La télémédecine gagnera rapidement en influence au Québec, disent des experts
Plus de 26 000 médecins, dont 4000 au Québec, pourront profiter dès jeudi d’une nouvelle plateforme leur permettant de faire des consultations 100% virtuelles avec des patients, à partir de leur dossier médical électronique. La division santé de TELUS Canada, qui est derrière le projet, affirme que la télémédecine est réclamée depuis des années dans le milieu. Est-ce la voie de l’avenir?
«Le grand avantage, c’est que c’est complètement intégré, explique le président de TELUS Santé, Luc Vilandré, en entrevue à Métro. Les professionnels vont pouvoir assurer un suivi rigoureux avec leurs patients en fonction de leur historique, via leur dossier médical dans l’application.»
En plus des gains de productivité considérables qu’elle permet, cette téléconsultation contribuera à désengorger le réseau de la santé en contexte de pandémie, dit M. Vilandré. Il soutient que cette nouvelle façon de fonctionner a été propulsée par l’arrivée de la COVID-19.
«Cette crise a accéléré la gestion du changement dans l’écosystème de la santé. La situation nous force à évoluer, et lorsque les gens goûtent au changement, ils se rendent comptent de sa valeur», explique-t-il.
«Au Québec, si tu tombes malade un samedi, ce n’est pas toujours facile. On se tourne vers une clinique sans rendez-vous, où il y a parfois huit heures d’attente. Avoir des médecins qui se rendent disponibles, à distance, simplifierait beaucoup les opérations.» -Luc Vilandré, président de TELUS Santé
D’ailleurs, les infirmières et les premiers intervenants pourraient éventuellement être mis à contribution, souligne M. Vilandré. «Ce sont des experts eux aussi, et ils sont capables de gérer beaucoup de problèmes mineurs de santé», envisage-t-il.
Des experts disent oui à la télémédecine au Québec
Pour l’experte en organisation des services à l’École de santé publique de l’UdeM, Marie-Pascale Pomey, la crise du coronavirus modifiera drastiquement les habitudes du réseau de la santé «sur le long terme».
«On s’est rendu compte dans les dernières semaines qu’il y avait cette capacité de faire autrement. La fenêtre d’opportunité au niveau politique, qui n’avait jamais été créée, a rapidement été ouverte. C’est du jamais-vu, on est en train de passer dans un autre monde», considère-t-elle.
«C’est impossible qu’on revienne en arrière. On a trop de signes qui montrent que la machine est lancée. Toute la population va aussi pousser pour innover.» -Marie-Pascale Pomey, médecin et experte
D’ailleurs, dans le réseau public, la téléconsultation n’était que très «marginale» avant l’arrivée du coronavirus, raisonne l’experte. «Il n’y avait presque rien. C’est d’autant plus impressionnant de voir ça évoluer aussi rapidement», lâche-t-elle.
Québec pèse sur l’accélérateur
À la fin mars, la ministre de la Santé, Danielle McCann, annonçait effectivement un «réaménagement» massif du réseau, après avoir subi plusieurs pressions de médecins de famille pour favoriser la télémédecine.
«On est en train de faire en sorte que tous les services soient donnés par téléconsultation, pour que les gens ne se déplacent pas. On a tout un plan pour rejoindre les gens», a promis la ministre.
Le gouvernement affirme que tous les établissements, incluant cliniques médicales, hôpitaux et CHSLD, seront visés. Une importance particulière sera également mise sur le suivi «psychologique et social» du patient.
Des changements répandus?
Pour le spécialiste en virologie à l’UQAM, Benoit Barbeau, la pandémie est depuis le départ un synonyme de refonte complète. «Cette transition numérique, on va la voir dans tous les domaines, et pas seulement en médecine. Et ça va se poursuivre dans le temps, même après la descente de la courbe», dit-il.
D’un point de vue financier, le passage au virtuel sera aussi très bénéfique, observe Roxane Borgès Da Silva, spécialisée dans les questions d’économie de la santé. «Même en contexte hors-pandémie, on voit beaucoup trop de problèmes bénins engorger le système. La téléconsultation, dans ce contexte, permettrait de sauver une perte d’argent et de temps qui est énorme. C’est certain que ça doit rester après la crise», soutient celle qui est aussi professeure à l’École de santé publique de l’UdeM.
Selon des données avancées par TELUS Santé, les médecins de famille au Québec traitent annuellement 760 000 cas de diabète, 200 000 cas de maladie pulmonaire chronique et 150 000 aînés «atteints de démence».