Des mardis à la croisée des arts
Plusieurs mardis par année, le centre d’art Arsenal art contemporain Montréal engage la conversation avec des artistes de tous les horizons dans ses vastes galeries. La semaine prochaine, ce sera au tour de la musicienne Joannie Labelle et son projet électro Bea Box de se prêter au jeu.
Dès les premières moutures des Mardis Culturels, Joannie Labelle rêvait de donner un concert parmi les œuvres monumentales exposées à Arsenal. Cette usine de bateaux de Griffintown, convertie en immense galerie par un couple de passionnés d’art contemporain, invite depuis quelques années musiciens, danseurs, designers de mode et auteurs à venir habiter les expositions.
«Le but premier des Mardis Culturels est d’ouvrir un dialogue non seulement entre les formes d’art, mais aussi entre les publics, celui de l’art contemporain et ceux que cultivent les artistes de notre programmation. Les événements favorisent les rencontres et les discussions qui n’auraient autrement pas lieu», explique Delphine Larose, assistante aux opérations et à la programmation d’Arsenal art contemporain Montréal.
L’espace épuré de la galerie devient ainsi plus convivial la nuit tombée. Les visiteurs se baladent, prennent un verre et discutent autour d’une performance qui alimente la conversation.
«Ces soirées font vivre les œuvres d’art, qui sont souvent vues comme des objets plus statiques. On veut encourager une forme de pratique plus vivante entre les artistes, tout en facilitant l’initiation à l’art contemporain», ajoute Sophie Pouliot, rédactrice générale, responsable des projets musicaux et chargée de projet des Mardis Culturels.
«Un spectacle est souvent déjà pluridisciplinaire quand on pense par exemple à l’éclairage qui vient changer le regard qu’on porte sur un concert de musique. La différence des performances comme celles des Mardis Culturels réside dans le fait que tous nos sens se trouvent stimulés par l’art.» -Joannie Labelle, musicienne
Prochaine tête d’affiche de ces soirées, Joannie Labelle a connu une carrière fructueuse en tant que percussionniste pour de nombreux artistes comme Lara Fabian et Les Trois Accords, avant de lancer son projet solo Bea Box en 2015.
Après quelques années d’exploration avec de multiples collaborateurs, l’artiste considère avoir bien formé sa «bulle électronique», faite de textures organiques et d’écriture intuitive. Si ses chansons se récitent pour la plupart en anglais, la musicienne a renoué avec le français, sa langue maternelle, pour son plus récent single, Oiseau.
Avec le saxophoniste Tevet Sela, la pièce «parle de sensualité, des relations humaines, de la beauté à petite et grande échelle. Derrière les sonorités aiguës et les synthétiseurs, c’est un hymne à l’action, l’expression d’une force guerrière émancipée qui puise dans nos insatisfactions», décrit la musicienne.
Le nom Bea Box est un clin d’œil au mot «béatitude», d’où les rythmes méditatifs et les sons enveloppants qui caractérisent le projet. Cela dit, «ma musique demeure bien énergique», insiste-t-elle. Elle garde en effet l’empreinte punk et industrielle de l’époque où elle a vécu à Berlin. «C’est à cette ville que me font penser les galeries d’Arsenal en raison de leur aspect brut, du béton des salles et de l’effervescence créative qui s’en dégage», note-t-elle.
Un carrefour d’inspirations
Chaque performance s’adapte ainsi à la scène insolite qu’offre l’immense galerie. «Une connivence s’établit avec les diverses installations quand on joue ici, comme si on voyageait d’un monde à l’autre», observe la musicienne.
Joannie Labelle se produira notamment devant la géante installation Whispers réalisée par le collectif Light Society. «Je suis particulièrement excitée par cette pièce, car elle reprend des thèmes semblables à ceux de mes chansons, comme Hush Hush, qui parle du silence comme moyen de communication. L’idée est de créer une sorte d’harmonie, un accompagnement entre mon œuvre et celle-ci», explique-t-elle.
Les créations vidéo de Cynthia Naggar, complice de longue date de Bea Box, compléteront la dimension visuelle du concert. «Les images et programmations de Cynthia agiront comme un écho Ce sera donc une performance totalement unique, propre à cette soirée», assure la musicienne.
«Les artistes s’inspirent beaucoup des œuvres pour faire leur performance ou leur installation. Ils vont penser la soirée de plusieurs façons sur le plan visuel. Ils vont tenter d’enrichir ce qu’on peut comprendre en regardant les œuvres, et ça nous donne une tout autre perspective sur le lieu», remarque Sophie Pouliot.
Des danseurs de la compagnie Danse Danse sont même allés jusqu’à établir leurs quartiers pendant quelques semaines à Arsenal, le temps de concocter une chorégraphie entièrement inédite.
L’équipe d’Arsenal espère offrir encore plus de résidences de ce type, où les artistes pourront, comme dans un laboratoire, imaginer un concept à partir des œuvres exposées, et faire du Mardi Culturel le point culminant de leur recherche.
«On aimerait aussi que le lien entre l’artiste et l’exposition soit renforcé de manière plus concrète, que les artistes au programme forment un tout cohérent et soutiennent ce qu’on présente», espère Sophie Pouliot.