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Le passeport vaccinal, entre incohérence et imprécisions

Un passeport vaccinal.
Un passeport vaccinal. Photo: Ministère de la Santé et des Services sociaux

L’utilisation du passeport vaccinal, en vigueur dès le 1er septembre, sème son lot de questions. En prouvant avoir reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19, les Québécois pourront participer à «des évènements publics à fort achalandage et des activités à haut taux de contact de socialisation, pour des activités non essentielles». On ignore toutefois l’identité exacte des lieux qui seront ciblés.

«Ça manque de clarté actuellement, convient la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Roxane Borgès Da Silva. Le gouvernement travaille un peu en urgence, et c’est dommage, parce qu’il y aurait peut-être eu une possibilité de se préparer davantage.»

Déjà, on sait que le passeport sera applicable dans les restaurants, les bars, les salles d’entraînement et les festivals. Depuis mercredi, des projets pilotes sont en cours dans divers établissements de la province pour tester l’application mobile qui sera utilisée, dont l’un sera mené dans un bar de Montréal.

Les employés des établissements visés ne seront pas contraints de recevoir le vaccin. «C’est un peu incohérent, considère Dre Borgès Da Silva. Je comprends que c’est une question de droit du travail, mais voir une personne travailler dans un resto qui ne pourra pas y manger pendant sa pause, c’est illogique.»

«Il va falloir arrimer ça, parce que sinon, ça créera beaucoup de confusion.»

Roxane Borgès Da Silva

Les personnes qui ne détiennent pas de téléphone intelligent pourront imprimer leur preuve de vaccination, qui pourra ensuite être identifiée facilement.

Quelles activités contrôlées?

Les étudiants de la province n’échapperont pas au passeport vaccinal. Ils devront le présenter afin de participer aux activités parascolaires où le risque de transmission de la COVID-19 est élevé.

Reste à déterminer les activités qui seront ciblées par cette mesure. L’incertitude entourant la situation encouragera les jeunes à se faire vacciner, estime Dre Borgès Da Silva. «Autant se faire vacciner, pour être certain, estime-t-elle. J’espère que le passeport sera appliqué à toutes les activités disponibles, pour limiter la propagation.»

Les sports lors desquels les contacts sont fréquents, comme le soccer et le hockey, pourraient échapper au passeport, a indiqué le premier ministre François Legault mercredi. Étant donné qu’aucun vaccin n’est encore proposé aux 12 ans et moins, les écoliers du primaire pourront participer aux activités parascolaires sans contrainte. 

Certains quartiers où le taux de vaccination est plus faible chez les jeunes seront ciblés. L’objectif sera de les inoculer avant la rentrée. À ce jour, 83% des citoyens âgés entre 12 et 17 ans ont reçu une première dose et 47% une deuxième.

Désormais, les élèves complètement vaccinés ne seront pas retirés des classes en cas d’exposition à un cas positif.

Trop peu, trop tard

Les partis d’opposition se sont fait entendre cette semaine à ce sujet. Selon le Parti libéral du Québec, offrir plus d’information quant à l’application du passeport aurait été nécessaire, dès maintenant.

«Nous avons été déçus du manque de préparation du ministre Dubé, qui n’était pas en mesure de donner les détails ni les modalités d’application, alors que les entreprises et la population devront s’adapter à cette nouvelle réalité», a estimé la députée Marie Montpetit.

Québec solidaire a abondé dans le même sens, estimant que les activités incluses et les personnes visées auraient dû être nommées. «Nous ne sommes pas satisfaits des informations dévoilées en point de presse et nous nous attendons à ce que les modalités précises soient détaillées dès que possible, surtout si la date d’entrée en vigueur est le 1er septembre», a indiqué l’attachée de presse du caucus du parti, Sandrine Bourque.

Un débat public autour de l’instauration du passeport aurait été nécessaire, s’est pour sa part désolé le Parti québécois.

«Le passeport peut être un bon outil, mais plusieurs angles morts demeurent sur les impacts à long terme, notamment sur la circulation des données médicales, ou encore sur le milieu du travail.»

Joël Arseneau, porte-parole du Parti québécois en matière de Santé

Un pétition populaire contre le passeport

Une pétition contre l’instauration d’un passeport vaccinal qui limiterait certaines activités non essentielles aux personnes pleinement vaccinées, gagne du terrain. Selon son instigateur, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, 133 649 signatures ont été amassées jusqu’ici.

La pétition a été lancée au début de l’été, mais a pris du galon avec la confirmation du passeport vaccinal, prévue pour le 1er septembre.

«C’est une forme de ségrégation, c’est une forme de discrimination, c’est une atteinte claire à nos libertés. On n’a jamais fait ça, être obligé de montrer de l’information médicale pour entrer dans un commerce au Québec, et là, à partir du 1er septembre, malheureusement, on va subir ça», a déploré M. Duhaime lors d’un discours à l’Assemblée nationale jeudi après-midi.

Des études scientifiques prouvant que le passeport vaccinal exerce une incidence «sur la diminution des cas de la COVID-19» devraient être déposées par le premier ministre François Legault pour justifier sa décision, estime M. Duhaime.

Qui en sera exclu?

Les citoyens qui ne peuvent recevoir le vaccin en raison d’une condition médicale spéciale seront exclus de la première mouture du passeport vaccinal. «La deuxième version de l’application, à venir plus tard en septembre, pourrait en tenir compte, précise M. Dubé. On ne veut pas que les gens arrivent au restaurant avec un billet du médecin.»

Parmi ces individus, on compte ceux qui sont nés avec une immunodéficience cellulaire, une condition très rare.

«Espérons que des mesures seront prises que ces personnes soient incluses dans le passeport vaccinal, souhaite la directrice générale de l’Association des patients immunosupprimés du Québec, Geneviève Solomon. Par contre, ces personnes-là vivent déjà dans l’isolement: si elles attrapent la COVID-19, ce serait très grave pour elles, donc elles n’ont pas une vie très sociable.»

L’association se prononce donc en faveur du passeport vaccinal. «Si le passeport peut limiter la propagation et la montée des variants, les patients immunosupprimés en sortiront gagnants», émet Mme Solomon.

Contrairement à ce qui a été véhiculé au début de la pandémie, aucune allergie n’empêche la prise des vaccins de Pfizer et Moderna, assure le président de l’association des allergologues et immunologues du Québec (AAIQ), Rémi Gagnon.

«L’allergie, c’est loin d’être un problème pour les patients. Par contre, beaucoup d’entre eux se disent allergiques et ne font pas de démarches en conséquence pour recevoir le vaccin», se désole M. Gagnon.

En mai, l’AAIQ a publié un algorithme de prise en charge pour la Santé publique et les médecins de famille, qui permet d’accompagner les patients aux prises avec des allergies. Dans de très rares cas, les patients doivent être supervisés dans des milieux universitaires spécialisés lors de l’inoculation.

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