Le choix des dépités
Savez-vous pour qui vous allez voter aux prochaines élections? Non? Eh ben, moi, je le sais! Vous allez voter CONTRE! Tout simplement. Parce que c’est comme ça que ça se passe désormais: on ne vote plus pour un parti ou un candidat. On vote contre celui ou celle qu’on ne veut pas voir là. Notre arène électorale est devenue ni plus ni moins qu’une palestre où on règle des comptes. Et rien d’autre. Vous ne me croyez pas?
Le 1er octobre prochain, regardez-vous bien aller. Vous allez voter contre le gouvernement libéral. Contre la montée de la CAQ, contre le squelette du Parti québécois, contre les pelleteux de nuages de Québec solidaire. Les qualificatifs ne sont pas de moi, je les ai maintes fois entendus depuis deux semaines.
Voter contre, c’est voter par dépit. En choisissant celui qui nous semble le moindre mal. Tout le contraire du vote enthousiaste. Vous, ça fait combien de temps que vous avez inscrit un «X» sur votre bulletin en étant pleinement convaincu de votre choix? Que vous avez éprouvé un réel sentiment d’appartenance envers une formation politique? Que vous avez vraiment sincèrement adhéré à un projet, à une vision? Ça doit remonter aux années du bipartisme. Quand tout était probablement trop simple. Parce que l’exercice électoral ne nous laissait aucune autre option que d’avoir une perception manichéenne de la chose. Ton choix, tu le faisais entre le bien et le mal, point. Maurice Duplessis avait très bien compris ça. Pour lui, la proposition était claire: le ciel était bleu et l’enfer était rouge. Le choix appartenait à l’électeur…
Plus tard, quand l’Union nationale a perdu son bleu au profit du PQ, la même dynamique est demeurée. Entre les libéraux et les péquistes, la ligne était claire, la frontière infranchissable. Tu étais pour un, donc, contre l’autre.
Étonnamment, en ayant désormais plus d’options, il est pensable d’être contre tout le monde en même temps, sans réellement éprouver de préférence pour qui que ce soit. Quand même bizarre d’en être rendu là, quand on y pense. Comme si la nuance avait noyé toute partisanerie.
Autour de moi, il n’y a que des orphelins de parti. Ce groupe est devenu majoritaire. J’en suis. D’ailleurs, ça fait plus de 20 ans que je ne fais que «prêter» mon vote à chaque élection. J’y vais par dépit, sans aucune conviction. Puisque A, B et C ne méritent pas ma confiance, j’y vais pour D en me bouchant le nez. Je déteste ça et ça me fait «filer» cheap même si ce n’est pas vraiment de ma faute.
Question obligée: l’électeur moyen est-il le seul responsable de cette panne de parti pris? Pas du tout. Il n’y a qu’à voir comment les différents partis recrutent désormais leurs candidats et candidates vedettes. On ne recherche plus des adhérents au programme ni des endosseurs d’idéologie. Ce qu’on chasse, ce sont des gagnants potentiels, point à la ligne.
La dernière séance de «magasinage» de la décidément fort convoitée Gertrude Bourdon nous l’a cruellement rappelé. Les partis cherchaient une winner et elle, en bon agent libre, est allée là où l’offre lui semblait la meilleure. Comme dans les sports professionnels. Pareil. Avec une attitude de mercenaire qui se fout de tout sauf de ses propres besoins. Édifiant.
Après ça, ne vous demandez pas pourquoi vous ne vibrez plus quand vous vous retrouvez avec votre petit crayon dans l’isoloir; il n’y a vraiment pas de quoi s’énerver.
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À peine cinq mois après son élection de 2014, le député caquiste Christian Dubé a abandonné son siège de député de Lévis pour accepter une grosse job à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Dimanche, on nous a annoncé qu’il allait reprendre du service afin de remplacer «l’illustre» Stéphane Le Bouyonnec, qui s’est autoexclu de la course dans la circonscription de La Prairie.
Preux sauveteur de la cause et homme de principe, M. Dubé s’est «solennellement» engagé à terminer son mandat si les électeurs lui faisaient confiance le 1er octobre prochain.
Tant de droiture a de quoi impressionner…