Manifestations antiracistes: Trudeau s’abstient de blâmer Donald Trump
Le premier ministre Justin Trudeau a catégoriquement refusé mardi de réagir directement aux propos du président Donald Trump, qui menace maintenant d’envoyer l’armée dans les rues pour maîtriser le mouvement de protestation antiraciste, dans la foulée de la mort de Georges Floyd aux États-Unis. Il a toutefois largement condamné la «discrimination systémique» au Canada.
«Mon rôle est de défendre nos intérêts et de représenter nos valeurs. C’est ce que j’ai toujours fait, et ferai toujours», a répondu le chef libéral, alors qu’on lui demandait quel message envoyait son «silence» face aux actions de Washington. Questionné à plusieurs reprises sur les propos de son homologue américain, Justin Trudeau a semblé très pensif, prenant notamment une longue pause avant de répondre.
Au Canada, M. Trudeau a admis qu’il restait encore beaucoup de travail pour s’attaquer au racisme, en commençant par la discrimination systémique qui existe encore dans plusieurs secteurs qui «tolèrent, normalisent et perpétuent trop souvent l’injustice».
«Nous avons aussi de grands défis au Canada. On a de la discrimination systémique. Nos systèmes et nos institutions ne traitent pas de la même façon les Canadiens d’origines diverses que les autres.» -Justin Trudeau, premier ministre du Canada
«Il faut le voir au quotidien, dans notre vie privée», a ajouté M. Trudeau, dénonçant que trop de Canadiens ne prennent pas conscience de cette discrimination systémique. «Tous les Canadiens sont en train de regarder avec horreur et consternation ce qui se déroule aux États-Unis. C’est un moment pour rassembler les gens, mais c’est aussi un moment pour écouter», a-t-il dit, appelant les Canadiens à «s’ouvrir les yeux» et à cesser de parler de «contraste» avec nos voisins du sud.
Fort contraste avec Québec
Les propos de Justin Trudeau s’opposent vivement à ceux qu’a tenus la veille le premier ministre du Québec, François Legault. Ce dernier s’était dit lundi «choqué» par la mort de Georges Floyd, mais il avait maintenu que le racisme était «moins présent» au Québec qu’aux États-Unis.
«Je ne pense pas que notre problème soit aussi grave qu’aux États-Unis. En même temps, on ne peut pas dire qu’on n’a pas de problème.» -François Legault, premier ministre du Québec dans un point de presse tenu à Montréal, au lendemain d’une manifestation antiraciste
Interrogé sur la question du racisme systémique, le chef de la CAQ a répété qu’il n’y en avait pas au Québec. Il avait précédemment dû se prononcer sur ce sujet, dans le cadre de l’adoption de la Loi 21 sur la laïcité de l’État.
En entrevue avec Métro, le militant antiraciste Will Prosper s’était dit furieux par ces commentaires. «C’est dangereux et c’est grave d’avoir ces comportements-là», a-t-il lancé.
Sur la voie de la réconciliation
Alors qu’une enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées a dénoncé lundi un «génocide canadien», le premier ministre Trudeau a aussi reconnu mardi que les Premières Nations ont subi «des phénomènes atroces depuis plusieurs décennies, voire des siècles».
«Plusieurs ont parlé de génocide, et ces termes sont nécessaires pour décrire l’injustice. Ça perdure, et ils nous faut faire mieux comme pays, trouver toujours de nouvelles façons d’emprunter la voie de la réconciliation, afin de réparer les torts historiques», a-t-il ajouté.
Selon M. Trudeau, le racisme ne cessera que le jour où chacun en fera un vrai débat de société. «Les gens qui n’ont jamais subi le racisme ou la discrimination ont un rôle très important à jouer», a-t-il renchéri. Son gouvernement promet de créer plus de fonds pour les organismes communautaires intervenant auprès des personnes racisées, et «d’aider les entrepreneurs noirs» pour bâtir une résilience économique dans les communautés.