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Violences sexuelles : «Il y aura encore de nouvelles vagues de dénonciations»

Dénonciations de cas de harcèlement et agressions sexuelles.
Dans l’ensemble, 72% des canadiennes interrogées ont déclaré avoir subi des effets négatifs du fait d’avoir été harcelées sur les plateformes de réseaux sociaux. Photo: Archives
Laurent Lavoie et Elena Broch - Métro

On attendait une deuxième vague de coronavirus, on a plutôt eu une nouvelle vague d’allégations d’inconduite sexuelle.

Après le mot-clic #AgressionNonDénoncée en 2014 et la popularisation de #MoiAussi de 2017, une autre déferlante s’abat sur le Québec pour mettre en lumière les agressions et harcèlements sexuels. Et cela dans tous les milieux.

Maripier Morin, Bernard Adamus, Yann Perreau et David Desrosiers du groupe Simple Plan: voilà autant de noms qui ont été visés par de telles allégations dans les dernières semaines.

Les mouvements dénonciateurs précédents n’auraient pas suffi à crever l’abcès?

Non, croit Kharoll-Ann Souffrant. Cette dernière est travailleuse sociale, étudiante en doctorat à l’Université d’Ottawa et boursière Vanier pour sa thèse sur les mouvements #AgressionNonDénoncée et #MoiAussi.

«C’est comme une autre vague du mouvement, c’est comme un ras-le-bol successif», pense-t-elle. Car si «les victimes en arrivent à ce point-là, c’est qu’on ne leur laisse pas vraiment le choix, et il y aura encore de nouvelles vagues de dénonciations».

De dénoncer publiquement des personnes proches de son entourage ou des personnalités publiques, «ça traduit bien la colère, cette volonté d’informer, de sortir du silence, de l’obscurité, des réalités vécues individuellement», estime la Sandrine Ricci, chargée de cours au département de sociologie à l’UQÀM.

Dénoncer pour mieux se réparer

«Il faut que les gens réalisent qu’il y a un problème endémique dans la société, une pandémie fantôme, dans tous les milieux», insiste Mme Souffrant.

Elle voit dans cette vague de dénonciations, un nouveau mouvement, «une façon de se réparer, pas forcément de la vengeance». Car pour elle, «mettre en prison, ce n’est pas nécessairement la chose qui va réparer la victime».

Selon Mme Souffrant, les victimes «ont pris le problème entre leurs mains parce que les institutions les ont laissées tomber».

Prendre la plume et porter sa voix, c’est ce qu’a fait Sabrina Comeau, résidente de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, sur Instagram il y a une semaine.

Elle a tenu à nommer publiquement l’homme qui l’a violentée.

«Ç’a ouvert les esprits d’autres personnes qui ont commencé à call out [dénoncer – NDLR] des personnes dans leur entourage», note-t-elle.

Mme Comeau s’est aussi inspirée d’une influenceuse américaine, Manuela Soto, ayant dénoncé les abus de certains artisans du milieu du tatouage.

Dans la foulée de sa révélation, de nombreux témoignages ont entraîné une vague de solidarité sur les réseaux sociaux ainsi que la création du mot-clic #OnVousCroit.

On le retrouve maintenant dans près plus de 600 publications sur plusieurs pages lancées notamment à Montréal, Laval ou encore Trois-Rivières. Ici, différents milieux sont concernés, notamment les bars, la musique, même les festivals, selon Mme Comeau.

Des personnalités bien connues ont ainsi été ciblées comme Maripier Morin qui a reconnu avoir mordu l’autrice-compositrice-interprète Safia Nolin.

Encore du travail à faire

Kharoll-Ann Souffrant pense que la société «avance dans la bonne direction» avec notamment la volonté de Québec d’abolir le délai de prescription pour agressions sexuelles. Mais «ce n’est pas suffisant, il y aura d’autres vagues de dénonciations».

Pas suffisant, car «on dirige systématiquement les victimes vers la police, alors qu’au Canada, trois agressions sexuelles sur mille se soldent par une condamnation criminelle».

Autre statistique parlante, moins de 10% des victimes de violences sexuelles s’engagent dans une démarche de plainte officielle, souligne Sandrine Ricci.

«Ça illustre que le système de justice ne répond pas encore parfaitement aux besoins des victimes ou des survivantes, et que nous, les personnes qui travaillent dans le milieu de la justice, on a encore du travail à faire», dit la directrice générale de Juripop, Me Sophie Gagnon.

L’organisme a lancé il y a un mois un programme qui permet aux victimes de violences à caractère sexuel de parler à un avocat gratuitement.

De son côté, Sabrina Comeau n’a pas l’intention de se tourner vers le système judiciaire, parce qu’il a «failli dans ce genre de situations».

Un momentum?

Sentant un moment opportun de parler, Kharoll-Ann Souffrant a récemment publié une lettre ouverte dans La Presse, témoignant de son agression par un adulte en position d’autorité, alors qu’elle était mineure.

Ce n’est pas tant le mouvement #MeToo qui l’a poussée. Mais plutôt celui de Black Lives Matter.

«J’ai été la cible de propos dénigrants pendant plusieurs années venant de mon agresseur sur la couleur de ma peau et mon statut socioéconomique», explique-t-elle.

Selon son analyse personnelle, «la COVID-19 a mis en lumière la fragilité de certaines communautés marginalisées les plus affectées par la maladie».

Ensuite, «la mort de George Floyd a lancé un mouvement international puis il y a eu des dénonciations [de harcèlement] dans le monde du jeu vidéo et du tatouage».

Tous ces événements sont pour Mme Souffrant, «une conjonction de beaucoup de choses» ayant donné «une opportunité de vouloir changer les choses pour le mieux».

Pour obtenir de l’aide: 1 855-JURIPOP ou contacter un Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et la violence à Montréal au 514 529-5252.

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