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Séisme en Haïti: une Laurentienne risque l’expulsion

Photo: Isabelle Bergeron

Le 12 janvier 2010, lorsque la terre s’est mise à trembler dans la banlieue de Pétionville, en Haïti, Marie Agathe Décastro était loin de se douter que sa vie en serait bouleversée à tout jamais. Près de cinq ans après son arrivée à Montréal, où elle a cherché refuge, la résidente de Saint-Laurent, ainsi que ses trois enfants, risquent l’expulsion.

Le 1er décembre 2014, le gouvernement fédéral a annoncé la levée du moratoire sur le renvoi des ressortissants haïtiens, instauré en 2004. Par conséquent, les 3000 Haïtiens qui ont vu leur demande d’immigration ou d’asile rejetée ces dernières années risquent dorénavant d’être renvoyés dans leur pays. Parmi ceux-ci, Marie Agathe Décastro.

Suite à sa demande d’asile, Mme Décastro a été autorisée à entrer et à travailler au Canada, afin que son dossier soit évalué. Trois ans plus tard, en 2013, la mauvaise nouvelle l’a frappée. Sa demande était refusée.

«On m’a dit que je n’avais pas de raison valable de demeurer au Canada, puisque mon mari réside toujours en Haïti. Mais c’est faux. Mon mari a refait sa vie. Je n’ai nulle part où aller si je suis renvoyée,» déplore-t-elle.

Selon Citoyenneté et Immigration Canada, l’amélioration de la stabilité politique et du niveau de sécurité en Haïti est suffisante pour que les ressortissants puissent y refaire leur vie.

«Les conditions en Haïti se sont améliorées, indique Rémi Larivière, responsable des relations médias à Citoyenneté et immigration Canada. Nous avons pris la décision de lever le moratoire après un examen approfondi des conditions dans ce pays et des consultations avec les parties intéressées, y compris des organisations non gouvernementales.»

L’insécurité persiste
Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti, est loin d’être du même avis que le gouvernement fédéral.

«Je ne vois pas comment les gens pourraient retourner avec leurs enfants en Haïti. Il y a une insécurité permanente, et il n’y a pas assez de logements pour tout le monde. Ce n’est tout simplement pas viable.»

En 2013, 77% de la population d’Haïti vivait avec moins de 2$ US par jour. Plus de 320 000 personnes étaient toujours sans abri suite au séisme. Plus de la moitié de la population était en situation d’insécurité alimentaire.
Les dernières études révèlent également une forte augmentation de la criminalité. Le nombre d’homicides dans la région métropolitaine de Port-au-Prince est passé de 15,2% en 2011 à 76,6% en 2012.

Le Ministère canadien des Affaires étrangères lui-même recommande aux gens qui voudraient voyager en Haïti de faire preuve d’une grande prudence en raison du «taux de criminalité élevé et des tensions politiques qui persistent.»

Période de grâce
Les personnes touchées par la levée du moratoire ont droit à une période supplémentaire de six mois pour séjourner au Canada, avec accès aux permis de travail et, pour la plupart, à une protection en matière de soins de santé, afin de leur donner suffisamment de temps pour retourner dans leur pays ou pour formuler une nouvelle demande.

Pour avoir une chance de rester sur sa terre d’accueil, Mme Décastro, comme tous les Haïtiens dans sa situation, doit donc remplir une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires avant le mois de juin.

Famille éclatée
En plus de l’incertitude qui la ronge, Mme Décastro doit aussi s’inquiéter de l’avenir de ces enfants. Puisque deux de ceux-ci sont majeurs, leur demande de résidence sera traitée indépendamment de la sienne.

«Mon avocat pense que j’ai beaucoup de chance que ma demande soit acceptée parce que ma fille mineure est toujours sur mon dossier et que l’intérêt supérieur de tout enfant est évalué dans le dossier. Mes deux ainés, par contre, auront probablement moins de chance. J’ai peur que nous soyons séparés.»

Toutefois, les deux jeunes adultes, pas plus que leur mère, ne souhaitent retourner vivre dans leur pays d’origine. Après avoir réalisé leurs études secondaires au Québec, les jeunes se sont créés un réseau et savent qu’un avenir meilleur les attend ici s’ils obtiennent la résidence.

«Ma fille a subi un traumatisme suite au tremblement de terre, raconte Mme Décastro. Après les événements, je l’ai retrouvée tremblante comme une feuille. Elle avait des vomissements. Elle n’a plus jamais voulu mettre les pieds dans une maison ou un édifice en Haïti. C’est entre autres pour cette raison que nous avons quitté le pays.»

Une pénible attente
En attendant que le gouvernement rende son jugement, l’attente s’annonce pénible pour la famille Décastro.

Pour chacun d’entre eux, il est extrêmement difficile de trouver du travail. Le retour à l’école n’est pas non plus une option envisageable, puisque les Haïtiens sont considérés comme des étudiants étrangers, et doivent débourser un montant considérable pour poursuivre leur éducation au Québec.

Notons que le gouvernement du Québec offre à ses ressortissants haïtiens dont le statut est incertain de faire un parcours d’intégration avant de faire leur demande au fédéral, afin qu’ils aient davantage de chances d’être admis.

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