Soutenez

Alexandre Cloutier: «Pas juste une question de chiffres mais aussi de responsabilités»

Photo: Josie Desmarais / Métro

Le nom du nouveau chef du Parti québécois (PQ) sera connu le 7 octobre. À l’occasion de cette course à la direction du parti, Métro a rencontré chacun des quatre candidats. Dernière de notre série d’entrevues, dont l’ordre de parution a été tiré au sort: Alexandre Cloutier.

Sur la question de la laïcité, pourquoi vous en tenez-vous aux recommandations du rapport Bouchard-Taylor?
Parce que pour moi, ce qui est fondamental, c’est de rassembler et de ne pas créer de nouvelles lignes de fracture sur les enjeux identitaires. Je veux surtout que le Parti québécois devienne le parti de tous les Québécois, particulièrement les néo-Québécois. Il faut qu’on maintienne l’approche de notre socle commun: le français, notre bagage historique, ce que nous sommes comme Québécois. On a aussi une responsabilité de tendre la main vers les néo-Québécois. Ce que je ne veux pas, c’est des ghettos, de l’isolement, le chacun pour soi, où chacun vit un peu dans sa communauté, sans liens, sans partage.

Il a été question, au cours de l’été, des tests de valeurs à l’arrivée des immigrants. Qu’en pensez-vous?
Je pense que c’est fou raide. Sortir le bâton comme si les immigrants sont tous des méchants, ce n’est clairement pas la bonne approche. Le vrai enjeu lié à la sécurité, c’est la radicalisation de nos jeunes et tous ceux qui vont utiliser la vulnérabilité de notre jeunesse pour l’endoctriner. C’est là-dessus que je veux agir, et aussi sur le financement par des pays étrangers, sur la formation qui est offerte dans les lieux de culte, sur la cartographie qu’on doit faire à l’international.

«Si tu penses que l’État ne peut rien faire, tu ne fais pas la job que, moi, je fais. Je pense vraiment qu’on peut changer les choses.» –Alexandre Cloutier

Vous voulez réinvestir 1G$ par année en éducation. Pour financer cela, vous souhaitez notamment le rétablissement de la taxe sur le capital des institutions financières. Ce sont de gros joueurs. Comment pourrait-on vraiment y parvenir?
D’abord, il y a 2G$ de surplus. Donc, il y en a de l’argent au Québec. Aussi, il y a d’autres idées pour avoir plus d’argent: fiducies familiales, incorporation des médecins, plafonnement des REER, en plus de cette taxe. En gros, c’est des choix politiques. Il y en a de l’argent sur la table, encore faut-il qu’on ait le courage de le placer là où c’est urgent. Pour moi, c’est l’éducation. Parce qu’un jeune sur quatre n’a pas son diplôme d’études secondaires avant l’âge de 20 ans et, pour moi, c’est une tragédie. Ce n’est pas juste une question de chiffres: c’est une question de responsabilités pour que nos jeunes obtiennent leur diplôme.

Mais certains économistes s’inquiètent d’un éventuel retour de cette taxe pour les institutions financières…
Une banque, ça ne partira pas à la course. On en a besoin et elles vont continuer d’être là. [Cette taxe] a toujours existé, mais le gouvernement libéral l’a retirée [en 2011]. Alors on va la ramener pour les institutions financières. Elles vont payer pour. Il n’y a pas un Québécois qui pense que les banques paient leur juste part au Québec.

Pour le financement, vous proposez aussi la fin de l’incorporation des médecins. Ça ne va pas les vexer?
Sûrement. Par définition quand tu enlèves de l’argent aux gens, c’est rare qu’ils soient contents. Sauf que pour moi, tu ne peux pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Ça prend une rémunération globale, et ça, c’est d’autres façons d’y arriver.

À votre avis, combien un médecin devrait-il être payé?
Ce qui est sûr, c’est qu’en ce moment, c’est une aberration. Je veux revoir la manière dont les médecins sont payés. Je veux mettre fin au paiement uniquement à l’acte pour qu’il y ait une rémunération mixte, pour qu’on ait le goût de collaborer davantage avec les infirmières et les autres professionnels de la santé. Mais le problème, ce n’est pas la rémunération: c’est l’accès à la santé.

Vous proposez une «voie rapide», à l’urgence, pour répondre rapidement aux patients ayant des problèmes mineurs. Est-ce simplement une question de volonté politique ou est-ce complexe à instaurer?
Tout finit par être une question de volonté politique, c’est sûr. Ce que je propose, c’est de donner plus de pouvoir aux autres professionnels de la santé, pas juste aux médecins. Est-ce qu’il y a des ordres professionnels qui vont crier? Oui. Par contre, est-ce qu’on doit le faire? Oui.

On parle depuis longtemps de donner plus d’accès aux autres professionnels de la santé. Plusieurs Québécois se demandent pourquoi ça n’avance pas…
Parce que les Québécois ont un peu décroché. Comme s’ils ne croyaient plus qu’on peut faire des choses en santé, alors que ce n’est pas le cas. La première chose qu’on doit faire en santé, c’est de la prévention. Les gens veulent bien s’alimenter, faire davantage d’activité physique, ils veulent s’assurer que ce qu’ils font est bon pour eux. C’est sur ça qu’on doit miser. Sinon, c’est sûr qu’on augmente le nombre de malades.

Les jeunes parlent peu d’indépendance. Certains se disent qu’avec l’élection de Justin Trudeau, le Canada va maintenant bien. Quel est, aujourd’hui, l’avantage de l’indépendance?
Il me semble que c’est le fun d’être libre, de décider par nous-mêmes, de contrôler tous nos leviers de développement économique, d’avoir plus de pouvoirs pour nos régions. Ça nous permettrait de nous déployer partout sur la scène internationale. Et dans nos régions, ça nous permettrait de mieux nous structurer et de nous organiser. En ce moment, nous sommes bloqués pour tout. Prenons les négociations sur le financement du système de santé par le gouvernement fédéral: ils veulent imposer des conditions, alors qu’en théorie, on est censés être responsables de la santé au Québec.

Vous voulez favoriser l’électrification des transports. À quel moment atteindrons-nous les objectifs à l’échelle du Québec?
D’abord, c’est une question de choix personnel. J’invite les gens à choisir les voitures électriques. Pourquoi au Québec? Parce qu’on nage dans l’hydroélectricité, c’est la nôtre. À chaque fois qu’on réduit notre consommation de pétrole, c’est de l’argent qui reste ici. J’ai tellement hâte que les gens réalisent à quel point, sur le plan financier, c’est stupide d’envoyer autant d’argent à l’étranger. L’électrification des transports, c’est bon sur le plan environnemental, c’est bon pour nos obligations sur le plan international et sur le plan économique.

Ça coute cher pour les villes et pour les particuliers…
Sur 15-20 ans, je serais curieux de voir les économies de pétrole lourd par rapport aux coûts électriques. Je ne suis pas convaincu que c’est tellement plus cher. C’est ce genre de choix qu’on doit faire au Québec.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.