge, les problèmes de santé préexistants comme les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2, la prise de certains médicaments (anticholinergiques, β-bloquants, antidépresseurs, diurétiques parmi d’autres), le surpoids et l’obésité, de faibles capacités fonctionnelles et cognitives et une faible capacité cardiorespiratoire sont tous associés à une tolérance à la chaleur réduite et à un plus grand risque de développer des problèmes de santé liés à la chaleur. Cela se traduit dans les chiffres de santé publique puisque ces facteurs sont associés à une augmentation du risque d’hospitalisation ou de décès lors d’un événement de chaleur extrême.
Ce constat s’explique par le fait que plusieurs de ces conditions sont associées à :
- d’un côté, des capacités de dissipation de la chaleur, volontaires et autonomes, qui sont réduites, ce qui augmente le stress imposé à l’organisme ;
- de l’autre, un potentiel physiologique diminué, ce qui réduit la capacité de l’organisme à y faire face.
Ensemble, ces deux conditions augmentent la probabilité que le stress placé sur l’organisme atteigne et dépasse le potentiel physiologique de ce même organisme, ce qui augmente le risque de développer des problèmes de santé liés à la chaleur.
Comment une pratique régulière d’activité physique peut-elle améliorer la résilience à la chaleur ?
Il est intéressant de noter que parmi les nombreux facteurs de risque de développer des problèmes de santé liés à la chaleur, plusieurs peuvent être évités en adoptant un mode de vie sain et actif. En effet, une pratique d’activité physique régulière au cours de la vie pourrait permettre d’être mieux équipé pour faire face à la hausse des températures mondiales :
- En entraînant plusieurs adaptations physiologiques qui augmentent les capacités de dissipation de la chaleur (hausse de la production de sueur) ainsi que le potentiel physiologique de l’organisme (hausse de la réserve cardiovasculaire), ce qui augmente la tolérance à la chaleur et aide à répondre aux exigences accrues imposées au système cardiovasculaire lors d’un stress thermique ;
- En limitant le déclin de la capacité cardiorespiratoire et des fonctions thermorégulatrices associé à l’obésité, aux maladies chroniques et à la prise de certains médicaments. La pratique régulière d’activité physique peut également contribuer à limiter le déclin cognitif et fonctionnel, permettant aux individus de maintenir leur autonomie, un facteur de protection important face à la chaleur ;
- En ralentissant le déclin de la fonction cardiovasculaire et des fonctions thermorégulatrices inhérent au vieillissement ;
- En contribuant à un meilleur bien-être mental, qui pourrait aider à faire face au stress associé aux épisodes de chaleur extrême.
L’activité physique pourrait donc avoir une contribution importante dans l’adaptation à la hausse des températures mondiales, augmentant notre résilience individuelle et communautaire.
Toutefois, il est important de constater que plusieurs autres facteurs de risques ne sont pas directement modifiables par un mode de vie sain et actif, incluant certains troubles de santé mentale, un faible statut socioéconomique, un accès limité à des endroits frais ou climatisés, parmi d’autres. Il est également bien établi que les personnes qui effectuent des activités physiques intenses à modérées lors des épisodes de chaleur sont plus à risque de développer des problèmes de santé liés à la chaleur (travailleurs agricoles, construction, restauration, etc.).
La prochaine génération est-elle suffisamment équipée pour répondre à ce défi ?
Au Canada, la prévalence de l’obésité chez les 5-17 ans a presque triplée dans les 30 dernières années. Actuellement, plus de 9 jeunes sur 10 n’atteignent pas les directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures. Ce constat est mondial.
Au Québec, les récents chiffres dressent un portrait plus qu’alarmant : une diminution de 15 % de la capacité cardiorespiratoire et de 30 % de la capacité fonctionnelle des jeunes comparativement à leurs aînés qui avaient effectué les mêmes tests dans les années 1980. Pire, les chercheurs ont observé que chez les 15-17 ans, 6 garçons sur 10 et 7 filles sur 10 ont une capacité cardiorespiratoire qui les exposent à des problèmes de santé cardiométabolique dans le futur.
De telles tendances suggèrent que les jeunes d’aujourd’hui pourraient être de moins en moins équipés pour tolérer la chaleur, alors qu’ils y seront de plus en plus exposés. Du point de vue de la santé publique, ce constat est alarmant. En maintenant une activité physique régulière et une condition physique adéquate tout au long de leur vie, ils pourraient être mieux équipés pour relever ces défis.
Thomas Deshayes, Chercheur postdoctoral en sciences de l’activité physique, Université de Montréal and Julien Periard, Research professor, University of Canberra.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.