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Le grand Jean Béliveau s’est éteint

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MONTRÉAL – Le Canadien est endeuillé par la perte d’un des meilleurs joueurs de son histoire et de son plus fidèle ambassadeur, Jean Béliveau, qui est décédé mardi.

Il venait de célébrer son 83e anniversaire le 31 août.

C’est un véritable pan de mur de la glorieuse histoire de la formation qui vient de s’écrouler, le plus grand depuis la mort de Maurice Richard, le 27 mai 2000.

En plus de millions d’amateurs de hockey du Québec et de partout au Canada, il laisse dans le deuil son épouse Élise Légaré-Couture, sa fille Hélène et ses petites-filles Mylène et Magalie.

«Tous les membres de l’organisation sont profondément peinés et touchés par le décès de M. Jean Béliveau, a dit le président du Canadien Geoff Molson, par communiqué. Comme les millions d’amateurs de hockey qui ont suivi la vie et la carrière de ce grand homme, le Club de hockey Canadien pleure le départ d’un homme dont la contribution au développement de notre sport et de notre société a été immense. M. Béliveau était un grand leader, un gentilhomme sans pareil et sans contredit le plus grand ambassadeur que le hockey ait connu.»

«Jean Béliveau a fait partie de la grande famille des Canadiens pendant six décennies, a t-il poursuivi. L’organisation des Canadiens apportera tout le soutien nécessaire aux membres de l’entourage de Jean Béliveau en ces moments extrêmement difficiles, et avons accepté, avec leur accord, de prendre en charge les cérémonies qui se dérouleront au cours des prochains jours. Au nom de la famille Molson, et de tous les membres de l’organisation du Club de hockey Canadien, j’offre mes plus sincères sympathies à son épouse Élise, sa fille Hélène, ainsi qu’à ses deux petites filles Mylène et Magalie.»

L’attaquant Brandon Prust a été l’un des premiers à réagir sur Twitter, mardi soir.

«Une vraie légende nous a quittés, a t-il écrit en offrant ses condoléances. Je suis honoré de porter les mêmes couleurs qu’il a représentées.»

La LNH lui a consacré un long texte sur son site Internet, accompagné d’un court vidéo montrant quelques-uns des faits saillants de sa lumineuse carrière.

Sur les ondes de RDS, Réjean Houle a parlé de Béliveau comme ayant été «une personne hors norme, un super monsieur, un gentilhomme exceptionnel.»

«Il pouvait tout faire sur la patinoire, et il a été l’un de ceux qui a le mieux représenté le Canadien. Il a été une personne inspirante. Nous avons perdu un homme exceptionnel», a dit Houle, qui préside l’Association des Anciens Canadiens.

Avant que son état de santé ne se détériore au cours de la dernière année, Béliveau était très présent dans l’entourage de l’équipe même depuis qu’il avait quitté son poste d’administrateur en 1993, à l’âge de 63 ans. Il aura été associé à l’organisation pendant près de 60 ans.

Béliveau, qui demeurait à Longueuil, sur la rive-sud de Montréal, a été éprouvé par la maladie au cours des 18 dernières années, à la suite de son hospitalisation pour un malaise cardiaque en 1996. En 2000, presque au même moment où Maurice Richard est décédé, on lui avait détecté une tumeur maligne au cou. Après quelques mois de traitement, il venait à bout de cette maladie.

À l’âge de 77 ans, en décembre 2008, il avait été hospitalisé en raison d’un malaise attribué à une chute de pression, alors qu’il assistait aux funérailles de l’ex-prêtre Paul-Émile Aquin, un de ses amis.

Dernièrement, en janvier 2010, il a été victime d’un léger accident vasculaire cérébral (AVC). Il en a subi un autre un peu plus de deux ans plus tard, en février 2012.

De Victo à Québec

Né le 31 août 1931 à Trois-Rivières, Jean Arthur Béliveau était l’aîné d’une modeste famille de sept enfants. Il a passé la majeure partie de son enfance à Victoriaville, où il a fait ses débuts au hockey organisé vers l’âge de 12 ans.

Après avoir passé une saison avec les Tigres juniors de Victoriaville en 1948, Béliveau a poursuivi sa carrière à Québec, d’abord avec les Citadelles de la Ligue junior, puis ensuite avec les As de la Ligue senior du Québec.

Sa décision de jouer avec les As pendant deux ans, plutôt que d’accepter l’offre du Canadien de Montréal, a fait grandement jaser à l’époque. Craignant de s’expatrier à Montréal, il se sentait plus à l’aise à Québec, où l’équipe et les amateurs ont réservé un traitement royal à celui qu’on appelait affectueusement le « Gros Bill ».

C’est d’ailleurs dans la Vieille Capitale qu’il a rencontré celle qui allait devenir son épouse le 27 juin 1953, Élise.

À sa deuxième saison là-bas, les As lui ont consenti un salaire de 20 000 $. Il était le hockeyeur amateur le mieux payé et il gagnait plus d’argent que la majorité des joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Le grand saut

Le Canadien et son directeur général Frank Selke tenaient tellement à obtenir ses services qu’ils sont devenus propriétaires de la Ligue senior simplement afin d’obtenir les droits de négocier avec Béliveau.

En 1953, à l’âge de 22 ans, Béliveau accepte finalement de faire le saut chez le Tricolore, en apposant son nom au bas d’un contrat de 105 000 $ pour cinq ans.

