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Le visage de l’itinérance après plus de deux ans de pandémie

Un homme inquiet se penche sur le volant de sa voiture, symbolisant la face cachée de l'itinérance.
Photo: iStock

Le 11 octobre prochain aura lieu le dénombrement des personnes en situation d’itinérance à Montréal. Le portrait postpandémique qu’il brossera de l’itinérance risque d’être bien différent de celui dressé en 2018. Sans parler du fait que ce nouveau visage risque en soi de compliquer le travail des sondeurs.

Le dernier dénombrement avait eu lieu il y a quatre ans. À l’époque, 3149 personnes en situation d’itinérance avaient été recensées. Environ 22% d’entre elles passaient la nuit dehors ce soir-là. En raison de la pandémie, aucun dénombrement des personnes itinérantes n’a eu lieu en 2020, mais la Ville de Montréal a avancé plusieurs fois le nombre de 6000 personnes.

Guylain Levasseur, une des figures emblématiques du campement de la rue Notre-Dame, ne fonde pas beaucoup d’espoir sur ce dénombrement. Lui-même en situation d’itinérance depuis des années, il n’a jamais vu une personne l’approcher lors d’un dénombrement.

Il trace un portrait alarmant de l’itinérance postpandémique. Il voit de plus en plus de jeunes, y compris des mineurs, ainsi qu’une augmentation des problèmes de santé mentale. Les troubles de la consommation seraient selon lui en hausse, avec une importante augmentation de la consommation de crystal meth.

On dénombre le monde comme du bétail au lieu de chercher à trouver des solutions.

Guylain Levasseur

Selon lui, de nombreuses personnes ne seront pas recensées en octobre prochain. La cause: le nouveau visage de l’itinérance, marqué par deux ans de pandémie et la crainte des démantèlements à répétition des campements par la Ville de Montréal.

Un visage qui a changé

Pour la directrice générale de Dans la rue, Cécile Arbaud, bien qu’elle s’attende à une augmentation du nombre de personnes en situation d’itinérance, il est important de ne pas retenir que ce nombre. «Le dénombrement a été très décrié justement, car on s’est beaucoup attaché au nombre. [Mais le nombre] ne donne pas vraiment un portrait intelligent ou suffisamment renseigné pour déterminer les services et la diversité des situations», dit-elle.

L’itinérance a changé de visage au sens où elle s’est répartie à d’autres endroits sur le territoire.

Cécile Arbaud, directrice générale de Dans la rue

Depuis le début de la pandémie, Dans la rue voit de plus en plus de situations problématiques, avec une dégradation de la santé mentale. Cela serait notamment dû à l’interruption de certaines démarches pendant la pandémie, un isolement accru et une plus grande désaffiliation des individus.

«Ce qui s’est passé pendant la pandémie, c’est la consommation qui a pu augmenter avec des substances qui sont encore moins sous contrôle qu’avant», explique Cécile Arbaud.

Un dénombrement biaisé par «l’itinérance cachée»

Depuis le début de la pandémie, Guylain Levasseur a observé de plus en plus de personnes utilisant leur véhicule pour dormir. Lui-même vit actuellement avec trois autres personnes dans son véhicule motorisé. «Où je me stationne, il y a tout le temps deux, trois personnes qui vivent dans leur véhicule. Ils sortent de là le matin pour travailler et ils reviennent le soir pour dormir», explique-t-il.

Il dénonce les démantèlements perpétuels des campements par la Ville de Montréal. Ceux-ci pousseraient ensuite les personnes à se cacher pour ne pas être trop visibles et risquer de voir leur campement être démantelé à nouveau.

C’est un des problèmes: aussitôt que quelqu’un s’installe quelque part, on le chasse. Donc les gens se cachent. Il y a même un souterrain où quelqu’un a vécu [pour éviter que son campement soit démantelé à nouveau].

Guylain Levasseur

Cette «itinérance cachée» est un problème que Cécile Arbaud connaît bien. Selon elle, il est important de prendre de nouvelles mesures pour brosser le portrait de l’itinérance dans son intégralité. «Le dénombrement ne calcule pas l’itinérance cachée, dit-elle. Il faut prendre d’autres méthodes [pour compter] les personnes qui sont en couchsurfing chez des amis, les squats, les gens qui dorment dans leurs voitures qu’on ne voit pas nécessairement.»

Dernièrement, de nouvelles tentes se sont installées aux abords de la rue Notre-Dame. Peu de temps après leur installation, le campement a été démantelé. Cet été, une offre d’embauche proposée par la Ville avait fait les manchettes. Pour un salaire allant jusqu’à 67 000 $ par an, la Ville recherchait une personne responsable d’organiser le démantèlement de campements de personnes en situation d’itinérance.

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