Clichés
Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Métro, ligne verte, direction Angrignon. Il est 8 h 35.
Je m’adonne parfois à un jeu. Celui-ci consiste à anticiper, quand le métro est plein à craquer, qui descendra à quelle station. Le but de l’exercice étant de pouvoir m’approcher d’un siège susceptible de se libérer. Ce matin-là, je cible une femme d’affaires très chic, me disant qu’elle doit travailler dans une tour du centre-ville. L’arrivée à la station McGill ou Peel devrait laisser sa place vacante. Je serai donc aux premières loges.
Passent l’un et l’autre arrêts. La dame reste bien assise.
Je me rabats alors sur un groupe de jeunes hipsters aux sacs remplis de livres, de iPad et autres outils utiles à l’apprentissage. C’est, en fait, ce que je crois. Et par le fait même, je décide qu’ils sont étudiants et qu’ils descendront massivement à Guy-Concordia.
Rebelote, aucun d’entre eux ne quitte son siège.
Vous comprendrez que, chaque fois que je me déplace vers un endroit qui me semble stratégique, c’est l’autre bout de la voiture qui se libère et que, conséquemment, ce sont les passagers debout à l’autre extrémité qui en profitent. Certains diront que c’est la loi de Murphy. Je crois plutôt que c’est mon radar qui est défectueux.
Ce jeu de sièges musicaux me laisse chaque fois démunie et perplexe, parce que ça fait des années que je me fais prendre. J’aurais dû comprendre depuis longtemps que la meilleure manière de trouver une place est de rester patient et de ne pas courir deux sièges à la fois.
C’est ainsi que, le lendemain, je reste plantée au bout du wagon tout le long du trajet.
Il y a autour de moi de nombreuses combinaisons possibles entre profils et stations.
Je décide tout de même de laisser le destin décider comment les choses prendront place.
Je ne me suis pas plus assise ce jour-là, mais ça ne m’a pas dérangée, parce que cette fois, je n’ai pas été trompée par des clichés.