Une «vague de départs» appréhendée dans des ressources intermédiaires
Le réseau des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec craint que le programme de formation de préposés aux bénéficiaires rémunéré à 21$/heure, annoncé hier par le gouvernement Legault, entraîne «une vague de départs» dans ses rangs. Le groupe demande à son tour une augmentation de salaire pour ses membres, afin d’éviter le pire.
«J’ai extrêmement peur. Recruter quelqu’un chez moi peut prendre jusqu’à deux mois pour un poste. On se fait carrément insulter quand on publie nos offres d’emploi; les gens nous disent que les conditions sont beaucoup plus agréables dans les CHSLD. Sans meilleures conditions, on craint un exode», explique la propriétaire de la résidence Desautels de Montréal, Valérie Coombs, en entrevue avec Métro.
Elle dénonce que le secteur soit «complètement oublié» par les autorités, alors que celles-ci financent pourtant ses activités à 100%. «On nous dit en gros qu’il y a deux classes de préposés et que nos résidents valent moins. C’est sur le bord d’être insultant. Ce sont des gens qu’on a formés», tonne la gestionnaire, parlant de gros bon sens.
«On se démène pour la cause. Moi, je travaille 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Puis, finalement, mon salaire n’équivaut même pas à ce qu’on peut gagner au public.» -Valérie Coombs
Hier, Québec lançait une vaste opération de formation et de recrutement de 10 000 préposés aux bénéficiaires d’ici le 15 septembre. La formation express des préposés sera offerte à travers la province, dans une cinquantaine de centres de formation professionnelle.
Une injustice «à corriger»
Il manque actuellement 28% de personnel dans les ressources intermédiaires (RI) du Québec. Ces 1000 établissements à travers la province traitent plusieurs clientèles vulnérables, dont les déficients intellectuels, des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des aînés. «En moyenne, un préposé qui y travaille gagne entre 13 et 14$ de l’heure», illustre Mme Coombs.
Selon le gouvernement, les diplômés du nouveau programme de formation pourront quant à eux se faire offrir un emploi au salaire de 26 $ de l’heure. «Est-ce que le gouvernement cherche à siphonner les préposés aux bénéficiaires de nos ressources intermédiaires? C’est ce qu’il risque de faire s’il ne corrige pas le tir», fustige la directrice générale de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec (ARIHQ), Johanne Pratte.
«Le gouvernement vient littéralement dire à nos employés: lâchez votre job, venez suivre la formation pour le métier que vous faites déjà. On va augmenter votre salaire de 50%, et vous pourrez ensuite travailler dans les CHSLD publics à 26$/h.» -Johanne Pratte
Craignant l’abandon de 16 000 patients chaque année, l’ARIHQ demande un «rééquilibrage salarial d’urgence». Pour ce faire, le groupe demande à Québec d’entamer «le plus rapidement possible» les négociations entourant le renouvellement de l’Entente nationale du milieu de la santé. Le but serait «d’appliquer une mesure transitoire» en plusieurs étapes, ce qui éviterait de «creuser davantage l’écart salarial» entre le privé et le public.
Québec comprend l’inquiétude
Appelée à réagir, une porte-parole au cabinet du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Élizabeth Lemay, affirme que des discussions auront lieu.
«Nous comprenons l’inquiétude des préposées aux bénéficiaires en ressources intermédiaires. Des travaux sont en cours concernant les conditions de travail de nos partenaires en hébergement et en soins en domicile.» -Élisabeth Lemay
L’attachée de presse ajoute que le Québec «fait face à un défi majeur de manque de main d’œuvre dans le réseau de la santé». Malgré les efforts du gouvernements, plusieurs postes demeurent non-comblés, dit Mme Lemay. «L’objectif de cette campagne est d’ajouter des bras dans notre réseau pour prendre soins de nos aînés. C’est une offre très intéressante et on espère que les Québécois seront au rendez-vous», implore-t-elle.
En point de presse, mercredi, le premier ministre François Legault avait laissé entendre qu’une fois le contingent de 10 000 nouveaux préposés atteint, Québec pourrait «augmenter encore davantage» le nombre d’employés dans les CHSLD. Une campagne de promotion viendra sous peu appuyer l’initiative.