Hors du commun: Marcher sur les mains
Chaque semaine, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne verte, direction Angrignon. Nous sommes samedi. Il est 16h40.
«Tes mains peuvent te mener loin.» C’est le slogan pour lequel a opté l’Académie de massage scientifique. Cette publicité face à laquelle je me trouve attire mon attention.
En prenant la chose au premier degré, la convention voudrait que ce soit plutôt nos pas qui nous fassent avancer. L’image de marcher sur les mains m’amuse un instant.
Puis, mes pensées abandonnent leur vagabondage au profit d’une scène mettant en vedette deux dames, visiblement emportées. Elles sont prises dans une conversation animée. L’une d’elles semble particulièrement tendue et contrariée. Elle agite les bras énergiquement.
Tout près des dames, je vois un homme debout, qui cherche en soupirant dans ses poches et dans son sac s’il n’y retrouvait pas l’élément manquant à sa paire de gants. L’objet recherché se trouve à ses pieds. La dame qui écoute son amie énervée s’en rend compte, le ramasse et le lui tend sans perdre de vue les emportements de sa comparse.
Sans même la remercier, l’homme secoue son gant, l’air un peu dégoûté. Lui non plus ne semble pas du tout en joie.
Le wagon se remplit de plus en plus. Un jeune garçon réussit à entrer de justesse en courant. Il bouscule sur son passage une jeune fille qui le sermonne. L’ado ignore violemment cette dernière en enfilant ses écouteurs. Je réalise alors que, tout autour, la tension est palpable.
Une absence de bonne humeur est à l’honneur, doublée d’un agacement généralisé.
Je reviens alors à cette publicité et me demande à quoi ressembleraient nos sociétés nord-américaines hyper stressées en manque de temps perpétuel si chacun avait la chance de recevoir un massage de temps en temps.
Que ce soin ne soit pas considéré comme un luxe, mais comme une nécessité, reconnue et soutenue par l’État: quelques massages annuels subventionnés pour tous les citoyens afin de se calmer collectivement les gros nerfs. Ça serait merveilleux, non? On vivrait dans un monde tellement plus épanoui et détendu et nous aurions plus d’espace pour réaliser ce qui se passe autour de nous.
Je sais que c’est une utopie et que c’est probablement impossible. Tout comme parcourir une distance de plusieurs kilomètres et se rendre très loin en marchant sur les mains.