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Internet nous rend-il cons?

À force de chercher tout et n’importe quoi sur l’internet, à l’aide de Google, Wikipédia et compagnie, notre cerveau se ramollit-il? Perdons-nous notre capacité à mémoriser des informations, à apprendre par nous-mêmes, à la sueur de notre front, par essais et erreurs?

Une étude récente, menée par la psychologue américaine Betsy Sparrow de l’Université Columbia, démontre que Google ne nous rend pas moins intelligents. Notre intelligence semble toutefois s’acclimater aux nouvelles technologies. En effet, plutôt que de retenir une information en soi, nous retenons l’endroit où la trouver.

Aujourd’hui, l’internet est omniprésent et omniscient. Au 31 mars 2011, quelque 2,1 milliards de personnes étaient branchées, ce qui représente une augmentation de 480 % par rapport à 2000. Google est le site le plus visité sur la planète. Facebook, quant à lui, compte plus de 600 millions d’utilisateurs. En moyenne, les gens passent l’équivalent d’une journée par mois à surfer sur le web.

Quel est donc l’impact de cette consommation numérique astronomique sur nos méninges? Voyons ce qu’en pensent nos panélistes?

  • Carl Charest: spécialiste en nouvelles technologies

La question en soi est un peu extrême. Je ne crois pas que l’internet rend nécessairement con, mais je crois toutefois qu’il rend moins débrouillard. En fait, Google nous rend moins débrouillards, mais stimule notre intelligence par d’autres aspects.

Par exemple, nos téléphones ou nos boîtes courriel nous permettent de stocker les adresses électroniques ou les numéros de téléphone que l’on aurait appris par cœur avant. Donc, ça nous laisse de la place pour nous rappeler des choses que notre mémoire n’aurait peut-être pas pu stocker si elle avait été occupée par d’autres détails.

Avant, on allait chercher nos informations à la bibliothèque, on questionnait des amis, on se questionnait sur la pertinence de poser des questions. Aujourd’hui, on n’a qu’à taper dans Google pour avoir les réponses à nos questions. Ça rend paresseux.

Et ça rend dépendant. J’étais en vacances en Italie dernièrement. Je n’avais pas accès à mon téléphone intelligent et j’étais perdu. Arrivé à l’hôtel, il fallait que je me paie une connexion internet à 8 € pour aller chercher sur Wikipedia les détails de ce que j’avais vu dans la journée. Je ne me rappelais pas de ce que j’avais appris dans mes cours d’histoire. Il y a donc ce phénomène du «Je n’ai plus à me rappeler de ça puisque Google va me répondre en tout temps» qui entre en compte.

 Et ça sera pire pour les jeunes qui ont toujours connu l’internet; ils ne comprendront pas l’utilité de mémoriser des choses par cœur puisque Google est là. Ça sert à quoi d’apprendre des formules mathématiques quand on a qu’à trouver le bon terme de recherche? 

À force de pousser de plus en plus notre cerveau à la paresse, peut-être qu’à un moment donné, l’homme prendra des raccourcis qui deviendront beaucoup plus dangereux. On ne sait pas jusqu’où notre pendant pour la paresse nous mènera.


  • François-Étienne Paré: animateur de l’émission Les Nerdz, à Ztélé

Bien sûr que oui. Et bien sûr que non. Alors oui, l’internet rend con dans le sens où il y a beaucoup de niaiseries sur la Toile et on se gave de ces niaiseries-là. Ça met aussi un peu notre cerveau à off. Beaucoup de gens oublient de réfléchir parce qu’ils ont accès à l’internet.

Donc, on n’a plus à utiliser notre mémoire et à la garder entraînée. On n’a pas à réfléchir tant que ça. Moi, il m’arrive souvent de me dire que je n’ai pas à retenir telle information parce que je sais exactement où la trouver sur l’internet. À la longue, on devient paresseux intellectuellement.

Je trouve aussi qu’on se fie beaucoup à l’internet comme source crédible et ce n,est pas toujours le cas. Il y a beaucoup d’informations, mais il y a aussi beaucoup de niaiseries sur lesquelles on perd beaucoup de temps. On se retrouve souvent, en cherchant quelque chose de simple, à regarder, trois heures après, une vidéo de petits chats. Alors oui, ça rend un peu idiot.

Une autre chose déplorable avec l’internet : les diagnostics médicaux. À ne pas faire! Avec ça, on peut virer idiot, voire fou. Il faudrait réglementer ça parce que bien des gens se trouvent des maladies alors qu’ils ne souffrent de rien. C’est un aspect de l’internet qui fait de nous des victimes de l’information diffusée.

En même temps, il y a beaucoup d’informations justes. Je trouve que l’internet a révolutionné la façon de communiquer. Personnellement, si Google offrait une puce intégrée sous-cutanée, je la prendrais, parce que je trouve ça tellement efficace. La vitesse à laquelle l’information nous est transmise nous rend plus efficaces dans nos recherches et dans nos réflexions. Alors, si on est rigoureux, on peut rester bien informé.


  • Serge Proulx: professeur titulaire à l’École des médias de l’UQAM

La question me rappelle le titre d’un numéro de la revue Books lu l’an dernier. En tapant la phrase «Internet rend-il bête?» dans mon moteur de recherche, j’ai obtenu près de 2 950 000 résultats en 18 centièmes de seconde. Nous voilà devant un premier constat intéressant : l’internet nous place devant des montagnes d’informations.

La question centrale est : comment faire pour choisir, dans toute cette masse de messages, l’information qui convient, l’information qui répondra à ma question? Encore faut-il avoir une question… Beaucoup de découvertes sur l’internet se font en effet à travers des activités d’exploration qui se déroulent au hasard des hyperliens rencontrés sur la route de l’internaute.

Des amis, des proches, des parents, des journalistes, des enseignants peuvent agir comme des mentors pour guider les internautes, par exemple vers des communautés intéressées par des questions d’intérêt commun. Je pense par exemple à des femmes en France réunies depuis plusieurs années autour du thème de la naissance. Leurs échanges ont permis à ces femmes d’apprendre collectivement plein d’infos et de trucs sur l’accouchement, la manière de soigner les bébés, etc.

Autre exemple : des parents d’enfants autistes échangent depuis plusieurs années en ligne à propos des comportements de leurs enfants. Cela leur a permis de se rendre compte collectivement que les diagnostics des psychiatres et psychanalystes n’étaient pas nécessairement les plus justes.

Ces parents se sont réunis dans des lieux physiques, hors de l’internet, pour discuter des possibilités d’intervenir concrètement adans les politiques concernant la gestion sociale de l’autisme. On voit comment l’internet, bien utilisé, peut contribuer à donner du pouvoir à des groupes d’individus jusque-là privés d’une capacité d’agir politiquement.

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