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La face cachée des aliments transformés

Photo: Dwight Eschliman

Nos péchés mignons n’ont plus rien de charmant quand on voit à quoi ressemblent leurs composants…

La plupart des gens raffolent des photos montrant des plats alléchants qui sont publiées sur Instagram. Mais pas le photographe Dwight Eschliman, qui préfère à ces clichés de vos repas gourmets des images où on voit, réduits à leur plus simple expression, c’est-à-dire le plus souvent à des poudres et à des liquides bien peu ragoûtants, les composants des aliments produits à grande échelle.

Dans son livre Ingredients: A Visual Exploration of 75 Additives & 25 Food Products, ce photographe de San Francisco se plaît ainsi à décomposer certains de nos aliments favoris, et ce qu’il obtient semble tout droit sorti d’un laboratoire. Métro s’est entretenu avec lui de la perspective unique qu’il a adoptée pour réaliser son travail de photographe alimentaire.

Dwight Eschliman

Votre livre est dédicacé à «toutes les personnes qui se demandent ce que contient leur nourriture». Est-ce que la composition des aliments transformés devrait inquiéter tout le monde?
Je crois qu’il faut d’abord et avant tout savoir ce qu’on mange. L’inquiétude vient (ou ne vient pas!) ensuite. Mon livre propose simplement aux gens de voir ce que recèle la nourriture qu’ils ingèrent. En tant que photographe, je n’avais jamais vu de projet comme celui-là. J’ai voulu mettre une image sur des noms qu’on entend souvent, comme le sirop de glucose à haute teneur en fructose ou la caféine.

Pourquoi le moment est-il bien choisi pour s’intéresser aux ingrédients que contiennent les aliments transformés?
Les procédés de fabrication et de distribution des aliments sont de plus en plus axés sur la rentabilité, et les produits sont de plus en plus raffinés. Et pourtant, au cours des dernières décennies, on a pu constater les effets néfastes sur la santé d’une trop grande consommation de produits transformés.

Dans votre livre, vous vous concentrez sur 25 aliments transformés. Comment les avez-vous choisis?
J’ai procédé de la même façon que pour choisir les 75 additifs. Je voulais que mon livre soit à la fois neutre et descriptif. J’ai donc fait un premier tri qui m’a permis d’obtenir une centaine d’aliments, que j’ai ensuite séparés en trois catégories en me posant la question suivante: est-ce que cet aliment est considéré comme mauvais pour la santé, bon pour la santé ou quelque chose entre les deux? Et puis je souhaitais étudier des aliments intéressants pour mon travail, c’est-à-dire qui contenaient certains des additifs dont traite la première partie du livre. Mon coauteur et moi, on voulait aussi choisir des aliments populaires, qui seraient familiers pour le lecteur.

Est-ce que la quantité d’ingrédients qui entrent dans la composition de ces aliments vous a surpris?
Oui, bien sûr! Un des produits dont on parle dans le livre compte 42 ingrédients. C’est impressionnant! Je comprends mieux maintenant pourquoi il y en a tant, mais quand même… Toutefois, ce n’est pas parce qu’un aliment a beaucoup de composants qu’il est mauvais pour la santé. Par exemple, chacun des nombreux ingrédients de la Power Bar, dont on parle dans le livre, est là pour une raison précise, parce qu’il est bénéfique pour l’organisme. Mais ce n’est pas toujours pour les bonnes raisons que les manufacturiers ajoutent des tas d’éléments dans les aliments qu’ils fabriquent. Comme ils doivent s’assurer, pour des questions d’image de marque, que leurs produits sont toujours exactement les mêmes, peu importe où on les achète, ils y ajoutent des agents de conservation qui leur permettent de les expédier n’importe où. Et quand un manufacturier doit choisir entre utiliser un type de gras très cher, mais naturel, ou un diglycéride qui est plus stable et moins coûteux, il va opter pour le moins cher. C’est tout simplement comme ça que ça se passe.

La plupart des additifs que vous présentez ressemblent à de la poudre blanche. N’est-il pas un peu difficile de faire un livre de photos à partir d’images si similaires?
Eh oui! Quand j’ai vu à quoi les additifs ressemblaient, mon projet est parti en fumée! (Rires) En réalité, je me doutais un peu que ça aurait l’air de ça, mais j’ai quand même été surpris de constater à quel point on a souvent affaire à des liquides transparents et à des poudres blanches… Pour moi, ça a rendu les choses encore plus intéressantes. Vous savez, dans mon travail de photographe, j’ai toujours aimé grouper des éléments semblables et faire ressortir les petites différences qui les séparent. Avec ce projet, j’étais servi!

Avez-vous l’impression que les gens connaissent mal ces additifs?
Oui, et pour être honnête, je n’ai moi-même pas encore l’impression d’en savoir assez à leur sujet. C’est une des raisons pour lesquelles je tenais à adopter une approche très neutre, très descriptive. J’ai lu beaucoup de bouquins écrits par des gens qui sont résolument contre les aliments transformés, mais je garde l’impression qu’il y a peu d’information disponible sur ce type de nourriture. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir travailler avec Steve Ettlinger, mon coauteur, parce qu’il écrit très bien, d’une façon claire et concise.

Quels sont les additifs qui vous font le plus peur?
J’ai toujours craint le glutamate monosodique (MSG). Ça vient de mon enfance : quand j’étais petit, ma mère était sujette à d’affreux maux de tête, et à cause de la mauvaise réputation du MSG, j’étais sûr que c’était la faute de ce produit. Je me suis senti obligé de l’inclure dans mon livre, parce qu’il fait tellement peur… Mais il semblerait que ses effets néfastes soient surtout un mythe! Par ailleurs, il y a des additifs dont je n’avais jamais entendu parler avant d’entreprendre ma recherche pour ce livre, comme le diacétyle, un liquide jaune très concentré qui dégage une odeur très forte. On en a tout de suite eu peur, à cause de ça! C’était une expérience plutôt comique.

Ingredients
Ingredients: A Visual Exploration of 75 Additives & 25 Food Products
Reagan Arts (En anglais seulement)

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