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Legault et le coronavirus: un bilan de la gestion de crise

François Legault
Le premier ministre du Québec, François Legault Photo: Josie Desmarais/Métro

Plus de trois mois après l’émission de l’état d’urgence sanitaire, quel est le bilan du gouvernement Legault et de la santé publique dans la gestion de cette pandémie de coronavirus? Métro a demandé à quelques experts en santé publique.

La COVID-19 a eu de tristes conséquences dans la province. Au moment d’écrire ces lignes, plus de 5300 personnes avaient succombé à la maladie.

Parmi ceux-ci, plus de 4500 étaient survenus dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) ou dans une résidence privée pour aînés (RPA). La semaine dernière, le premier ministre François Legault a de nouveau fait son mea culpa face au piètre bilan de ces établissements.

Mais quelle notes lui donnent les experts en santé publique et en épidémiologie? Quatre d’entre eux ont accepté d’évaluer le travail de gestion de crise à Québec.

Pré-COVID: Cette étape s’étend de la journée où le premier cas au monde a été confirmé, en Chine, jusqu’au jour précédent le confinement de la société québécoise. Elle inclut tout le travail de prévention et de recherche effectué en amont de la crise.

Note moyenne: 3,5 sur 5

Les avis diffèrent quant à la proactivité des autorités dans ces quelques mois cruciaux. Selon la professeure Helen Trottier, spécialiste en médecine sociale et préventive à l’Université de Montréal, Québec a fait preuve d’une «réaction rapide».

«On ne connaissait rien sur ce virus», constate-t-elle.

Spécialiste en organisation des systèmes de santé, la professeure Roxane Borgès Da Silva félicite par ailleurs le gouvernement d’avoir concentré son attention sur les centres hospitaliers. À noter que Mme Borgès Da Silva a préféré ne pas noter la performance du gouvernement.

«On a libéré des lits hospitaliers, des places en soins intensifs pour éviter le cas de l’Italie, à choisir qui aura droit à un respirateur artificiel», indique celle qui enseigne à l’Université de Montréal.

L’ex-politicien et médecin infectiologue Amir Khadir aurait, lui, préféré voir un meilleur suivi des cas alors que les voyageurs revenaient de l’étranger vers Montréal, notamment. Le premier cas officiel a reçu une confirmation de la santé publique en février.

«Il y a eu des délais dans l’introduction d’un certain nombre de mesures, dont un traçage épidémiologique efficace des contacts des cas positifs dans les 24h à 48h, soutient-il. Ça aurait exigé un renforcement beaucoup plus énergique des capacités de la santé publique.»

Confinement: Le 12 mars, la nouvelle tombe: finis, les événements de plus de 250 personnes au Québec. Deux jours plus tard, le gouvernement Legault déclare l’état d’urgence sanitaire, pas encore levé depuis. Les Québécois se confinent.

Note moyenne: 4,8 sur 5

C’est sans aucun doute la période la mieux gérée par les autorités, lancent en chœur les experts consultés par Métro.

Le confinement devait se faire «très tôt», évoque l’épidémiologiste Nimâ Machouf. «Ils ont confiné à temps. La communication et la pédagogie associée à cette étape cruciale a été très bien», analyse-t-elle.

À ce moment, le duo santé publique-exécutif a donné une leçon de communication, ajoute Helen Trottier. «Ça a été fait avec une main de fer dans un gant de velours», souligne l’experte.

Stratégie de dépistage: Tests dans les CHSLD, dépistage à l’auto, unité de tests mobiles: la Santé publique a fait appel à diverses méthodes pour dépister les cas de COVID-19 au Québec.

Note moyenne: 2,8 sur 5

Aux yeux des spécialistes interrogés, la stratégie de dépistage au Québec a manqué la cible, et ce, tout au long de la pandémie. Selon l’épidémiologiste Benoit Barbeau, professeur à l’Université du Québec à Montréal, c’est un des coups ratés des autorités sanitaires.

«Bien que le gouvernement avait compris très rapidement l’importance des tests de dépistage, ceux-ci ont tardé avant d’être instauré de façon efficace et ont été limitants au début de la crise», indique-t-il.

Il déplore notamment la réponse dans la grande région de Montréal, qui compte environ 60% des décès dans l’ensemble de la province.

Chargée de cours à l’Université de Montréal, Nimâ Machouf s’insurge pour sa part que Québec ait refusé en premier lieu de tester les personnes asymptomatiques «au moment où c’était crucial».

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a confirmé qu’une personne sans symptômes peut très bien transmettre la COVID-19. Les jeunes ont par ailleurs moins de chances de développer des symptômes même s’ils ont été infectés.

Situation dans les CHSLD et RPA: Selon le premier ministre François Legault, s’il n’y avait pas eu «cette situation catastrophique dans les CHSLD, ça aurait été une victoire sur toute la ligne».

Note moyenne: 2,5 sur 5

Les spécialistes en Santé publique sont d’accord pour dire qu’il s’agit bel et bien du pire secteur de gestion de crise du système de santé québécois.

«Une des mesures qui auraient dû être instaurées rapidement aurait été d’éviter que des employés des CHSLD puissent travailler dans différents lieux», souligne Benoit Barbeau.

Selon le premier ministre, le manque à gagner en termes de personnel se situait à un moment à 20 000 postes en CHSLD.

Helen Trottier ne voit pas ce que le gouvernement aurait pu faire de plus. «Dans le contexte des structures existantes, le gouvernement a très bien géré la crise dans les CHSLD», lance-t-elle.

Même son de cloche de la part de la chercheuse Louise Potvin, membre de l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal, qui a elle aussi préféré éviter de donner des notes. «La crise a retiré l’étau sur un système mal conçu d’année en année», avance-t-elle.

Déconfinement: En commençant avec la construction domiciliaire, puis avec le commerce de détail, le Québec a commencé à se déconfiner dès les mois d’avril et de mai. Affectée fortement, Montréal a dû patienter un peu plus pour la reprise de ses activités.

Note moyenne: 3,5 sur 5

Encore difficile d’évaluer les réels effets du déconfinement, constatent les professionnels abordés. Mais selon Nimâ Machouf, le bilan est aigre-doux.

«Point positif: le gouvernement s’est toujours donné la marge de manœuvre pour reculer. Mais c’est rendu très, très confus, le message de déconfinement», observe-t-elle.

Dans le contexte de reprise des activités, elle appelle le gouvernement à rendre le port du masque obligatoire, ce que François Legault a jusqu’à maintenant refusé.

NOTE GLOBALE: 17,1 sur 25

Et vous, quel bilan faites-vous des quatre derniers mois? Écrivez-nous à opinions@journalmetro.com.

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