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Au cœur de la controverse, la juge Duval Hesler se retire d’une conférence

Cour d'appel
La Cour d'appel du Québec. Photo: Zacharie Goudreault/Métro

L’Association de droit Lord Reading et Nicole Duval Hesler prennent leur distance. Les deux parties ont convenu mardi soir de reporter l’allocution de la juge en chef de la Cour d’appel qui devait avoir lieu le 10 décembre, dans Westmount.

La nouvelle tombe trois jour après qu’une plainte ait été déposée contre la juge au Conseil canadien de la magistrature (CCM) pour des propos prononcés pendant les audiences de la Loi 21 sur la laïcité de l’État.

Mme Hesler devait tenir une conférence sur le thème de «Comment éviter les conflits d’intérêt à la Cour d’appel», à la synagogue Shaar Hashomayim.

Selon le président de Lord Reading, Gregory Azancot, la décision de reporter la conférence découle surtout d’un malentendu. Il soutient que la juge Hesler ignorait que son association avait déposé une intervention dans une «cause en parallèle» pour présenter ses arguments devant la Cour, dans un dossier concernant la Loi sur la Laîcité. C’est ce point qui causerait un malaise, la juriste devant justement trancher sur un litige portant sur cette même loi, ce qui la placerait en conflits d’intérêt.

«Nous avons mutuellement décidé de reporter sa présentation devant l’Association.» -Gregory Azancot, président de Lord Reading

La veille, lundi soir, Lord Reading avait pourtant refusé d’annuler la conférence de Nicole Duval Hesler, jugeant que la conférence n’avait «rien à voir avec la Loi 21 ni avec la position juridique que l’Association a adoptée à l’égard de cette mesure législative particulière». Par le passé, l’association de droit a manifesté son opposition à la Loi 21 à plusieurs reprises.

Les impacts d’une plainte

C’est l’historien Frédéric Bastien, aussi professeur au Collège Dawson et auteur du livre «La bataille de Londres», qui avait déposé la plainte au cœur de la controverse entourant Mme Hesler, le 1er décembre dernier.

D’après lui, la juge a manqué à son devoir de réserve en se demandant qui souffre davantage de la Loi 21. «Les allergies visuelles de certaines, ou les enseignantes qui perdent la possibilité de s’engager dans la profession qu’elles ont choisi?», s’était-elle interrogée pendant la séance de la Cour d’appel.

Pour M. Bastien, ces propos sont condamnables car ils constituent «l’expression d’une opinion politique». Depuis sa sortie, plusieurs autres personnes ont manifesté leur malaise avec les propos de la juge. Une trentaine de plaintes auraient été déposées.

L’historien avait aussi condamné la présence de la juriste à l’Association de droit Lord Reading, dédié à promouvoir les intérêts des membres juifs du Barreau du Québec. «Elle aide à financer une organisation qui s’oppose activement à la loi qui est l’objet d’un litige devant son tribunal», a-t-il déploré.

L’avis d’un expert

Pour le professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, Louis-Philippe Lampron, Mme Hesler a très bien fait de se retirer. «L’enjeu ici n’est pas de savoir si elle était en conflit d’intérêts avéré. On est vraiment dans une apparence de conflit d’intérêts. Et il y avait une accumulation d’éléments qui pouvaient soulever des questions légitimes», explique-t-il à Métro.

L’expert en droits et libertés de la personne se dit d’ailleurs très «étonné» des propos de Mme Hesler dans ce dossier.

«C’était profondément inutile. En audiences, un juge doit faire preuve d’ouverture d’esprit. La phrase était assez salée.» -Louis-Philippe Lampron, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval

Si l’impact légal de ces commentaires est pour l’instant minime, ils pourraient être fort utiles à certaines personnes dans le futur, ajoute le spécialiste. «Si la juge ne se récuse pas et que le jugement est défavorable, c’est certain que ces propos-là vont être mis de l’avant en appel», considère M. Lampron.

Malgré tout, cette saga aura eu pour avantage de lancer un vrai débat sur les exigences de la société envers ses magistrats. «C’est en soi un message assez positif», laisse entendre le professeur, appelant toutefois à la nuance dans ce dossier.

«La question de crise de confiance est un peu forte. Je n’achète pas la thèse de méprise envers ceux et celles en faveur de la loi 21», conclut-il.

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