Déjà, à ce moment, sa santé préoccupait la direction de l’équipe, parce que l’examen médical très poussé qu’on lui a fait subir à la signature du contrat démontrait une « anomalie » cardiaque.

Le médecin avait écrit dans son rapport: «Il a un moteur d’Austin dans un châssis de Cadillac». Tout au long de sa carrière de 18 ans dans la LNH, Béliveau n’a été que légèrement incommodé par ce problème d’arythmie cardiaque.

À preuve son éloquente fiche de 507 buts et 712 passes pour un total de 1219 points en 1125 matchs en saison régulière. Il a aussi ajouté 79 buts et 97 aides pour 176 points en 162 rencontres des séries éliminatoires pour remporter la coupe Stanley à 10 reprises.

Patineur rapide malgré les apparences en raison de sa grande taille (six pieds trois pouces), manieur de bâton exceptionnel et extraordinaire fabricant de jeu, il pouvait aussi bien préparer la table ou enfiler lui-même l’aiguille.

Un des trois marqueurs de 500 buts ou plus de l’histoire du club, en compagnie de Maurice Richard et de Guy Lafleur, Béliveau a fait partie des éditions du Tricolore qui ont remporté la coupe à cinq reprises d’affilée entre les années 1956 et 1960 _ un record de la LNH.

Il se considère choyé d’avoir fait partie de «la meilleure équipe de toute l’histoire du hockey, l’édition 1957-58 du Canadien», comme il le déclarait dans son livre autobiographique paru en 1994.

En 1955-56, las d’être pris à partie par ses rivaux, Béliveau a décidé de répliquer aux coups et il a récolté 143 minutes de punition _ un record d’équipe à l’époque. Cela ne l’a pas empêché de remporter les trophées Art-Ross (meilleur marqueur) et Hart (joueur le plus utile).

La rançon de la gloire

Béliveau a connu la rançon de la gloire, étant la cible de critiques des médias, particulièrement lors de son règne de 10 saisons comme capitaine de 1961 jusqu’à sa retraite en 1971 _ le plus long règne de l’histoire de l’équipe, à égalité avec celui de Saku Koivu.

Sous son leadership, le bleu-blanc-rouge a ajouté cinq autres conquêtes de la coupe à son palmarès, Béliveau étant récompensé sur le plan individuel par l’obtention d’un deuxième trophée Hart en 1963-1964. En 1964-1965, il fut le premier récipiendaire du nouveau trophée créé afin de récompenser le joueur le plus utile des séries éliminatoires, le Conn-Smythe.

Après avoir mis la touche finale à sa carrière en sabrant le champagne d’un 10e championnat en 1971, Béliveau a vu son numéro quatre être retiré par l’équipe dès le mois d’octobre suivant. Le Temple de la renommée a fait fi de la période d’attente habituelle de trois ans et on l’y a immortalisé dès 1972.

Au moment de se retirer, Béliveau était le meneur du CH dans presque toutes les catégories à l’attaque. Près de 40 ans plus tard, son nom trône encore au sommet de quelques-unes d’entre elles.

Après-carrière

Après avoir accroché ses patins, il est demeuré à l’emploi de l’équipe à titre de vice-président principal aux affaires sociales, un poste qu’il a occupé durant 22 ans. Même à la retraite, il est demeuré le plus loyal ambassadeur de l’organisation. Et il se faisait un devoir d’assister aux matchs de l’équipe à domicile, malgré sa santé fragilisée.

Au-delà des souvenirs et des images d’époque, il a été immortalisé avec deux statues le représentant: une au Colisée portant son nom, à Longueuil, et l’autre à la Place du Centenaire, aux abords du Centre Bell.

Gentilhomme fort respecté, l’élégance incarnée tant sur patins qu’en veston-cravate, Béliveau a consacré beaucoup de son temps aux oeuvres caritatives, venant principalement en aide aux enfants et aux plus démunis. Les apparitions publiques qu’il a effectuées, notamment au nom de la Fondation du Canadien pour l’enfance, se comptent par centaines.

Fédéraliste avoué, Béliveau, qui a été fait officier de l’Ordre du Canada en 1969 en plus de se voir décorer de plusieurs autres titres honorifiques, n’a jamais fait le saut en politique malgré les offres reçues.

Les anciens premiers ministres du Canada, Brian Mulroney et Jean Chrétien, lui ont proposé, respectivement, de siéger au Sénat et d’occuper le poste de gouverneur général.

«Je suis d’abord et avant tout un Canadien avec un CH majuscule», avait-il l’habitude de répondre quand on abordait le sujet.

En 2006, le Canadien a organisé une fête grandiose afin de célébrer son 75e anniversaire de naissance au Centre Bell.

En 2009, il a participé à de nombreuses activités marquant le centenaire de l’équipe. Pour la première fois, il a joué un rôle au grand écran dans le film «Pour toujours les Canadiens».

Béliveau avait reçu une autre preuve d’affection de la part du public montréalais, le 4 décembre, à l’occasion de la cérémonie de clôture des festivités.

En 2010, Hockey Canada l’a désigné capitaine honoraire de l’équipe olympique canadienne de hockey en vue des Jeux de Vancouver. Il n’avait pas pu assister au tournoi en raison du premier AVC qu’il a subi. Dix mois plus tard, on lui a remis la bague commémorative du triomphe d’Équipe Canada.

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