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Un sondage sur le populisme au Canada

Stephanie Levitz, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — La réputation du Canada en tant que pays entretenant une vision du monde ouverte et optimiste, contrairement à la montée du pessimisme et du nationalisme un peu partout sur la planète, se trouve remise en question par les résultats d’une nouvelle enquête.

Les résultats d’un sondage mis sur pied par la firme EKOS et La Presse canadienne indiquent que bon nombre de Canadiens entretiennent des opinions profondément en accord avec certains courants très sombres du monde.

Moins de la moitié des Canadiens se retrouvent du côté «ouvert» de l’indice conçu par EKOS et La Presse canadienne, un outil qui vise à mesurer le mouvement populiste au pays.

Le reste de la population épouse une vision très fermée par rapport au reste du monde ou se retrouve à la frontière entre les deux tendances. Ce groupe d’indécis représente une partie potentiellement volatile et changeante de l’opinion publique.

Le sondage mené auprès de 12 604 personnes visait à évaluer le point de vue des Canadiens par rapport à celui des électeurs qui ont appuyé deux des résultats populistes les plus étonnants de dernières années, soit l’élection de Donald Trump et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Ces deux résultats sont interprétés comme la conséquence du mécontentement d’une partie de la population mise de côté par les transformations technologiques, culturelles et économiques. Une population qui cherche à reprendre une forme de pouvoir en bousculant le statu quo politique et en favorisant de nouvelles approches draconiennes.

Est-ce que le Canada pourrait faire face aux mêmes enjeux? La question demeure en suspens.

Selon les résultats du sondage, 46 pour cent des Canadiens affichent une ouverture d’esprit face au reste du monde et face à leurs concitoyens. Les taux les plus élevés ont été observés en Colombie-Britannique et dans les provinces de l’Atlantique.

Cependant, 30 pour cent des Canadiens sondés disent ressentir un sentiment d’insécurité quant à l’avenir économique et culturel. Le sentiment est particulièrement fort en Alberta et en Saskatchewan. Les quelque 25 pour cent restants présentent des opinions mitigées.

Pour évaluer le niveau de populisme des Canadiens, EKOS et La Presse canadienne ont recueilli les résultats de deux sondages téléphoniques menés en juin et en décembre au sujet des perspectives économiques, de la mobilité des classes, de l’immigration et de la tolérance. Les sondeurs ont aussi demandé aux répondants s’ils considéraient les mouvements populistes comme positifs ou non.

Les réponses ont ensuite été positionnées sur un spectre allant d’«ouvert» à «rangé», une nouvelle méthode de classification des opinions politiques qui va plus loin que le spectre traditionnel «gauche-droite».

«Les questions maintenant sont: Voulez-vous qu’on relève le pont-levis? Que pensez-vous des gens qui n’ont pas la même couleur de peau que vous? Que pensez-vous de l’importance de la contestation? Doit-on vivre dans une société ordonnée ou plus chaotique ou créative?», explique le président d’EKOS Frank Graves.

La marge d’erreur des sondages téléphoniques est de 0,9 pour cent, 19 fois sur 20.

OUVERTES: provinces de l’Atlantique

Les résultats révèlent la nature complexe de ce qu’EKOS appelle le «populisme nordique».

Par exemple, 50 pour cent des gens interrogés dans les provinces de l’Atlantique se retrouvent du côté des opinions «ouvertes». Ce qui veut dire qu’ils sont optimistes face à leur avenir économique, la mobilité des classes et qu’ils ont une opinion positive de la diversité ethnique. Ils considèrent par ailleurs que le populisme n’est pas un mouvement positif.

Pourtant, ces provinces sont celles où la population est la plus vieillissante, la moins diversifiée et où le niveau d’éducation est légèrement moins élevé.

Ces éléments sont habituellement associés à des opinions plus fermées. Les partisans du Brexit, au Royaume-Uni, étaient moins bien rémunérés et moins éduqués que ceux qui étaient favorables à l’Union européenne.

Selon Frank Graves, le fait que cette région dépend de l’immigration pour assurer son avenir et le fait qu’il s’agit d’une culture côtière, plus ouverte sur le monde, expliqueraient ces résultats.

RANGÉE: Oshawa, Ontario

L’économie d’Oshawa est en croissance, malgré la situation précaire de l’industrie automobile. Le revenu médian est élevé. Le nombre de personnes qui détiennent des diplômes postsecondaires est élevé.

Pourtant, 38 pour cent de la population interrogée par les sondeurs entretiennent des opinions bien rangées par rapport au reste du monde. Aucune autre ville du pays n’affiche un taux plus élevé.

«L’endroit où l’on vit est révélateur et les aléas de l’économie collective et la démographie sont aussi importants. Mais ils ne sont en aucun cas déterministes», souligne Frank Graves.

«Cela veut dire que les communautés peuvent choisir de prendre une voie différente», ajoute-t-il.

Plusieurs personnes brandissent la diversité des grands centres du Canada pour plaider que des mouvements populistes anti-immigration, comme celui qui a mené Donald Trump à la présidence des États-Unis, ne pourraient pas y prendre racine ici.

Le sondage démontre toutefois que dans les banlieues de ces grands centres, où vit une forte concentration de personnes d’un unique groupe ethnique, les gens peuvent être autant à la recherche d’une société traditionnelle et ordonnée que dans certains recoins ruraux du pays.

«Le populisme canadien a plus en commun avec le populisme du sud des États-Unis que ce que les gens croient, mais il y a quelques distinctions importantes», selon le président d’EKOS.

«L’une des différences les plus importantes, c’est que le populisme au Canada ne prend pas seulement racine chez les blancs. En fait, il n’y a pas de différence significative entre les populations blanches et non blanches», précise M. Graves.

MITIGÉES: une cible politique de choix

Les enjeux concernant les classes sociales et les inégalités constituent des préoccupations importantes cette semaine alors que les dirigeants de la planète sont réunis à Davos, en Suisse, pour le sommet économique annuel.

Le premier ministre du Canada Justin Trudeau et certains de ses ministres sont sur place.

«Nous devons nous assurer de la participation égale et entière de tous afin de bâtir des économies profitables pour tous et un avenir davantage axé sur l’équité, l’inclusion et la compassion», a déclaré M. Trudeau dans un communiqué de presse avant son départ.

Ce message s’adresse aux 25 pour cent de Canadiens qui tombent dans la catégorie des opinions «mitigées», selon Frank Graves.

«C’est un groupe qui peut changer d’opinion. Ils étaient probablement des gens « ouverts » il y a dix ans», croit-il.

«On peut argumenter que si l’on n’arrive pas à convaincre les gens que l’avenir peut être encourageant, alors le problème risque de devenir plus grand que plus petit», conclut le sondeur.

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