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L’exploitation sexuelle des mineurs: un pas vers l’itinérance

Photo: iStock
Ambre Giovanni - Collaboration spéciale

L’itinérance guette les jeunes adultes ayant été victimes d’exploitation sexuelle. Des organismes tentent de prévenir ce type de violence, mais disposent de moyens limités. 

Jeanne*, 25 ans, a été victime d’un père incestueux durant son enfance et son adolescence. Elle lance plusieurs appels au secours dès ses 13 ans et tente de mettre fin à ses jours à plusieurs reprises. 

«Je disais à mes profs à l’école “je ne veux plus retourner chez moi ce soir”. Pis tsé, il n’y a pas de pancartes dans les écoles qui disent qu’on peut s’enfuir», témoigne-t-elle. C’est une fois majeure qu’elle quitte le domicile familial pour la rue. 

«J’avais trop peur [pour rester], confie-t-elle. Je suis partie une journée comme ça, avec ma veste, mon pantalon, puis mon pot de médicament pour l’anxiété. Je n’avais pas amené de sac, rien, je n’ai pas eu le temps.»

La brutalité de la rue

Alors qu’elle recherche de l’aide, la réalité de la rue la frappe de front aussitôt qu’elle s’enfuit. Tous les refuges auxquels elle s’est rendue lui répondaient qu’ils étaient réservés aux personnes en situation d’itinérance. «Je ne voulais pas réaliser que j’étais devenue itinérante en partant de chez mon père», admet-elle.

Elle déplore notamment l’absence de ressources pour les victimes de violence familiale. «Quand t’es rendue moins cute, que tu as 18 ans, tu t’arranges», regrette-t-elle. 

On l’envoie dans des hébergements où elle se sent étrangère. L’un se destine aux jeunes ayant des troubles liés à la consommation, tandis que l’autre vise les femmes victimes de violences conjugales.

Le recrutement pour la prostitution est une autre embûche qu’elle évoque. «On a essayé de me recruter peut-être 20 fois. Tout de suite, on voit que tu es vulnérable», mentionne-t-elle. 

Une cause d’instabilité 

Ainsi, l’exploitation sexuelle des mineurs est une cause d’instabilité, comme le souligne le directeur général de l’organisme En marge 12-17, Tristan Delorme. «La complexité des traumas, comme l’inceste ou la violence, fragilise les jeunes», indique-t-il. 

Ils se retrouvent alors en proie à des troubles de l’attachement, à une méconnaissance de soi ou de la moralité de leurs actes, comme le fait d’être rémunéré pour vendre son corps. 

La fugue est un facteur de risque important: elle peut en effet amener les jeunes à se retrouver dans une situation d’exploitation sexuelle. Puisqu’ils dépendent d’un tuteur légal, le phénomène d’itinérance n’est pas encore là, mais une fois adultes, la réalité est tout autre. 

Afin de sensibiliser la population à ce phénomène et d’aider les jeunes victimes d’exploitation sexuelle, le gouvernement du Québec tient, pour une première année, une Semaine nationale de la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs. Celle-ci aura dorénavant lieu chaque année, du 1er au 7 mars.

«Les victimes d’exploitation sexuelle subissent de graves conséquences, qui se poursuivent souvent bien au-delà de leur majorité», affirme la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.

Le projet Sphères propose par ailleurs d’accompagner les jeunes victimes d’exploitation sexuelle. Dans ce cadre, une table régionale sur l’exploitation sexuelle des mineurs se tiendra au printemps 2022. Elle sera pilotée par l’organisme En marge 12-17. 

*Un nom fictif a été utilisé pour assurer l’anonymat de l’intervenante.

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