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Logement: dénonciation des HLM décrépits et à moitié vides à Montréal

Un complexe de HLM dont la moitié des unités sont vides, à Montréal
Photo: Josie Desmarais/Métro

Des centaines d’unités de logement sont laissés vides dans des habitations à loyer modique (HLM) de Montréal, faute de pouvoir les rénover malgré un état de décrépitude avancé. Des locataires lancent un nouvel appel pour financer adéquatement les logements abordables.

Quand Tina-Lili Gagné et ses quatre fils ont déménagé dans un 6 ½ au rez-de-chaussée de l’Habitation Saint-André, il y a six ans, elle croyait que leurs difficultés étaient terminées. Ils venaient de quitter un logement privé, déclaré inhabitable en raison de moisissures et de dégâts d’eau, et de se faire relocaliser après plus d’un an de tractations avec le Tribunal du logement. Ils étaient soulagés de quitter leur demi-sous-sol pour un appartement plus grand et plus lumineux. En plus, le complexe vieux de 50 ans était sur le point d’être rénové.

En juin 2017, Mme Gagné et les autres locataires ont été avisés que les travaux débuteraient l’année suivante. En novembre de la même année, ils ont appris qu’ils seraient reportés en 2019. Depuis, selon Mme Gagné, ils n’ont pas reçu de nouvelles. «J’ai appelé à l’Office d’habitation de Montréal à plusieurs reprises, et à chaque fois, on me dit qu’il n’y a pas d’argent», se désole la mère de famille, qui est aussi présidente du comité des locataires.

Tina-Lili Gagné devant son HLM dans le quartier Centre-Sud de Montréal, un édifice qui se vide à cause de sa décrépitude.
Tina-Lili Gagné

324 logements barricadés

Sans aborder directement la situation à l’Habitation Saint-André, Mathieu Vachon, directeur du service des communications de l’Office, confirme que le budget octroyé par la province a été coupé de plus de la moitié en deux ans, allant de 118 M$ à 62 M$ entre 2018 et 2020, loin des 150 M$ réclamés. Il ajoute que des 838 complexes d’hébergement sous l’égide de l’Office, plus de la moitié (soit 479) sont étiquetés Cote E, signifiant qu’ils sont dans un très mauvais état. Un autre 192 ont une désignation Côte D (mauvais état).

L’OMHM estime à 199 M$ les sommes nécessaires à la remise en état satisfaisant des bâtiments cotés D et à 792 M$ les montants requis pour les bâtiments côtés E.

D’ailleurs, 324 logements sont actuellement barricadés pour cause d’insalubrité. Montréal abrite ainsi des unités vides en HLM alors que le prix des logements explose.

«Quand on désigne un viaduc Coté E, on le détruit», s’insurge Robert Pilon, coordonnateur de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec. «Les locataires sont dans ces logements parce qu’ils n’ont nulle part où aller.»

«Patcher des trous»

Entretemps, selon Mme Gagné, les réparations ne se font plus. «On ne fait que patcher, parce qu’ils se disent que ça ne sert à rien de réparer quelque chose qui sera rénové. Mais on ne sait pas quand ça va être rénové, donc ça traine et ça se dégrade», dit-elle.

Le HLM sur la rue Saint-Timothée, à Montréal, se vide peu à peu: 45 des 110 logements sont inoccupés, et des squatteurs et des personnes sous l’influence des drogues investissent les lieux.

Mme Gagné est plus inquiète pour la sécurité de ses enfants et ses voisins qu’elle ne l’est pour les réparations reportées.

«On a déjà eu une entrée par effraction ici, il y a deux ans, en plein milieu de la nuit,» raconte-t-elle. «L’alarme incendie sonne la nuit parce qu’il y a des personnes de l’extérieur qui viennent fumer dans les cages d’escaliers. Mon fils [cadet] me demande tout le temps, « va-t-il y avoir une alarme incendie? » Il fait des cauchemars.»

Elle a déjà ramassé des seringues et des condoms dans la cour où ses plus jeunes enfants jouent avec leurs amis.

Son fils aîné a déjà quitté son logement. Ses autre enfants hésitent à inviter des amis. «C’est difficile de vivre dans ces conditions. C’est comme si on me demandait de vivre ce que j’ai déjà vécu [dans mon logement précédent]. On est au point mort, ça ne bouge pas, et ça ne m’aide pas pour aller mieux mentalement.»

«C’est correct de vivre avec peu… mais il faut qu’on vive avec un minimum de dignité.» – Tina-Lili Gagné, mère de famille

Pour Robert Pilon, ce que vivent Tina-Lili Gagné et ses voisins devrait servir de réveille-matin pour la Société d’habitation du Québec (SHQ), qui chapeaute les HLM de la province. «Le problème repose sur la Société d’habitation du Québec (SHQ) qui, à titre de propriétaire des HLM, a la responsabilité de fournir les budgets nécessaires à leur rénovation mais qui n’a pas les moyens financiers de le faire. Il faut absolument qu’on investisse dans les logements abordables.»

Au moment de publier, la SHQ n’avait pas répondu aux questions de Métro.

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