Logement: la Ville de Montréal face à des pressions contraires
La Ville de Montréal fait face à des pressions contraires entre les demandes des promoteurs et celles du milieu communautaire en matière de logement, à un peu plus de deux mois du dépôt de son prochain budget.
L’administration de Valérie Plante a déjà reçu près de 40 mémoires de la part de divers organismes et citoyens depuis qu’elle a entamé le mois dernier une consultation publique en prévision de son budget 2021, attendu en novembre.
Les enjeux qui y sont abordés sont nombreux. Des associations de commerçants demandent notamment des assouplissements fiscaux pour les entreprises, tandis que d’autres organismes pressent la Ville de retirer le financement de la police de Montréal pour réinvestir cet argent dans des services communautaires.
Certaines organisations représentant le milieu des affaires tentent pour leur part de justifier une réduction de l’encadrement du secteur immobilier dans le contexte de la relance économique.
De fait, l’Institut de développement urbain du Québec (IDU) prie la Ville de «ne poser aucun geste qui pourrait avoir pour effet de ralentir le développement de l’offre de logements ou de perturber le marché». L’organisme demande ainsi à l’administration Plante de suspendre l’application de son nouveau règlement d’inclusion, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2021, «tant que la situation actuelle de crise ne sera pas stabilisée».
Ce règlement, communément appelé 20-20-20, vise à obliger les promoteurs à inclure jusqu’à 20% de logements sociaux et tout autant de logements abordables et familiaux dans leurs projets immobiliers. Le règlement offrira aussi l’alternative d’accorder un terrain ou une certaine somme à la Ville pour des projets de logements sociaux.
Inquiétudes
La demande de l’IDU, que partage d’ailleurs la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, inquiète le milieu communautaire.
«Si on veut que la relance soit durable, on ne peut pas faire abstraction de la crise du logement», soulève à Métro la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme. Elle souligne les répercussions qu’a eu la spéculation immobilière sur les hausses de loyer et les évictions de locataires au cours des dernières années.
«Il ne faut pas que, dans le contexte de la relance, on laisse le secteur immobilier aller [sans encadrement].» -Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU
Le professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche, souligne pour sa part l’importance d’«accélérer des projets» pour stimuler la relance économique.
«Suspendre [ce règlement], ce ne serait pas une mauvaise idée à court terme», estime l’expert.
Contacté par Métro, le cabinet de la mairesse Valérie Plante s’est montré inflexible face aux promoteurs concernant son nouveau règlement d’inclusion.
«Dans un contexte de la relance économique juste et verte de Montréal, de la crise du logement et de la crise sanitaire, le Règlement pour une métropole mixte est un outil central pour la Ville de Montréal», affirme son attachée de presse, Geneviève Jutras.
Logement social
L’administration Plante a pris l’engagement d’aménager 6000 logements sociaux d’ici la fin de son mandat, en 2021. Il s’agit toutefois d’une cible insuffisante au regard du FRAPRU.
Dans son mémoire, l’organisme propose plutôt à la Ville de mettre en place 22 500 logements sociaux en 5 ans afin de «répondre aux besoins les plus urgents des locataires mal-logés».
«Un tel objectif, s’il est atteint, permettra de répondre à la pénurie de logements et ses conséquences mettant trop à mal le droit au logement des montréalaises et des montréalais dont les deux tiers sont locataires», affirme l’organisme. Celui-ci presse ainsi la Ville de redoubler d’ardeur dans ses demandes pour plus de financement en matière de logement social de la part des paliers de gouvernement supérieurs.
Selon l’organisme Bâtir son quartier, qui prend aussi part à cette consultation, Montréal compterait actuellement près de 180 000 ménages qui peinent à trouver un logement de taille suffisante et accessible sur le plan financier.
«Pas une bonne solution»
M. Meloche réplique toutefois que la construction de logements sociaux n’est «pas une bonne solution» pour faire face à la crise du logement, associée à un manque d’appartements disponibles sur le marché locatif. La Ville devrait plutôt, selon lui, miser sur une réduction des contraintes réglementaires qui peuvent ralentir ou décourager la construction de logements locatifs.
«Ça prend plus de souplesse, autant dans la construction résidentielle que dans la gestion des loyers», affirme-t-il.